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Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 25/10/2012 : Viviane Bouysse fait école (maternelle) à l'OZP !

Invitée par l'OZP le 24 octobre 2012, s'appuyant sur le rapport des IGEN publié en mai 2012 et qu'elle a piloté, Viviane Bouysse, après avoir dressé un état de la maternelle en Education prioritaire, a tracé des pistes pour que la réussite fasse école sur tous les territoires. Une école devenue plus grise, à laquelle il faut redonner des couleurs ! Vivifiant !

 

L'école maternelle en Education prioritaire : Une école à part ?

 

Le sujet de la maternelle se pose-t-il de façon particulière en Education prioritaire ? En théorie c'est la même école même si elle devrait être plus ouverte aux enfants les plus jeunes. Sur le terrain, la scolarisation des deux ans en Education prioritaire est pourtant assez peu répandue. Il n'y a pas de demande d'accueil très précoce dans les secteurs "Education prioritaire" où les enfants sont souvent gardés par les familles, car n'en déplaise, l'école maternelle y est d'abord considérée comme lieu d'accueil et de garde.

 

L'école maternelle pourrait être plus utile et profitable aux enfants des milieux défavorisés. Mais comment faire ? Il s'agit d'un combat à mener. Combat pour travailler le langage, enjeu déterminant, avec ceux qui en ont le plus besoin dans un contexte de travail difficile lié à une grande hétérogénéïté entre élèves. Les enfants arrivent avec des bagages très différents concernant le langage qu'ils parlent, qu'ils comprennent, l'usage qu'ils en ont. On sait que les interactions très proches entre le maître et le petit groupe et les interactions individuelles sont nécessaires.

 

On doit répéter aussi que l'école maternelle s'est primarisée c'est à dire a adopté les formes pédagogiques de l'école élémentaire. Ainsi, la géographie de la classe ne permet-elle plus assez aux enfants les manipulations. L'école maternelle est devenue plus grise. Sous l'effet d'injonctions, elle a vu l'écrit l'envahir, ainsi que des fiches et des productions "montrables" comme pour prouver le sérieux de ce qui s'y fait. Très vite, les enfants sont amenés à travailler sur des substituts du réel. Le faire est amoindri au profit d'un travail sur des représentations et d'une entrée beaucoup plus précoce dans l'abstraction. Les enfants peuvent alors s'acquitter de ce qu'on leur demande, mais n'assimilent pas.

 

L'école maternelle est victime de son succès. Elle réussit très bien avec beaucoup d'élèves mais en demandant tôt elle permet à ceux qui sont prêt de progresser encore plus, et en place parfois d'autres dans un statut d'élève en difficulté dès la première école. Les effets peuvent être délétères et très tôt enfants et parents ont un ressenti négatif : "ça commence les problèmes !..." Enfin, ces dernières années, l'école maternelle n'a pas bénéficié de ressources supplémentaires. Les moyens sont allés vers le cycle 3, voire au cycle 2... pas vers la maternelle.

 

Espoirs en l'Education prioritaire

 

L'école maternelle a un rôle à jouer pour réduire les conséquences scolaires de problèmes socio culturels et langagiers dont elle n'est pas l'origine. Au niveau langagier, un usage approximatif du lexique, de la syntaxe, du système phonologique de la langue, une utilisation peu distanciée et peu réflexive du langage, caractérisent parfois des enfants qui viennent de milieux où l'on écrit peu et où l'écrit n'est pas valorisé. Le "papier" peut même y être vécu comme forme de persécution...

 

Si l'univers de l'écrit est pour les uns le cadre de vie qu'ils ont toujours connus, il est pour d'autres une découverte à l'entrée à l'école maternelle. Il faut réduire ces désavantages en faisant de la maternelle le lieu du langage oral, entendu, pratiqué. Il faut que l'enseignant puisse organiser la vie de sa classe pour se rendre disponible avec des petits groupes, qu'il consacre des temps à parler avec les enfants, et non pas à tous les enfants, ce qui n'a pas plus d'effets sur le langage qu'écouter la TV. Travailler le langage en interactions, donner forme aux propos des enfants, cultiver un art de la conversation et de l'échange sont des pistes qui rompent avec le dialogue didactique traditionnel de l'école.

 

Pour que le maître puisse s'y consacrer à plein dans le cadre de petits groupes, il faut que les autres élèves aient des choses à faire intéressantes qui les accaparent un certain temps. Les coins d'activités repensés, vivants, supports de défis inductifs, riches, peuvent y contribuer. Les activités développées dans ces coins peuvent aussi constituer des accroches pour parler autour de constructions, de jeux. Le maître fait interagir autour de quelque chose : livres, objets culturels du monde ...

 

Les ateliers de langage sont indispensables en  Education prioritaire.

 

Quant à la préparation à la lecture, il faut se garder d'un travail trop précoce sur les lettres et les sons. Envie et goût doivent précéder une préparation plus formelle en grande section. S'ils sont amenés à leur temps, les apprentissages autour de l'entrée en lecture sont valorisants pour les enfants ... et sécurisants pour les parents.

 

Quelques incontournables

 

– faire agir dans des situations de construction, d'essais, pas d'exécution, mais toujours choisies dans la zone de développement de l'enfant. Essayer, risquer pour exercer son intelligence.

– faire réussir les enfants, leur faire éprouver les plaisirs de la réussite. Que ce soit à la piscine, en lecture, en écriture, cette dimension est fondamentale pour que chaque enfant se représente comme compétent. C'est le travail de l'enseignant.

– comprendre : prendre le temps de tirer les leçons de l'expérience pour réussir à nouveau. C'est revenir en arrière, mettre des choses en relation. C'est fondamental. Cela demande d'être capable d'adopter une posture réflexive, d'opérer un décalage par rapport à l'action.

 

Devenir élève c'est avoir acquis un certain niveau de langage et être capable de cette posture réflexive.

 

Mais pour y parvenir des leviers sont à actionner :

 

– une formation professionnelle particulière est indispensable qui donne une capacité à voir où en sont les enfants (et il faut être très fort pour y parvenir !). Il faut savoir témoigner des réussites sans jamais les banaliser. Sur la question du langage, savoir entendre et mesurer les progrès.

– l'organisation matérielle et l'équipement nécessitent un travail avec les collectivités et devraient faire l'objet d'un cahier des charges pour éviter de trop grandes inégalités.

– l'encadrement humain joue un rôle important. Des ATSEM jouant un rôle plus éducatif et formées dans ce sens et des Educateurs de jeunes enfants pourraient avoir leur place aux côtés des enseignants pour assurer notamment la continuité des temps de l'enfant dans l'école, et permettre aux enseignants de prendre des petits groupes dans le cadre de co interventions.

– point crucial :  le travail avec les parents. Il s'agit de les accueillir au sens puissant du terme, au sens de l'hospitalité.  "Concilier" les parents avec l'école permet d'éviter qu'ils ne voient comme valables que les activités trop scolaires auxquelles ils se raccrochent, notamment en Education prioritaire. On peut aussi travailler le "comment on regarde un livre" avec son enfant.

 

Pierre Gerarni

 

Le rapport Bouysse



25/10/2012
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