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Revue de presse : Article dans Le Monde du 05/01/2012 : L'enseignement selon M. Sarkozy : autorité, autonomie et flexibilité

Depuis 2007, Nicolas Sarkozy n'avait jamais vraiment livré une vision de l'école. L'éducation nationale a été surtout, pour lui, une réserve d'économies budgétaires. Et, de son côté, le ministre de l'éducation, Luc Chatel, a avancé en mesurant ses paroles, peu disert sur l'édifice dont il posait les premières pierres.

Présentant ses vœux de Nouvel An au monde de l'enseignement, jeudi 5 janvier, au Futuroscope à Poitiers (Vienne), sur le territoire de l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, le président de la République a voulu faire connaître la charpente de ce qu'il propose de continuer à construire après 2012 si les Français le lui permettent. Pour une restauration de l'autorité dans une école républicaine, voilà l'esprit qui se dégage du long discours que M. Sarkozy devait prononcer.

 

C'est une manière habile de s'adresser à la fois à son électorat classique et aux enseignants, en habillant ses propositions de vêtements républicains, afin d'éviter qu'elles ne soient perçues comme relevant d'un libéralisme débridé.

 

"DÉCALAGE"


Le premier levier de modernisation pour M. Sarkozy est la redéfinition du métier d'enseignant, présentée comme devant restaurer l'autorité des maîtres. "Ce dont souffrent en premier lieu les enseignants, c'est le décalage entre ce que l'institution leur demande officiellement – à travers ces fameux textes statutaires qui remontent aux années 1950 – et la réalité de la société d'aujourd'hui, des élèves qui leur sont confiés", a-t-il déclaré.

 

Mettre fin à ce décalage nécessite, selon le chef de l'Etat, "de la part des professeurs, d'accepter de nouvelles manières de travailler". "D'être plus présents dans les établissements, sans aucun doute", a-t-il précisé, en ajoutant aussitôt : "Mais, en contrepartie de ce nouvel engagement, leur rémunération devra être considérablement augmentée, et leurs conditions de travail très sensiblement améliorées." C'en serait donc fini du statut de 1950, qui définit le métier par un nombre d'heures de cours et que le monde enseignant juge protecteur.

 

François Hollande aussi veut ce changement, mais il y va, lui, par la concertation, quand la majorité procède par touches successives. L'évaluation des enseignants par les chefs d'établissement, que M. Chatel met en place, est une des premières bases de cette nouvelle conception du métier. Ce qui est sous-jacent dans cette approche, c'est l'esprit "flexiprof" du rapport du conseiller d'Etat Marcel Pochard, "L'évolution du métier d'enseignant", commandé dès 2007 et rapidement enterré parce que le terrain n'était pas mûr.

 

Autre axe structurant du projet Sarkozy, l'autonomie est présentée, elle aussi, comme un moyen de restaurer l'autorité enseignante.

A ses yeux, l'autonomie est le moyen "que partout – et ce dès l'école primaire – se constituent de véritables équipes de professeurs, motivés et soudés autour du chef d'établissement". "Des équipes, a-t-il dit jeudi, qui se sentiront collectivement responsables des élèves qui leur seront confiés ; des équipes capables de parler d'une seule voix, d'une voix forte."


Dans un projet libéral, l'autonomie des établissements va de pair avec le choix des enseignants par des chefs d'établissement aux pouvoirs renforcés. Cette approche est mise en place, depuis la rentrée, dans 200 collèges difficiles, et est pratiquée dans l'enseignement privé, qui scolarise un élève sur cinq.

 

RECENTRAGE SUR LES APPRENTISSAGES FONDAMENTAUX

 

Outre une évaluation flatteuse du travail accompli dans l'enseignement supérieur – "d'ici à cinq ans, nous aurons en France un nombre significatif d'universités de dimension mondiale" –, M. Sarkozy a profité de cette cérémonie pour dévoiler ses souhaits quant à l'évolution des enseignements.

 

Pour l'école primaire, il s'est félicité du recentrage sur les apprentissages fondamentaux avec la mise en place des programmes de 2007-2008. Mais son discours a pour but aussi d'envoyer un message aux enseignants des petites classes, qu'il promet d'aider "à devenir de véritables experts des apprentissages fondamentaux".


Pour le collège, M. Sarkozy a rappelé qu'"il faut mettre fin aux faiblesses du collège unique tel que nous le connaissons aujourd'hui". Et précisé que l'heure est venue, selon lui, d'"assumer la diversité des parcours en quatrième-troisième".

 

"Il n'est pas normal que le collège actuel prépare exclusivement à l'enseignement général, et pas à la voie professionnelle : comment, dans ces conditions, cette dernière ne serait-elle pas vécue comme une voie de relégation ?", s'est-il interrogé. S'il n'a jamais été vraiment "unique", le collège pourrait voir ses parcours se diversifier encore si M. Sarkozy obtient un nouveau mandat.

 

"UN PROFOND BOULEVERSEMENT"

 

Pour ce qui concerne le lycée, le président de la République a parlé de la dernière année des formations professionnelles. "Pourquoi ne pas rendre l'alternance obligatoire en dernière année de baccalauréat professionnel, ainsi qu'en CAP ?, a-t-il demandé. J'ai conscience qu'il s'agirait d'un profond bouleversement, qui impliquerait d'augmenter de plus 200 000 par an le nombre de contrats d'alternance. Une réorganisation complète du mode de relation entre lycées professionnels et entreprises serait nécessaire. Mais une telle disposition serait une réponse extrêmement forte au problème structurel du chômage des jeunes et même au problème du chômage en général."

 

La réponse ainsi proposée à la question du chômage précoce en est aussi une au candidat socialiste à la présidentielle François Hollande, qui fait de la jeunesse une de ses grandes priorités.

 

Voilà donc dessinée, à quelque cent jours du premier tour, l'école selon Nicolas Sarkozy. Déguisé en vœux, ce discours préprogrammatique fait enfin apparaître cette école dont on pressentait les contours sans jamais en voir l'architecture intégrale.

 

Maryline Baumard



05/01/2012
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