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Revue de presse : Article sur www.grainedecurieux.fr du 07/09/2011 : Rythmes scolaires : « il faut repenser l’école »

Grand spécialiste du développement et des rythmes de l’enfant, Hubert Montagner milite depuis des années pour que celui-ci soit mis au cœur des réflexions sur l’école. Il nous donne son point de vue sur la question des rythmes scolaires.

 

Vous avez qualifié la Conférence nationale sur les rythmes scolaires d’« imposture ». Pourquoi ?

C’est une opération qui m’apparaît essentiellement bureaucratique et démagogique. Si je me fonde sur leurs écrits, les deux personnes qui la co-président et la plupart des membres du Comité de pilotage n’ont pas la moindre compétence sur la question des rythmes biologiques ou biopsychologiques de l’enfant. Je ne suis pas non plus convaincu que le représentant de la SNCF, du tourisme ou des sports de neige aient leur place dans une telle instance… J’ai également été invité à plusieurs concertations dans différentes villes et colloques et je me suis rendu compte que la plupart des gens arrivaient vierges de toute information, ou alors que celles-ci étaient insuffisantes ou tronquées. Or, nous n’avons pas le droit d’être aussi légers sur un sujet pareil. Ce sont les équilibres et l’avenir des enfants qui sont en jeu.

 

Que pensez-vous des premières conclusions présentées en janvier ?

Le pré-rapport reprend ce que nous disons depuis des années, quasiment au mot près ! Nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais maintenant, nous attendons le rapport définitif. Et, à mon avis, il ne sera jamais remis ou publié. On va nous opposer le calendrier électoral et législatif – lancer un tel chantier à un an de la présidentielle, c’est d’ailleurs une autre imposture ! Cette Conférence est une stratégie dilatoire. Vous savez, les gens qui nous gouvernent n’ont pas intérêt à réformer l’école : le système actuel est un instrument de pouvoir qui fait le jeu des « classes » privilégiées, qu’il s’agisse des politiques, des économistes ou même des intellectuels. J’ai eu l’occasion de dire à des députés, sénateurs, ministres ou collègues : « Vous êtes malhonnêtes parce que vous savez que vos enfants réussiront de toute manière, quelle que soit la façon dont l’école est organisée. » Personne ne m’a jamais clairement répondu…

 

A votre sens, quelles devraient être les réformes prioritaires ?

L’engrenage est tel qu’il faut repenser et refonder l’école. Pour cela, j’estime qu’il est essentiel de supprimer le ministère de l’Education nationale dans sa forme actuelle. Celui-ci se moque de la personne qui se cache derrière l’élève, il ne connaît que les programmes et les évaluations. Et il a largement démontré son inefficacité et son incapacité à réduire l’échec scolaire. Je propose de créer un grand « super ministère », centré sur l’enfant, et constitué par l'imbrication des directions du ministère de l'Éducation nationale et par les secteurs ou directions chargés de la petite enfance, du handicap, de la famille et des solidarités. Ce serait une façon d’arrêter de découper l’enfant en tranches de jambon. Ensuite, il faut libérer le cerveau des petits en leur permettant d’exprimer toutes leurs potentialités. La France est une aberration : la journée scolaire y est la plus longue au monde ! C’est dément.

 

Que préconisez-vous à ce sujet-là ?

De réduire la durée de toutes les journées scolaires, mais en la modulant selon l’âge des enfants. Celle-ci ne peut être la même au cours préparatoire, au cours moyen et encore moins en petite section de maternelle. Il est également essentiel de mettre fin au système de la semaine de quatre jours et de repasser à quatre jours et demi. Quand l’ancien ministre de l’Education nationale Xavier Darcos a exigé que les programmes soient centrés sur les « enseignements fondamentaux » (lecture, écriture, calcul, mathématiques), il a eu un raisonnement de technocrate : les enseignants ont été amenés à concentrer ces apprentissages lourds sur quatre jours et cela a réduit la quantité de temps disponible pour les arts plastiques, la musique, la biologie, la vie des animaux, l’histoire, etc. mais aussi pour la détente physique et mentale, la « décompression », les activités ludiques. Or, les enfants sont des êtres d’émotions et d’affects, pas seulement des êtres intellectuels !

 

Vous dites qu’il est important également de repenser le « tiers-temps »…

Oui. L’idée est, encore une fois, de créer un écosystème qui mette l’enfant au centre. En interaction avec la municipalité et le conseil général, on peut inviter tous les acteurs désireux de s’engager auprès des enfants (associations, clubs sportifs, etc.) à venir, en début d’année, exposer leurs activités. Ils pourraient se promener de classe en classe pour proposer un système flexible et accessible à tous, que ce soit le mercredi après-midi ou pendant les petites vacances – celles-ci doivent d’ailleurs être réaménagées selon le système dit du « 7/2 » : sept semaines de travail, deux de repos.

Dans la même idée, je pense qu’instaurer des « stratégies d’accueil » peut aider les enfants à nouer une autre relation à l’école. Quand le petit arrive dans un établissement scolaire, il est important qu’il n’ait pas le sentiment d’être jugé ou stigmatisé. Il suffit de peu de choses – un aquarium, une balancelle, une figure d’attachement « sécure » – pour créer un lieu anxiolytique. Car la sécurité affective, c’est le cœur d’un enfant et le moteur de son développement.

 

Propos recueillis par Natacha Czerwinski.



07/09/2011
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