Article dans Le Figaro du 31/08/2010 : Les enseignants débutants feront cours à plein temps
Un tuteur assurera la formation des 15.000 professeurs débutants de l'Éducation nationale sur le terrain.
Cette première rentrée s'annonce particulièrement chargée pour les 15.000 professeurs débutants de l'Éducation nationale. Ils vont se retrouver en face des élèves sans avoir reçu de formation pédagogique. Auparavant présents devant les élèves 6 à 8 heures par semaine, ils vont désormais assurer 14 à 18 heures de cours. Le temps consacré à leur formation pédagogique, autrefois dispensée dans les IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres), est quant à lui fortement réduit. Une conséquence de la réforme sur la formation des enseignants élaborée par le ministère de l'Éducation nationale.
Fraîchement reçue au concours de professeur de biologie au mois de juillet, Candice, qui a assisté la semaine dernière à une «journée d'accueil » organisée dans son académie, ne cache pas son inquiétude. Elle qui, pendant sa scolarité, n'a réalisé qu'un stage d'observation d'une semaine dans un collège va se retrouver en charge de plusieurs classes, 17 heures par semaine. «J'aimerais bénéficier de conseils sur la façon dont on gère un élève violent. L'idée d'être jetée dans le bain sans formation pratique est stressante », soupire-t-elle, tout en temporisant : «J'ai quand même eu la chance de réussir un concours très convoité. »
Avec le système de recrutement profondément remanié par le ministère, les jeunes qui ont réussi leur concours cet été devront dès septembre assurer un temps complet devant une classe. La formation théorique sera, elle, dispensée une journée par semaine.
Concrètement, certains de ces jeunes vont se mettre à enseigner sans aucune expérience préalable, puisqu'en cette année de transition il est possible de réussir le concours sans avoir effectué de stages. «Dire que beaucoup n'auront jamais vu un élève est quand même fortement exagéré », affirme cependant Josette Théophile, la directrice des ressources humaines du ministère. Quelque 60 % des personnes qui ont réussi le concours cette année ont auparavant été vacataires dans l'enseignement, affirme-t-elle. Sur les 40 % restants, certains ont effectué des stages, d'autres non, reconnaît-elle. «Les nouveaux entrants sont toujours inquiets. Certes, ils vont avoir un service plus lourd, mais l'apprentissage direct du métier est le meilleur », assure-t-elle, tout en rappelant que cette réforme, au départ plébiscitée par les syndicats, permet d'élever le niveau de formation des enseignants, recrutés désormais à un niveau master.
« Une année de transition»
Un avis qui est loin d'être partagé par tous les enseignants en poste. La disparition des IUFM et de leurs formations parfois trop théoriques n'est pas la plus regrettée. En revanche, l'entrée dans la carrière avec 18 heures hebdomadaires d'office va se faire « dans la souffrance » pour ces jeunes, estime Lisa Michel, professeur de lettres dans les Yvelines. « Avec une seule classe et 6 heures par semaine, j'avais le temps de réfléchir et de corriger mes erreurs de débutante. » Le secrétaire général du Snpden, principal syndicat des chefs d'établissements, lui, ne mâche pas ses mots. « Comment imaginer que, sélectionné sur ses seules connaissances disciplinaires, le stagiaire arrive dans sa classe et réussisse d'office à la subjuguer par son charisme ? Enseigner, cela s'apprend. C'est bien d'être bon dans sa discipline, mais il faut aussi savoir la transmettre. »
Des tuteurs volontaires conseilleront tout de même les débutants. « Les jeunes ne sont pas abandonnés à eux-mêmes », souligne Josette Théophile. Mais, selon la plupart des syndicats, les établissements scolaires ont eu du mal à recruter ces tuteurs. Ce sont donc souvent de jeunes enseignants à peine formés qui devraient épauler les débutants.
Au ministère, on temporise. Les stages seront bientôt obligatoires pour obtenir un master 2, condition nécessaire pour réussir les concours d'enseignement. «Nous sommes dans une année de transition», rappelle Josette Théophile. Mais, pour les jeunes enseignants, la pilule reste amère.
Par Marie-Estelle Pech
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