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Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 22/11/2011 : Marc Daguzon : Pour les enseignants débutants, modifier ses représentations du métier pour pouvoir agir en classe

Lorsqu’il observe les enseignants stagiaires, le chercheur clermontois constate un difficile va-et-vient entre « ce qu’il faudrait faire » pour suivre les conseils de formateurs et « ce qu’on doit faire » pour avoir le calme, respirer, ne pas s’épuiser… il décortique pour le Café ces minuscules déplacements, et insiste sur la nécessité de l’expertise des formateurs à comprendre ces évolutions…

« Quand parle-t-on du métier ? Rarement dans les temps institutionnels, souvent autour du café ou à la récré… ». C’est à partir de cette réflexion de formateur que Marc Daguzon, de l’équipe clermontoise PAEDI a cherché à comprendre comment les enseignants débutants construisent leur rapport au métier, dans les temps de formation. Il emprunte à Leplat la notion de représentation fonctionnelle, moment instantané qui permet à l’agent de comprendre où il en est dans sa régulation du travail qu’il a à faire. Elaboré en cours d’action, visant à être efficace, pragmatique et opératoire, il sert à réguler son action. Selon Leplat, un agent « redéfinit sa tâche » à partir de la tâche prescrite, en fonction de son histoire et de ce qu’il comprend de ce qu’on lui demande de faire. En fonction des résultats de son activité, de son expérience naissante, il va réinterroger les manières de faire, dans une construction dynamique, entre ce qu’il pensait faire et ce qu’il a pu faire.

Que se passe-t-il entre la tâche prescrite et la tâche effective chez les professeurs d’école stagiaires ? Quels impacts ont les différents moments de formation ? Quelles conceptions pédagogiques mettent-ils en œuvre ? Afin de le comprendre, il suit une cohorte de PE2 pendant une année, au cours de laquelle ils alternent temps de formation à l’IUFM et temps de stage, les enregistre lorsqu’ils font la classe, et les interroge dans des entretiens semi-directifs. Il distingue progressivement la « prescription primaire » (les programmes, les instructions des inspecteurs…) et une « prescription secondaire » formulée par les formateurs, qui amènent l’apprenti professeur à des « préoccupations »  tournées vers la classe, les apprentissages des élèves, la construction de l’identité professionnelle (les choix professionnels et leur sentiment d’intégration dans le corps), les autres acteurs du système scolaire (les parents, les formateurs…).

M. Daguzon constate alors que les représentations que se font les enseignants débutants sont fonctionnelles, liées au comportement des élèves ou au bruit, faciles à interpréter ou à observer, mais aussi malléables : elles changent au cours de l’année. Avant le premier stage en responsabilité, ils sont focalisés sur les apprentissages scolaires, à partir de ce qu’ils ont entendu des formateurs : rendre les élèves interactifs, autonomes, faire apprendre par la « construction des connaissances », faire se confronter les représentations des élèves… Mais cette représentation générique ne mobilise qu’à la marge la complexité des situations réelles de classe.

Le choc entre ce qu'on a appris et ce qu'on vit dans la réalité...


Au retour du premier stage en responsabilité, les jeunes font état des soucis de mises en œuvre, et cherchent à se tourner vers autre chose pour « tenir la classe », « gérer le temps et la journée ». Ils cherchent à élaborer une nouvelle représentation plus pragmatique et deviennent sensibles aux éléments de prescription les plus normatifs ou qui les aideront à anticiper les situations précises à l’image de celles qu’ils ont rencontrées lors de leur stage. Ils se tournent davantage vers les maîtres formateurs pour répondre à leurs inquiétudes. La représentation générique initiale se modifie : « oui, mais ça, c’est l’idéal, ça sera pour plus tard ». Ils rentrent en dialogue avec les autres enseignants qu’ils rencontrent dans les stages, qui deviennent une nouvelle ressource pour savoir « ce qu’il faut  faire et ne pas faire ». Ils réinterrogent l’activité des élèves, cherchent à régler la prise de parole, priorisent l’avancée de la séance et comprennent que l’autonomie passe par un cadre et des règles. Ils comprennent qu’il va falloir assumer une présence forte dans la classe, et redéfinissent leur rapport à l’autorité.

Mais tous ne font pas ce chemin de la même manière : certains s’en tiennent à la construction de cette nouvelle représentation pragmatique du travail en classe alors que d’autres, une fois sécurisés sur leur capacité à tenir la classe, réinterrogent la prescription générique qu’ils avaient mis de côté. Ils deviennent actifs, questionnent leurs formateurs, demandent à préciser les nuances des conseils qu’on leur donne, pour qu’ils deviennent opératoires dans la classe qu’ils projettent. Ils nuancent la perception qu’ils ont des formes pédagogiques efficaces (collectif, individuel, travail de groupe…). Enfin, quelques uns restent plus figés dans les représentations initiales génériques, au risque de se sentir malmenés, en échec, voire de transférer sur les autres acteurs la responsabilité de la difficulté, lorsque ce qu’ils pensaient qu’allait être l’école ne correspond pas à la réalité rencontrée.

Le dispositif de formation n’est donc pas neutre : suivant la manière dont il est incarné par les acteurs de la formation, il contribue à développer ou à gêner le parcours des débutants. Ces derniers doivent avoir un sentiment de réussite de leur stage, que ce qu’ils font a de la valeur, confirmée par les formateurs qui l’évaluent. « Quand le formateur leur renvoie l’idée d’une erreur, c’est acceptable. Mais si c’est l’impression d’échec qui domine, le développement professionnel est difficile. La finesse de l’accompagnement est déterminante. »

Il faut donc que les débutants puissent s’emparer de « questions d’enseignement », pour pouvoir essayer, tricoter, refaire un peu différemment au stage suivant, se donner la possibilité de penser que leurs petites inventions allaient avoir de l’efficacité. Cela leur demande souvent de mieux concevoir la notion de classe, assumer l’autorité pour maintenir la capacité attentionnelle des élèves, sans craindre de se voir remis en cause, échanger des problèmes qu’ils rencontrent avec les autres enseignants, autorisé à « faire partie du groupe »,  que tout n’est professionnel ».
Il faut qu’ils acceptent (et leur formateurs aussi...) l’idée d’un développement professionnel "en construction", pas parfait tout de suite dans l’exercice professionnel. Cela passe par l’appropriation d’outils qui aident à faire classe et faire apprendre, pour généraliser et transposer les conceptions pragmatiques, mais aussi rendre plus pragmatiques les conceptions génériques…



22/11/2011
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