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Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 24/09/2012 : Comment réussir le recrutement de 40 000 enseignants a la rentrée 2013 ?

Ancien directeur d'IUFM, Jean-Louis Auduc tente de répondre à une question importante : comment atteindre les 40 000 enseignants promis pour 2013. Ce faisant il redessine la formation.

 

Face aux besoins du système éducatif pour développer les réussites éducatives et scolaires des jeunes, il est très positif de renouveler à la rentrée 2013 tous les départs en retraite des enseignants et de créer 18 000 postes supplémentaires.

 

Au-delà de l’accroissement quantitatif des moyens en enseignants dans les établissements scolaires, il est important de tout mettre en œuvre  pour qu’un changement qualitatif commence à s’opérer permettant d’en finir avec les différentes fractures qui caractérisent notre système éducatif : « triple fracture sociale, ethnique et sexuée » pour reprendre l’analyse de l’enquête internationale PISA publiée en décembre 2010 par l’OCDE.

 

Le recrutement des 40 000 enseignants pour la rentrée 2013 avec la perspective de nouveaux recrutements supplémentaires pour les rentrées suivantes devrait s’appuyer sur le processus suivant en 2012-2013 :

- Mise en place des épreuves écrites d’admissibilité des concours 2013 (aux dates prévues fin septembre pour le concours de  professeur des écoles et en novembre pour les concours de professeurs du second degré) pour les étudiants ayant réussi un M1 en juin 2012 et inscrits aux concours

- Mise en place sans doute en janvier 2013 d’allocations pour les étudiants en L2 pour les inciter à devenir enseignant dans les académies déficitaires (PE), dans les disciplines déficitaires (second degré)

- Les étudiants entrés en M1 en septembre 2012 ou en possession d’un diplôme Bac+4 seraient amenés à se présenter aux épreuves d’admissibilité en juin 2013 des concours 2014 avec inscription aux concours au début de l’année 2013 ; les reçus entrant en septembre 2013 dans les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) dans un M2 en alternance (mi-temps terrain/mi-temps en formation) débouchant en fin d’année sur les épreuves orales du concours et sur l’obtention d’un master.

 

Pour réussir ce processus, il faut un certain nombre de conditions s’inscrivant dans le cadre d’une refondation de notre système éducatif. Il est indispensable de :

 

Redéfinir le métier et les missions des enseignants

 

Avant de définir le contenu de toute formation il faut définir le métier enseignant.

 

Le métier enseignant s’est transformé parce que les jeunes, les familles, le contexte, l’habitat, les modes d’information ont changé et imposent une formation approfondie dans les dimensions DISCIPLINAIRES, PEDAGOGIQUES ET PROFESSIONNELLES.

Le métier d’enseignant ne se définit pas en soi mais par rapport aux enjeux sociétaux et aux défis à relever …

 

Le système éducatif français se caractérise, les évaluations PISA l’ont bien montré, par l’existence d’une élite très bien formée, sélectionnée et triée, mais dont, aujourd’hui, la faiblesse du nombre pose des questions par rapport aux besoins de l’économie et 15% des élèves, essentiellement des garçons, qui se retrouvent avec d’énormes difficultés.

 

A) L’enseignant est un concepteur, il n’est pas qu’un simple exécutant, il prend lors de chaque séquence, lors de l’articulation entre les séquences, des dizaines, des centaines de microdécisions. Il n’est pas un simple exécutant d’où l’enjeu d’une véritable démarche réflexive en formation au travers notamment des analyses de pratiques.

 

B) L’enseignant est un passeur de savoirs, de savoirs faire, de connaissances, de compétences permettant aux élèves de se les approprier et de les réinvestir. Il doit dans ce cadre mettre les  élèves en situation d’apprentissage, accompagner les élèves à besoins éducatifs particuliers, pratiquer dans la classe une pédagogie différenciée et mettre en œuvre différents dispositifs internes et externes pour les élèves en difficulté.

Il construit également avec les jeunes l’accompagnement des procédures d’orientation aux différents niveaux où elles se déroulent en développant une éducation à l’orientation.

Ce rôle implique également de dialoguer avec les familles en tant que de besoin, de savoir leur expliquer le diagnostic porté sur l’élève et de travailler avec elles à des solutions pour améliorer la situation, de savoir les aider à se reconnaître dans le système éducatif. La question de la construction de relations de confiance entre les parents et les enseignants est aujourd’hui une question centrale pour tous les établissements scolaires pour donner plus de sens à l’école.

 

C) L’enseignant est aussi un aiguilleur-veilleur. Dans le cas des élèves à besoins éducatifs spécifiques, il a à participer dans le cadre de son cœur de métier au diagnostic de la situation du jeune concerné, mais il n’a pas à donner au jeune et à sa famille l’impression qu’il est en capacité de traiter toutes les situations. Il doit les aiguiller vers les professionnels compétents dans les différents domaines concernés.

 

Etre enseignant, c’est bien connaître ceux qui peuvent compléter son action. Le partenariat, ce n’est pas se concurrencer, c’est agir en complémentarité, donc bien connaître son cœur de métier et le cœur de métier des professionnels qui peuvent agir pour accompagner le jeune.

