ALPE74140

ALPE74140

Revue de presse : Article dans Le Point du 23/07/2012 : Résidence alternée : est-ce la panacée ?

Vivre une partie du temps avec son père et l'autre partie avec sa mère : où est l'intérêt de l'enfant ?

 

Depuis que la résidence alternée a été introduite dans le Code civil par une loi de 2002, cette modalité d'hébergement de l'enfant est de plus en plus souvent favorisée. Les magistrats la décident dans 15 % des cas après un divorce et dans 6 % des cas après une séparation.

 

Son principal avantage ? L'enfant n'est pas confronté au défi culpabilisant d'avoir à choisir entre son père et sa mère. Cependant, qui dit résidence alternée ne dit pas forcément résidence paritaire. La loi prévoit que l'enfant doit partager son temps de manière équilibrée entre ses deux parents. Mais elle ne donne aucune indication sur les modalités d'organisation, qui relèvent donc de la décision du juge (une semaine sur deux, 5 jours sur 7...). "Il ne s'agit pas de couper un enfant en deux pour en donner la moitié à chacun. L'enfant est un sujet et non un objet, rappelle Anne Berard, juge aux affaires familiales (JAF) à Paris. On est là pour réfléchir au projet parental entre adultes responsables et faire en sorte que l'enfant souffre le moins possible des décisions qu'ils prendront. Les parents ont autant de devoirs que de droits à l'égard de leurs enfants."

"L'intérêt de l'enfant n'est pas de punir le parent qui a tort"

La décision que prendra le juge aux affaires familiales sur la résidence de l'enfant et les modalités du droit de visite et d'hébergement est donc lourde de conséquences. Le fil conducteur, c'est l'intérêt "supérieur" de l'enfant. Ce principe, affirmé par les textes internationaux est, selon le pédopsychiatre Bernard Golse, parasité par un enjeu bien moins noble : "Sous le couvert de l'intérêt premier des enfants, il ne s'agit au fond que de la préservation de l'intérêt ou du narcissisme des adultes."

 

Toute la question est alors savoir ce qui motive vraiment la demande de changement de résidence. "Les demandes stratégiques de résidence alternée de la part de certains pères souhaitant s'exonérer de leurs obligations financières sont courantes", souligne l'avocate Danielle Moos. Dans les trois quarts des divorces avec résidence alternée, en effet, aucune pension alimentaire n'est prévue, la contribution consistant dans la prise en charge directe des frais exposés au profit de l'enfant (frais de scolarité, de loisirs...).

 

Le juge a à sa disposition une batterie d'éléments pour apprécier l'intérêt de l'enfant, notamment "l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs (...), les renseignements recueillis dans les éventuelles enquêtes (...), les sentiments exprimés par l'enfant (...)" (article 373-2-11 du Code civil). "Ce qui est important est de mettre à plat tous ces éléments et de se poser la question : avec qui le quotidien de l'enfant sera-t-il le mieux assuré ? L'intérêt de l'enfant n'est pas de punir le parent qui a tort ou qui se comporte de manière injuste", assure la juge aux affaires familiales (JAF) parisienne Anne Berard. Il n'est pas non plus question de sanctionner le parent qui s'éloigne géographiquement de l'autre. "Chacun a droit à sa vie privée et a le droit de refaire sa vie personnelle ou professionnelle où il le veut", souligne la magistrate.

À partir de quel âge ?

L'âge à partir duquel cette modalité d'organisation peut être accordée fait débat. Chaque juge a son opinion sur le sujet. Pour Pascal Montfort, JAF à Bobigny, "l'enfant doit être sorti de la période normale d'allaitement et du besoin de maternage. Cet âge varie en fonction des besoins affectifs de l'enfant et des choix éducatifs déjà opérés par les parents". Globalement, l'âge charnière est de trois ans. Environ 3 % des enfants de moins de 2 ans sont confiés à leur père.

 

D'autres critères entrent aussi en ligne de compte. "Les parents doivent justifier de capacités éducatives avérées et offrir des conditions matérielles favorables", précise Pascal Montfort. Un appartement de trois pièces aura plus d'arguments qu'un studio s'il s'agit d'accueillir trois enfants. En cas de doute sur la nature du logement proposé, une enquête sociale dressera une photographie de la situation familiale pour aider le juge à trancher. La qualité du dialogue a aussi son importance. Le juge hésitera à prononcer une résidence alternée si les parents sont incapables de communiquer ou si leur discours laisse transpirer un conflit latent.

 

Faut-il alors anticiper ? Pour purger les éventuels litiges et responsabiliser les parents, certains avocats font signer à leurs clients des "chartes parentales" au moment du divorce. "Il s'agit d'approfondir le regard que portent les deux parents sur l'éducation des enfants et de mettre sur le papier ce qu'ils veulent en termes de modalités d'organisation, explique l'avocate Béatrice Weiss-Gout. Ces critères sont toutefois destinés à évoluer avec l'âge de l'enfant. En la matière, rien n'est jamais figé."

 

Par Laurence Neuer



25/07/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 93 autres membres