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Revue de presse : Article dans Le Figaro du 21/08/2014 : Rose ou bleu, le cartable résiste au débat sur les stéréotypes

Au grand dam de la secrétaire d'État à la Famille, les marques jouent la carte du genre.

 

Dans les rayons remplis de sacs Hello Kitty fuchsia, gorgés de sacoches Spider-Man bleu vif et rouge pimpant, le cartable n'a pas fait sa révolution sexuelle. Faut-il «dé-genrer» le sac de rentrée ? En plein cœur de l'été, c'est un tweet de la secrétaire d'État à la Famille qui a créé la controverse, enflammant les réseaux sociaux au-delà de ses attentes.

«Le concept du cartable pour fille OU pour garçon. Bien rose, bien nunuche pour les filles. Y'a encore du taf…», s'était donc irritée Laurence Rossignol, le 11 août dernier, en réaction à un diaporama sur les sacs de la rentrée scolaire paru dans un hebdomadaire. Après la polémique sur les ABCD de l'égalité, les appels à décloisonner les jouets des catégories «filles» et «garçons» ou encore la chasse aux livres «sexistes» dans les bibliothèques des bambins, le débat sur les stéréotypes de genre passera-t-il par le cartable ?

Les grandes enseignes, pour l'instant, ne se posent pas la question de savoir si le rose fait «nunuche». En cette rentrée de crise, elles misent avant tout sur les opérations de reprise des anciens sacs des écoliers contre des bons d'achat. Même combat sur les sites de vente en ligne où la rentrée sera discount ou ne sera pas.

 

Pour les écoliers du primaire, les cartables Planes, le dernier succès des studios Disney, et ceux à l'effigie de Violetta, héroïne d'une série télévisée également signée Disney, dominent les ventes des magasins Super U, selon les premières estimations de l'enseigne. «Certes, le rose domine pour les cartables des filles, mais ce sont avant tout les licences qui font vendre», souligne Thierry Desouches, porte-parole de Super U.

Le cartable unisexe n'est donc pas devenu un enjeu pour l'enseigne. Super U avait pourtant créé l'événement avec ses photos de garçonnets dorlotant un poupon et de petites filles jouant les mécaniciennes dans son catalogue de jouet de Noël 2012.

 

Diktat de la marque

La question du «genre» des cartables «concerne peu le consommateur lambda, relève Thierry Desouches. De plus, les cartables et les trousses sont des articles sur lesquels les parents lâchent un peu de lest. Ils achètent ce que leur demande leur enfant s'ils ont les moyens de lui faire plaisir. Or, ces derniers sont extrêmement sensibles à la mode. Il ne faut pas oublier qu'il y a un diktat de la marque dans les cours de récré ! Bien plus pour les cartables que pour les jouets, qui sont surtout utilisés dans l'enceinte familiale». Même écho du côté des psys. «Les enfants sont avant tout consommateurs de marques, tentés d'avoir tous le même produit. De plus, le début du primaire est une période où les enfants affirment de manière très forte leur identité de fille ou de garçon. Mais ce n'est qu'une étape, rassure la psychologue clinicienne Béatrice Copper-Royer. Le plus important, c'est de leur dire qu'ils n'ont pas besoin d'avoir tel ou tel produit pour être intéressant.»

Mais au fait, depuis quand le sac rose ou bleu a-t-il détrôné la sacoche en cuir des écoliers des années 1950 ? Le cartable «genré» existe depuis longtemps, selon Élisabeth Tissier-Desbordes, professeur en marketing à l'ESCP Europe. «Dès la fin des années 1960, des marques comme Chipie ont en effet commencé à s'adresser aux petites filles qui voulaient s'affirmer en tant que petites filles, rappelle cette spécialiste des comportements des consommateurs. Aujourd'hui, du côté des marques, il y a cependant une prise de conscience d'une attente de produits moins stéréotypés chez certains consommateurs. Mais la demande de produits «genrés» et personnalisés est malgré tout bien plus forte, surtout dans les classes populaires, qui investissent beaucoup sur le cartable. L'évolution ne se fera donc pas dans la lutte contre un produit mais plutôt dans la prise de conscience des consommateurs, parents et enfants.» Pour faire basculer la tendance, il faudrait donc plutôt «“déconstruire” le rose, lui enlever sa connotation un peu mièvre, que de “déconstruire” le cartable rose».

 

Agnès Leclair



22/08/2014
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