«Les enfants entrent à l’école à 8h45, sauf le mercredi. Le mercredi c’est à... 9h45, sauf s’ils vont à l’atelier d’aide pédagogique qui est à... Vous voyez ça fait déjà deux semaines et je dois encore réfléchir !» s’exclame Karine, mère de famille et présidente départementale de la fédération des parents d’élèves FCPE du Pas-de-Calais. Dans la commune de Saint-Pol-sur-Ternoise, accompagner les nouveaux horaires des deux écoles primaires et de l’école maternelle n’est pas une sinécure. «Entre midi et deux, les plus petits et les plus grands n’ont pas les mêmes horaires. On est en zone rurale, il faut prendre en compte les trajets en voiture. C’est la course pour tout le monde», continue-t-elle. Résultat : des enfants déjà fatigués après deux semaines d’école selon les enseignants et ces parents du Pas-de-Calais. Une réunion avec tous les parents de la commune est prévue avant l’assemblée générale de la rentrée. Le président local de la FCPE, Thomas Château, a refusé que la mairie y assiste. «En fonction de ce qui se dira ce soir on demandera à être entendu par la municipalité, et si rien ne bouge on fera une action, prévient-t-il. On bloquera sans doute la circulation un soir après la sortie de l’école.»

A Paris, les parents d’une école du IIarrondissement n’ont pas attendu plus longtemps. «Qui est venu chercher ses enfants et qui est là pour le sit-in ?» demande une mère de famille. Devant l’école, vendredi après-midi, une quinzaine de parents se sont réunis sous la bruine pour «vérifier l’encadrement» de leurs enfants durant les activités périscolaires entre 15 heures et 16h30. Ils ne passeront pas le pas de la porte, faute d’autorisation du rectorat. En début de semaine, la directrice de l’école avait annoncé aux parents d’élèves que «la sécurité des enfants n’était pas garantie». La faute à quatre désistements de dernière minute parmi les animateurs, des étudiants dont les emplois du temps ne s’accordaient finalement pas avec les temps d’activités périscolaires.

Face aux parents, qui ont pour la plupart déjà récupéré leurs enfants, Sébastien Vicomte, le responsable éducatif ville de l’école, concède que l’organisation est «encore en règlage. C’est un bouleversement profond et il faut un peu de temps pour se mettre en place et bien comprendre le système. On est sur le point de boucler le recrutement», assure-t-il. Gilles Grindard, chargé du projet d’application des rythmes scolaires des écoles du quartier, assure que le nombre d’animateurs est adéquat. Les parents lui reprochent alors le contenu «inexistant» des activités, se limitant pour le moment à des chants, des jeux de balles ou du ping-pong. «On ne peux pas rendre des comptes alors qu’on vient à peine de démarrer, explique-t-il. Cette semaine, les ateliers n’ont pas commencé, on est encore au stade de la "découverte" pour que les enfants fassent leur choix.» On leur promet des ateliers manga, échecs ou encore théâtre.

«On est confronté à la mauvaise volonté d'une minorité d’enseignants»

Dépêchée sur place pour éteindre le feu de ce rassemblement organisé «spontanément» par l’association des parents d’élèves la veille, Annie Lahmer, directrice du cabinet de la maire du IIe arrondissement, relativise. «C’est une première dans Paris ce qui se passe ici. On est dans une école particulière, qui ne fait pas remonter les dysfonctionnements. Si on ne nous signale pas les problèmes, comment peut-on les régler ?» Elle ajoute, bravache : «De toutes façons, la réforme est en place, on ne reviendra pas en arrière, il faut sortir de ce refus du dialogue.» Roberta Bernard, adjointe au maire de l’arrondissement et déléguée à la vie scolaire, remarque qu’au niveau de la ville, «on est confronté à une minorité d’enseignants qui font preuve de beaucoup de mauvaise volonté. On a dans certaines écoles des directrices qui refusent d’ouvrir leurs salles de classe aux associations, ce qui fait que les enfants suivent leurs ateliers dans les couloirs» !

La grande majorité des parents rassemblés était opposés à la réforme dès le départ - ou au mieux, «ni pour ni contre». «Les enfants sont perdus car les adultes référents changent tout le temps autour d’eux. Et puis les locaux ne sont pas adaptés, la cour est microscopique pour des activités sportives ici !» rapporte pêle-mêle Marie-Liesse, mère d’un garçon et une fille à l’école. «C’était très bien une soirée sans devoir par semaine pour qu’ils décompressent», ajoute Agnès, mère de deux garçons en CE1 et CM1.

Des hics plutôt isolés pour l'instant 

Les horaires ne sont pas les seuls motifs du mécontentement des parents : l’organisation des activités extrascolaires aussi n’a pas la cote. A Saint-Pol-sur-Ternoise, les ateliers se déroulent tous les jours de 16 heures à 17 heures, contrairement à Paris où ils ont lieu deux heures deux fois par semaine. «En même pas une heure on n’a pas le temps de construire un véritable projet avec les enfants», regrette Karine. La FCPE nationale avait pourtant soutenu la réforme.

Dans le département du Rhône, une autre fédération de parents d’élèves qui y était également favorable, la Peep, n’a pour l’instant reçu aucune plainte venant des quatre villes qui sont passées aux quatre jours et demi. «Il est encore trop tôt pour faire un bilan.» En revanche, le projet éducatif autour des activités dans les écoles qui appliqueront la réforme l’an prochain suscite déjà l’inquiétude des parents. «Les offres seront inégales selon les écoles et les communes, suivant l’implication des directeurs et des mairies dans l’élaboration de véritables propositions pédagogiques» explique la Peep-Rhône.

A Ris-Orangis, dans l'Essonne, les délégués des parents d'élèves du groupe Ordener ont choisi d'interpeller le maire Stéphane Raffalli (PS) par le biais d'une lettre ouverte, dans laquelle ils demandent «la cessation de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires sur la ville de Ris-Orangis, suite aux nombreux dysfonctionnements avérés depuis son démarrage». Outre des horaires à «géométrie variable», ils dénoncent des activités insuffisamment encadrées et à l'intérêt pédagogique plus que limité («Tennis sans raquette et sans balle», par exemple).

Les scénarios restent donc très différents d’une ville à l’autre. «Un comité a été créé pour suivre le dossier tout au long de l’année», se contente de répondre le ministère de l’Education nationale, pour qui le sujet reste sensible. Pour l’heure, il est donc difficile d’établir une tendance générale sur la satisfaction ou non des parents et des élèves. 

 

Guillaume GENDRON et Gwendolen AIRES