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Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 11/10/2013 : Le CSP et les programmes de l’école maternelle : Une priorité ?

Pour Bruno Suchaut il n'y a pas urgence à modifier les programmes de maternelle qui ont donné de bons résultats. "C’est l’école élémentaire qui apparaît être le maillon faible de la baisse des performances des élèves, par ailleurs constatées dans les évaluations internationales. L’école maternelle, au contraire, prépare beaucoup mieux les élèves à la suite de la scolarité aujourd’hui qu’auparavant et confirme ainsi son influence positive en matière d’équité'. C'est l'école élémentaire qui est la vraie urgence.

 

On mobilise souvent les conclusions des évaluations internationales pour apprécier la qualité d’un système éducatif ; les comparaisons temporelles du niveau de compétences des élèves à l’échelle nationale fournissent pourtant des indications beaucoup plus pertinentes et précises pour instruire les politiques éducatives. Ces évaluations permettent en effet de se faire une idée objective des progrès réalisés par les élèves sur plusieurs années tout en offrant, à la fois la garantie d’une rigueur méthodologique indispensable à la comparaison et, l’avantage d’évaluer les élèves sur des connaissances et des compétences plus proches des programmes scolaires que peuvent le faire les évaluations internationales comme PISA et PIRLS.

 

En France, ces évaluations concernent de larges échantillons d’élèves avec deux cas de figure possibles : soit un panel suivi à plusieurs moments du cursus, soit des échantillons différents testés à plusieurs années d’intervalle avec les mêmes outils et au même niveau de la scolarité. On peut disposer, grâce à la D.E.P.P., d’études récentes qui permettent de se prononcer sur l’évolution du niveau des élèves à l’école élémentaire, au collège et même en ce qui concerne l’école maternelle. Il y a tout d’abord le panel des élèves entrés au CP en 1997 qui a récemment donné lieu à une reconduction : les mêmes épreuves ont en effet été administrées à un nouvel échantillon d’élèves entrés au CP en 2011. Dans cette même logique, l’évolution des performances des élèves à trois années différentes (1987, 1997 et 2007) a pu être observée en fin d’école primaire, au niveau du CM2. Enfin, les évaluations CEDRE (Cycle des Evaluations Disciplinaires Réalisées sur Echantillons) permettent quant à elles, entre 2003 et 2009, de mesurer l’évolution des compétences des élèves en fin d’école primaire et en fin de collège.

 

Que nous apprennent alors les résultats de ces évaluations concernant la maîtrise de la langue ? En ce qui concerne tout d’abord les élèves en fin de troisième, et sur la base de l’évaluation CEDRE, on constate une légère baisse des performances moyennes mais particulièrement sensible dans les compétences complexes (« exploiter une information » notamment). Selon l’échelle de mesure retenue dans les tests, les élèves les plus compétents sont moins nombreux en 2009 qu’en 2003 et, de manière complémentaire, la proportion d’élèves faibles a augmenté significativement au cours de ces six années. Au niveau du CM2, et toujours avec les évaluations CEDRE, c’est une relative stabilité des performances qui est observée dans le domaine de la lecture sur la période considérée (de 2003 à 2009), le pourcentage d’élèves en grande difficulté tendant toutefois à diminuer légèrement (13% versus 15%). L’étude de la D.E.P.P. qui compare l’évolution des performances des élèves de CM2 entre 1987 et 2007 fournit des résultats différents avec une forte baisse du niveau moyen sur la période mais surtout entre 1997 et 2007. Il ressort aussi de cette étude la forte accentuation des inégalités sociales de réussite puisque la diminution des performances est d’autant plus forte sur cette même période que l’on se situe à un niveau plus bas dans la hiérarchie sociale des professions des parents.

 

Mais ce qui est sans aucun doute, à la fois le plus surprenant et le plus pertinent pour alimenter le débat sur les programmes de l’école maternelle, c’est ce que l’on peut retenir de l’étude récente de la D.E.P.P. sur l’évolution des compétences des élèves à l’entrée au CP. En effet, entre 1997 et 2011, on assiste à une forte augmentation du niveau moyen dans toutes les dimensions évaluées. Ce constat est même renforcé par les enseignants qui confirment les progrès des jeunes élèves dans leurs comportements scolaires (sur leur capacité d’attention par exemple). Il est aussi intéressant de voir que les dimensions les plus prédictives de la réussite ultérieure (repérage dans le temps et épreuve numérique) sont particulièrement concernées par cette évolution positive. Au-delà cette élévation du niveau moyen, la comparaison temporelle met aussi en évidence deux points importants. En premier lieu les disparités globales entre les élèves se réduisent avec un pourcentage d’élèves faible en très nette diminution et, en second lieu, un impact du milieu socio-économique lui aussi en diminution entre 1997 et 2011.

 

Que faut-il alors retenir de la mise en perspective de tous ces résultats en prenant en compte à la fois les niveaux d’enseignement et les périodes ? Si l’on se base sur l’hypothèse de croissance linéaire de l’augmentation du niveau des élèves à l’entrée au CP entre 1997 et 2011, il semble que c’est l’école élémentaire qui apparaît être le maillon faible de la baisse des  performances des élèves, par ailleurs constatées dans les évaluations internationales. L’école maternelle, au contraire, prépare beaucoup mieux les élèves à la suite de la scolarité aujourd’hui qu’auparavant et confirme ainsi son influence positive en matière d’équité. Pourquoi serait-il alors une priorité de réformer les programmes de ce niveau d’enseignement ?

 

La priorité actuelle devrait donc plutôt se centrer sur les premières années de l’école élémentaire et, au-delà des programmes, ce sont les pratiques qui méritent d’être interrogées. De nombreuses recherches (principalement anglo-saxonnes) ont pourtant mis en évidence les effets bénéfiques des pratiques orientées vers la pédagogie explicite et le développement de programmes d’apprentissage de la lecture pour les élèves les plus fragiles ; le programme « PARLER » est,  à ce titre, une bonne illustration dans le contexte français. On attendra bien sûr avec impatience les résultats de l’évaluation des compétences des élèves du panel d’élèves entrés au CP en 2011 pour voir si l’école élémentaire a pu, au cours de ces dernières années, inverser la tendance… Quelle que soit la réponse, pourra t’on mobiliser l’argument des programmes pour justifier cela ?

 

Bruno Suchaut



07/11/2013
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