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Revue de presse : Article dans Le Monde du 03/03/2012 : Psys pour enfants, nounous des parents

Aujourd'hui, on n'emmène quasiment plus son enfant chez un psychologue ou un pédopsychiatre en catimini. Exit la terrible sentence : "Les psys, c'est pour les fous !" La question n'est plus taboue. Les reportages télévisés et les ouvrages grand public sur la psychologie de l'enfant foisonnent. On est mieux informé et sans doute plus à même de repérer certains symptômes.

Selon un rapport du Haut Conseil de la santé publique d'octobre 2011, le nombre de consultations en psychiatrie infanto-juvénile publique a augmenté de plus de 15 % entre 2007 et 2009.

 

Pourquoi les parents frappent-ils à la porte d'un psy ? D'abord, parce que leur enfant souffre d'un trouble psychique avéré : angoisse de séparation, trouble obsessionnel compulsif (TOC)... Mais aussi parce qu'ils sont en quête de conseils relevant parfois plus du bon sens et de la pédagogie... que de la psychologie. Le docteur Agnès Pargade, pédopsychiatre et auteur de Pourquoi consulter un pédopsychiatre ? (De Boeck, 2011), est volontiers interpellée sur des questions de la vie quotidienne : alimentation, acquisition de la propreté, sommeil...

 

D'autres familles ont maille à partir avec l'autorité. Comment doivent-elles s'y prendre pour que leur enfant accepte d'aller à l'école sans rechigner ? Qu'il cesse de se disputer avec sa petite soeur ? Elles s'inquiètent aussi de le voir se transformer en petit geek : ne risque-t-il pas de devenir dépendant à Internet ?

 

"L'éducation est devenue un vrai challenge", explique le docteur Alain Braconnier, pédopsychiatre et auteur d'Etre parent aujourd'hui. Amour, bon sens, logique (Odile Jacob, 300 p., 21,90 euros). "Les enfants sont plus éveillés, plus curieux que ceux des générations précédentes, et les parents éprouvent plus de difficultés à leur poser des limites." Parfois jusqu'à rayer de leur vocabulaire le mot "punition". "Ces parents-là ne supportent pas l'idée que leur enfant puisse les détester s'ils venaient à les punir", ajoute Caroline Thompson, psychologue, psychanalyste et auteure de La Violence de l'amour (Hachette Littératures, 2007).

 

Mais est-ce aux psys de jouer les éducateurs ? "Toute demande est légitime car, quand une famille frappe à notre porte, on ne sait jamais de quoi il retourne, renchérit le docteur Braconnier. Je n'ai jamais vu de parents s'inquiéter pour rien."


Parmi les motifs de consultation figurent les accès de colère à répétition qui inquiètent les parents tout autant qu'ils les épuisent. Sont-ils le fait d'une autorité défaillante ? D'une angoisse qui tenaille l'enfant ? Un décryptage pour le moins délicat, qui peut nécessiter l'avis d'un professionnel.

 

Très éprouvés par les violentes colères de leur fils de 16 mois, Amanda (le prénom a été changé) et son mari ont décidé de consulter une psychologue. "Nous étions dans un profond désarroi, ne sachant plus comment nous comporter avec notre fils. Nous avions même peur de créer chez lui des traumatismes", avoue-t-elle. Dès les premières consultations, il s'est apaisé et a enfin fait des nuits complètes. L'enfant sera suivi par la psychologue pendant sept mois. Le sens caché de ses terribles colères affleure : "Notre rendez-vous manqué lors de sa naissance, qui avait été difficile et traumatisante", décrypte cette jeune mère.

 

Cette expérience est jugée "salvatrice" par les parents. "Elle nous a permis de prendre le temps de comprendre notre enfant, de nous remettre en question et de désarmorcer les blessures qui auraient pu tous nous faire souffrir pendant de longues années", expliquent-ils.

 

Il est même des parents qui consultent un psy à titre préventif, par exemple avant un divorce.

Avec toutes les meilleures intentions du monde puisqu'il s'agit de protéger au mieux l'enfant des conséquences de l'éclatement familial. "Ils craignent de passer à côté d'un trouble que seul un psy saurait repérer, remarque Caroline Thompson. Mais il est difficile de faire de la prévention en ce domaine, car les divorces sont vécus très différemment d'un enfant à l'autre."


De plus, si un enfant n'exprime pas de ressenti par rapport à cet événement familial, il est difficile d'intervenir. "C'est souvent dans un deuxième temps que l'enfant ressentira un mal-être ou présentera un trouble, précise la psychologue. Sauf, bien sûr, en cas de divorce conflictuel, par exemple lorsque l'enfant pourrait être manipulé par l'un des deux parents."


Dans une société qui valorise la performance, de plus en plus de parents consultent au motif que leur enfant afficheraient des signes de précocité.

 

Les enfants surdoués (ou précoces) sont l'objet de toutes les attentions, de la part des familles bien sûr, mais aussi des enseignants. Ils affichent une grande curiosité intellectuelle, de fortes capacités de concentration et une bonne mémoire. Quoi de plus normal avec un QI supérieur à 130 !

 

Malgré l'insistance de sa mère, Victoire (le prénom a été changé) a beaucoup hésité avant de consulter un psychologue pour son fils, alors âgé de 4 ans. "Je redoutais que cette consultation ne le perturbe plus qu'autre chose puisqu'il allait bien. Puis, nous avons cédé car nous avons eu peur de passer à côté de quelque chose qui semblait si évident aux yeux de sa grand-mère. Après un bilan psychométrique, nous avons appris qu'il était surdoué. Ce qui nous a ouvert les yeux sur le fait que nous l'étions aussi", confie cette jeune maman.

 

Il est bien sûr important de détecter la précocité d'un enfant, au risque de le voir s'ennuyer en classe, et frôler l'échec scolaire. "Attention, si ces enfants sont précoces sur le plan intellectuel, ils sont en revanche très immatures sur le plan affectif", rappelle le docteur Braconnier.

 

L'estampille "enfant surdoué" n'en fait pas moins fantasmer de nombreux parents. Des psychologues se spécialisent dans les tests destinés aux enfants précoces. Aussi, des familles frappent à leur porte dès qu'ils repèrent les signes d'une intelligence hors norme chez leur petit Einstein. Parfois, ce sont les enseignants qui les alertent. "J'ai vu plusieurs familles passer un test de QI parce que leur enfant avait été diagnostiqué surdoué, ajoute le docteur Pargade. Ces parents souhaitaient savoir qui avait transmis cet héritage génétique. Il est d'ailleurs dangereux de réduire l'enfant à sa précocité."


Sans oublier ceux qui foncent chez un psychologue au motif que leur enfant est intelligent et qu'il s'ennuie en classe. Avec parfois une déception au bout du chemin : ennui scolaire ne rime pas toujours avec précocité !

 

Christine Angiolini



05/03/2012
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