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Revue de presse : Article dans L'Express du 07/12/2010 : Ecole française: "Le meilleur système, pour la moitié de ses élèves"

L'OCDE a noté notre système scolaire parmi ceux de 65 pays. Verdict :"Doit mieux faire", surtout pour les plus en difficulté. Commentaire de copie par un expert.
 

Ni cancre ni crâne d'oeuf, la France est une élève tristement moyenne. Les résultats du test Pisa, organisé tous les trois ans par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) auprès de 400 000 adolescents de 15 ans, issus de 65 pays, sont enfin tombés. Cette enquête, qui évalue les compétences (savoir lire une notice, calculer un intervalle, etc.), montre que la France est encore loin du tableau d'honneur. Avec 496 points, elle se situe juste dans la moyenne de l'OCDE (493 points), loin derrière la province de Shanghai (556), championne toutes catégories, la Corée (539), la Finlande (536), Hongkong (533), le Canada (524). Elle fait jeu égal avec l'Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni, mais elle est devancée d'une courte tête par les Etats-Unis et la Pologne. Le seul domaine où la France se situe au-dessus des autres, c'est celui des dépenses : elle consacre 74 659 dollars par enfant âgé de 6 à 15 ans, quand la moyenne s'établit à 69 135 dollars. Moins performant, le système français laisse aussi plus de jeunes sur le carreau, et c'est le mérite de cette enquête, au-delà du classement, de pointer ces faiblesses. Décryptage avec Christian Forestier, administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et coauteur de Que vaut l'enseignement en France? (Stock). 

 

La France est constante dans sa médiocrité. Faut-il s'en satisfaire?

Elle était 13e en 2000 avec 40 pays testés, elle est 22e en 2009, mais le nombre de pays a évolué, on en compte désormais 65. Ce qui est important, c'est sa place relative : elle reste dans le bas du premier tiers, à peu près comme avant. Mais, depuis 2000, on remarque une érosion régulière des résultats : indéniablement, la France recule. L'élément vraiment alarmant de cette enquête concerne l'extrême hétérogénéité du système français : en compréhension écrite, la proportion de mauvais élèves a augmenté d'un tiers, passant de 15 % en 2000 à 20 % en 2009. C'est énorme. Dans le même temps, les très bons n'ont augmenté que de 13 %. En mathématiques, c'est encore pire : là, les cancres augmentent aussi d'un tiers, mais il y a 10 % de très bons en moins ! La moyenne peut donc rester stable, mais elle dissimule des écarts toujours plus importants entre les faibles et les forts. On s'en doutait déjà, mais Pisa vient confirmer la crainte que j'avais exprimée sous cette forme : "La France a peut-être le meilleur système du monde, mais pour la moitié de ses élèves seulement." La réduction drastique de la proportion de jeunes en situation d'échec lourd, dont on ne sait pas vraiment s'occuper, devrait être notre grande priorité, dans la durée, et au-delà des clivages partisans.  

 

L'autre élément alarmant est l'importance de la corrélation entre milieu socio-économique et performances : en France, l'origine sociale explique 28 % de la variation des résultats, contre 14 % au Japon, par exemple...

Nous appartenons en effet aux pays où les catégories socioprofessionnelles, mais aussi le niveau de formation des parents, le patrimoine culturel familial sont les plus clivants. La nouveauté, c'est que Pisa a mesuré cette année le niveau des élèves issus de l'immigration. En France, ils sont 13 % - contre 10 % pour la moyenne de l'OCDE. Tous les pays rencontrent des difficultés avec les enfants nés de la première génération : en France, comme en Grèce et en Slovénie, ils courent au moins deux fois plus de risques de figurer parmi les derniers. Mais l'information inquiétante, c'est que nous ne parvenons pas non plus à faire réussir les jeunes de la deuxième génération : encore plus d'un tiers d'entre eux n'atteint pas le niveau 2. 

 

Ces résultats sont-ils le signe que la France doit remettre en question son école ?

Les tests Pisa n'évaluent pas simplement le collège, ils sanctionnent bien douze ans de scolarité. Ils sont donc très intéressants. Ils ne valident pas les connaissances, mais uniquement les compétences : qu'est-ce qu'un élève de 15 ans est capable de faire et de comprendre un an avant sa sortie du système scolaire ? Leur légitimité, à l'inverse de celle d'autres enquêtes, est très peu remise en question. En 2000, les Allemands ont eu de très mauvaises notes. Le traumatisme a été national, mais cela leur a servi d'électrochoc. Ils se sont interrogés, ont revu leur système de tri sélectif à la fin de l'école primaire, se sont inspirés des bonnes pratiques étrangères. Finalement, ils nous ont rattrapés, avec 497 points, alors qu'ils étaient nettement derrière. C'est instructif, car on affirme toujours qu'il est impossible de réformer l'école rapidement. La preuve est donnée qu'une mobilisation générale peut aboutir à une nette amélioration, en seulement une décennie. 

 

Quels sont les points sur lesquels la France devrait se pencher en priorité ?

Il faudrait revoir totalement la façon d'enseigner et de gérer les enfants en difficulté : il faut les accompagner autrement, et ce dès le début. On ne devient pas mauvais à 12 ans. Il est urgent d'accorder plus d'attention aux premières années, de la fin de la maternelle au CE1 : c'est là que tout se joue, là que se mettent en place les handicaps qui mènent à l'échec lourd. En France, on oblige tout le monde à aller à la même vitesse et on se contente de faire redoubler ceux qui ne suivent pas. La France pratique trois fois plus le redoublement que la moyenne des pays de l'OCDE ! En Corée, cette pratique est interdite, et pourtant ce pays est premier en mathématiques. Je pense qu'il faut se pencher sur l'école primaire, former des directeurs, leur donner plus d'autonomie, affecter les meilleurs enseignants dans les classes de CP - et je doute que ce soit toujours le cas... 

Quelles leçons peut-on tirer des performances des autres pays ?

Les spécialistes en éducation de l'OCDE l'affirment : les facteurs de réussite sont variés, mais on retrouve toujours une constante, c'est la formation des maîtres. En Finlande, ils sont bien préparés, bien payés, très respectés par la population. Le recrutement y est totalement différent de chez nous : ils sont d'abord déclarés aptes à enseigner, puis la municipalité recrute des chefs d'établissement qui embauchent ensuite leurs maîtres. On est très loin du modèle français... Je pense enfin que nous devrions nous inspirer du Canada, dont les résultats sont bons partout. C'est un grand pays industriel avec une forte immigration, chaque province a son système éducatif, toutes réussissent, mais différemment. Voilà un modèle passionnant à étudier pour nous.

 

Par Laurence Debril



07/12/2010
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