Le partenariat est d’autant plus indispensable que le jeune ne peut pas se découper en tranches suivant les heures de la journée où il est élève, où il fréquente un centre de loisirs ou un club, où il se retrouve en bas de son immeuble, et ce d’autant plus, que souvent, les centres de loisirs se déroulent dans les mêmes locaux que les activités scolaires.

 

Un travail en réseau implique par exemple qu’un enseignant, dans le cadre de son travail et de ses missions, joue un rôle d’aiguilleur des demandes des jeunes ou de leurs familles. L’enseignant doit pouvoir indiquer aux familles face à des problèmes soulevés par des jeunes, les personnes ressources existant dans l’environnement susceptibles de répondre à leur besoin.

Connaître et être reconnu, tels sont les maîtres mots d’une action en réseau.

 

D) Un constructeur de responsabilisation

Nous vivons aujourd’hui une société marquée par la confusion des âges, où on demande le plus souvent à ceux qui la composent de devenir mature de plus en plus tôt pour rester jeune de plus en plus tard. La société semble avoir des difficultés à accepter qu’on puisse grandir et devenir adulte.

 

L’accompagnement du jeune tout au long de son cursus est un enjeu important pour permettre au jeune de construire sa responsabilisation de l’école au lycée et de gérer son apprentissage de la citoyenneté. L’apprentissage de la citoyenneté dans notre société à cultures et origines diverses suppose qu’on apprenne à vivre ensemble. En articulant unité nationale, neutralité de la République et reconnaissance de la diversité, la laïcité crée par-delà les communautés traditionnelles de chacun la communauté d’affections, cet ensemble d’images, de valeurs, de rêves et de volontés qui fondent la République.

 

Ce qui est important c’est que les étudiants qui souhaitent devenir enseignants aient une claire conscience de ce qu’on attend d’eux, que la société ait clarifiée ses demandes, ses exigences vis-à-vis de l’école.

 

Quelle feuille de route la société veut-elle donner à l’école et à ses personnels ?

Souvent, on décrit le métier enseignant comme « faire cours » alors que tout démontre qu’enseigner, c’est « faire classe ». Faire cours, c’est donner à penser qu’enseigner un savoir, ne nécessite pas de réfléchir sur ceux à qui on l’enseigne. Faire classe, c’est considérer que le cœur du métier d’enseignant, c’est transmettre des savoirs et mettre en apprentissage des élèves en faisant dans la classe des choix raisonnés face à des situations complexes en se dotant de repères conceptuels, méthodologiques et éthiques permettant de viser la réussite de tous et de chacun.

 

Faire classe, c’est aussi réfléchir à : nous enseignons, mais qu’apprennent-ils ? Ne pas réfléchir à cette question pendant la formation initiale des enseignants serait un manque important. Pour répondre à cette question, il faut réfléchir sur les profils d’apprentissage, les stratégies à développer, les interactions à mettre en place, les situations complexes qui entraînent les élèves à mobiliser leurs ressources : savoirs, ouvrages, techniques,… etc

 

Il est nécessaire d’opérer un double déplacement :

- des  savoirs disciplinaires universitaires vers les savoirs enseignés

- des savoirs enseignés vers la construction de ces savoirs par les élèves.

Bien connaître une discipline ne suffit pas pour que tous les élèves acquièrent des compétences, mais ne pas la connaître peut très vite contribuer à baisser ses exigences vis-à-vis des élèves.

 

Il faut espérer que la loi de novembre-décembre 2012 s’inscrive dans ce processus.

 

 

Redéfinir dès les épreuves écrites de juin 2013 de nouveaux contenus aux concours de recrutement en ayant présent à l’esprit la nécessaire continuité et progressivité du cursus des élèves.

 

Est-ce que les concours de recrutement tels qu’ils sont conçus actuellement répondent aux défis posés par l’exercice du métier enseignant ? La réponse apparaît négative face à ce qu’est aujourd’hui la réalité du travail enseignant et les exigences d’une professionnalisation accrue des enseignants.

 

Les contenus des concours de recrutement doivent cesser d’être tourné vers l’amont, mais s’inscrire dans les exigences nécessaires à l’exercice du métier choisi.

 

Les concours de recrutement doivent mieux être articulés au métier choisi par les étudiants. Les concours de recrutement aujourd’hui encore plus qu’avant pour tous les degrés d’enseignement, continuent pour leurs épreuves écrites, à être exclusivement tournés vers la formation universitaire reçue, et à ne pas comprendre des épreuves tournées vers l’aval, c’est-à-dire, vers le métier que leurs candidats souhaitent exercer.

 

Il est donc indispensable qu’à partir du concours 2014 (épreuves d’admissibilité juin 2013, admission en 2014), l’ensemble des épreuves des concours soient réellement modifiées dans l’esprit d’une professionnalisation du métier enseignant et de la reconnaissance de la continuité éducative et scolaire nécessaire aux apprentissages réussis du jeune entre 3 à 18 ans.

