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Revue de presse : Article dans Le Monde du 06/10/2010 : Echec scolaire : le "tout pédagogique" est voué a l'échec

Claude Madelin-Mitjavile et Gabriel Wahl, pédopsychiatres, fondateurs de l'ARPE (Association de recherche pluridisciplinaire sur l'échec scolaire)

 

Le nouveau plan de sauvetage du collège proposé par le Haut conseil de l'éducation ressemble aux précédents. Il subira probablement le même sort. Voué à l'échec et à l'oubli. Pourtant, il semble pavé des meilleures intentions. Il propose soutien scolaire, tutorat, pluridisciplinarité des enseignants, encadrement des élèves, culture humaniste, valorisation de la formation manuelle, autonomie pédagogique, liberté de recrutement…

En première lecture, ces propositions paraissent pleines de bon sens et même de bons sentiments. En réalité, elles procèdent d'une philosophie implicite qui peut se résumer ainsi : les causes et les remèdes de l'échec scolaire relèvent de la seule pédagogie. Comment pourrait-il en être différemment, puisque les membres et les chargés de mission de ce Haut conseil monolithe sont tous des politiques ou des enseignants. Pas un seul médecin ou psychologue pour nuancer ou enrichir le "tout pédagogique" qui inspire depuis des décennies toutes les conceptualisations sur l'échec scolaire et toutes les réformes académiques.

L'éducation nationale, comme toute les institutions, ne partage pas spontanément ses privilèges d'interventions et de compétences. Il existe une rhétorique d'exclusion très efficace pour qu'il en soit ainsi, celle par exemple qui s'insurge contre la "médicalisation" ou la "psychiatrisation" des difficultés scolaires. Triste logique qui laisse des enfants confrontés à l'échec pendant des années sans qu'aucun bilan médical et psychologique ou aucune aide spécifique ne leur soient proposés. De même, un enseignant peut exercer son art en France sans aucune formation sur l'échec scolaire.

 

TROUBLES PSYCHOLOGIQUES ET PSYCHIATRIQUES

De nombreuses études indiquent qu'il existe un lien étroit entre échec scolaire et troubles médico-psychologiques. Rappelons notamment l'étude de Yves Blanchon sur l'échec scolaire en cours préparatoire portant sur 115 enfants redoublant ou triplant le cours préparatoire. Cette étude montre, pour près de 90 % de ces enfants, une cause psychologique ou psychiatrique à l'origine de l'échec scolaire. Les taux de prévalence des troubles psychologiques sont rarement versés aux débats relatifs à l'échec scolaire, bien que ces données soient accessibles à tous. Les troubles de l'apprentissage (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie…) concernent entre 5 % et 8 % des enfants et des adolescents ; les troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité, entre 3 % et 6 % ; la dépression,  entre 3 % et 8 % de l'enfance à l'adolescence ; les troubles cognitifs, entre 1 % et 2 % ; la schizophrénie, près de 1 % ; les troubles des conduites et du comportement, entre 2 % et 9 % selon l'âge ; les troubles de la personnalité, près de 15 %.

Si l'on considère la fréquence des troubles associés (par exemple hyperactivité et troubles oppositionnels) et l'approximation des chiffres (ils varient selon les études et les critères de diagnostic), on peut retenir une prévalence de l'ordre de 20 % pour l'ensemble des troubles psychologiques et psychiatriques. Il va de soi qu'une partie de ces troubles ne détermine pas nécessairement d'échec scolaire ; par exemple, un enfant modérément anxieux qui craint plus que d'autres les remontrances pourra étudier avec plus d'ardeur.

Dans nos consultations de psychiatrie, nous pouvons témoigner de ces enfants dont la spirale d'échec et de souffrance subie pendant des années s'inverse par le seul fait d'un diagnostic et d'un traitement. Pour autant, nous ne mésestimons pas l'importance des politiques institutionnelles et pédagogiques dans la réussite scolaire et nous savons que beaucoup d'enfants sont confrontés à des obstacles sociaux et culturels, d'autres même subissent au quotidien l'insécurité matérielle ou affective et les violences urbaines ou familiales. L'échec scolaire et la souffrance à l'école méritent une approche ouverte intégrant toutes les complexités pédagogiques, médicales et sociales. Un seul répertoire ne saurait répondre à tous les défis.

 

Claude Madelin-Mitjavile et Gabriel Wahl sont les auteurs de Comprendre et prévenir les échecs scolaires (Odile Jacob, 2007).

Claude Madelin-Mitjavile et Gabriel Wahl, pédopsychiatres, fondateurs de l'ARPE (Association de recherche pluridisciplinaire sur l'échec scolaire)

 

 



12/10/2010
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