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Article dans L'Express du 22/09/2010 : Les nouveaux profs bizutés par la réforme

AFP/JEFF PACHOUD

Les débutants en bavent. Normal, mais leur nouvelle formation "accélérée" a créé de véritables cafouillages. Certains paient les failles du système au prix fort.

 

Dans dix ans, ses débuts tâtonnants dans le métier d'enseignant le feront peut-être sourire. En attendant, Martin (le prénom a été changé), 22 ans, a le coeur sacrément serré. Il paie cher les cafouillages de la mastérisation, cette nouvelle formation des profs qui zappe la case IUFM (institut universitaire de formation des maîtres) et catapulte des jeunes inexpérimentés face à des élèves. En théorie, ces débutants sont accompagnés d'un tuteur et ne doivent être affectés ni en ZEP (zone d'éducation prioritaire), ni en CP. La pratique est tout autre.  

 

Martin, après quelques jours de quiproquos administratifs et d'allers-retours entre des établissements où on ne l'attendait pas et des tuteurs "volontaires" jamais informés de leur mission, atterrit dans une école en ZEP de Seine-Saint-Denis. "Quitte à enseigner, autant être utile auprès de ceux qui en ont le plus besoin, pense le jeune homme, idéaliste. Même sans aucune expérience, je croyais y arriver."

 

Son optimisme vacille pourtant dès les premières heures. Le directeur de son école, gêné, lui annonce la nouvelle: Martin aura la charge d'un CP car, les effectifs comptant plus d'élèves que prévu, il a fallu créer une troisième classe. Panique chez le stagiaire: "Le CP est une année stratégique d'apprentissage de la lecture, de l'écriture, des maths. Elle détermine tout le reste du parcours scolaire... En plus, beaucoup d'enfants de ma classe parlent très mal français. Si moi je n'assure pas, que vont-ils devenir ?" Pas d'aide à attendre de sa tutrice: avec un jour de décharge par semaine, elle occupe un poste dans une autre école de la ville et doit suivre trois stagiaires.  

 

Première journée catastrophique

Aidé de deux collègues, Martin se lance. La première journée est catastrophique : problèmes de discipline, d'attention, de matériel... Un enfant s'avère déficient mental. Martin parvient à faire l'appel, à établir quelques règles de la vie en classe, et à faire ranger les trousses. Epuisé, stressé, paniqué, il décide de ne pas retourner au charbon le lendemain, prévient son directeur et l'inspecteur d'académie. En arrêt maladie, il attend une nouvelle affectation. Elle arrivera au bout de quatre jours.  

Le cas de Martin n'est pas unique. Les débuts de la mastérisation s'effectuent dans une relative improvisation. Deux directeurs d'IUFM, dont Patrick Baranger, l'ex-président de la Conférence des directeurs d'IUFM, ont démissionné début septembre, en signe d'opposition. "Je pense que la mastérisation va entraîner une régression extraordinaire de la qualité de la formation", écrit-il dans une lettre envoyée à Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur. Dans l'académie de Créteil, 5% des stagiaires de secondaire n'ont toujours pas de tuteur. On rapporte des cas de bleus nommés professeurs principaux en seconde ou dans des classes à double niveau.  

 

"Sans doute reste-t-il quelques cas à régler, mais tout se passe très bien pour la majorité des débutants", insiste pourtant le recteur de Créteil, William Marois. "Nous ne laisserons personne seul dans la difficulté", assure Josette Théophile, nouvelle DRH de l'Education nationale, qui reconnaît que cette année transitoire est tout de même particulière. Martin ne dira pas le contraire.l  

 



25/09/2010
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