 

Les concours de recrutement d’enseignants doivent répondre à un triple défi :

- valider la connaissance des différents champs disciplinaires faisant partie des programmes d’enseignement ;

- déceler les qualités indispensables à l’exercice du métier enseignant

- commencer à travailler sur les compétences professionnelles nécessaires à l’enseignant

 

Ils doivent également pour tous les niveaux de recrutement s’inscrire dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences et ne pas l’ignorer comme c’est le cas actuellement de la quasi-totalité des concours de recrutement du second degré.

Comment travailler à la continuité école-collège, à la mise en place d’une cohérence entre l’évaluation des compétences en CM2 et celles faites au collège, si l’enseignant des lycées et collèges n’est pas recruté, formé dans une dynamique incluant sa ou ses disciplines d’enseignement et les compétences du socle commun.

 

La question peut se poser, pour le second comme pour le premier degré, d’épreuves communes pour les épreuve d’admissibilité des CAPES et CRPE, et d’épreuves différenciées pour l’admission dans le cadre du M2 en alternance construit sur la dominante correspondant à l’affectation future du stagiaire : par exemple, dominante collège, dominante lycée ou maternelle et élémentaire ?

 

On pourrait avoir par exemple, pour les épreuves écrites du concours de professeur des écoles en Français et en Mathématiques, dans le cadre des compétences 1 (Maîtrise de la langue française) 3 (Culture Mathématique et scientifique) et  5 (Culture Humaniste) du socle commun de connaissances et de compétences, des questions sont proposées aux candidats ainsi qu’une étude des apprentissages acquis ou non acquis par les élèves au cours d’une séquence d’enseignement (plusieurs heures de classe) sera proposée aux candidats à partir de différents devoirs d’élèves.

 

Pour les concours du second degré, ce pourrait être à partir des programmes de lycée et de collège de la ou des disciplines concernées et des compétences du socle commun de connaissances et de compétences, une étude des apprentissages acquis ou non acquis par les élèves au cours d’une séquence d’enseignement (plusieurs heures de classe) sera proposée aux candidats à partir de notes prises par des élèves et de différents copies d’élèves.

 

 

Ne pas oublier le professionnel et le technologique

 

Des pans entiers du système éducatif ont été les « oubliés » de la mastérisation, comme l’enseignement professionnel et technologique.

Or, celui-ci concerne au lycée, la moitié des élèves.

 

Les réussites éducatives ne se construisent pas que par la voie générale, mais peuvent aussi concerner les voies professionnelles et technologiques, et ce, d’autant plus que la voie professionnelle ne débouche plus sur une impasse mais peut permettre la construction d’un parcours de bac-3 à bac+3 : CAP ; BEP ; Bac professionnel ; BTS ; Licence professionnelle……

 

La faible part consacrée dans la concertation à ces secteurs d’enseignement ne peut qu’inquiéter.

 

Il faut réellement en finir avec la  très forte fragilisation des recrutements née d’une application uniforme de la mastérisation, écartant tout un vivier de candidats issus du milieu professionnel.

 

Il est absolument nécessaire de diversifier les voies d'accès au métier d'enseignant pour les filières professionnelles et technologiques, notamment en permettant des allers-retours monde du travail/monde de l’enseignement.

 

La spécificité de ces filières implique que l'on fasse plus appel à des dispositifs d’équivalence et de Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) pour ouvrir le vivier des recrutements, notamment en utilisant le dispositif jamais abrogé pour les filières n’ayant pas de BTS, des concours préparatoires à l’exercice du métier d’enseignant en lycée professionnel (CPCAPLP) favorisant le recrutement de professionnels compétents possédant un CAP et une expérience reconnue.

 

 

S’inscrire dans un processus dynamique de continuité de la formation initiale et continuée des enseignants reposant sur quatre temps

 

1) Pré recrutements avant la licence afin de permettre l’accès de tous les étudiants à ce métier et de commencer à leur faire découvrir les caractéristiques du métier enseignant

 

2) Le M1 (première année de master), découverte du métier, approches des savoirs à enseigner et des enjeux de la transmission de ces savoirs. Les épreuves écrites du concours ont lieu en fin de première année du concours et font une place à des épreuves en rapport avec l’exercice du métier .

Une véritable alternance en année de M2 (deuxième année de master) avec un stage à mi-temps appuyé par un mémoire de stage. Des études de cas, permettant de tirer profit de ce qui a été vu pendant le stage, seront au cœur des épreuves d’admission.

 

3) Une année de stage après la réussite au concours avec une formation cadrée nationalement et une décharge d’au moins un tiers de service.

 

4) Les deux premières années d’exercice doivent permettre de travailler avec le  nouveau nommé sur les spécificités des classes, de l’établissement (maternelle, élémentaire, collège, lycée général, technologique, professionnel, polyvalent…), sur  son environnement. Elles doivent déboucher sur un véritable bilan de compétences formatif de l’enseignant lui permettant de voir ses forces, ses faiblesses éventuelles et de se construire dans le cadre de la formation continue un parcours de réussite.

 

Jean-Louis AUDUC



24/09/2012
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