Revue de presse : Article dans L'Expansion du 04\03\2011 : L'éducation, premier facteur de la croissance
Développer le "capital humain" est productif pour l'individu et pour la société. L'enseignement est donc primordial. D'où la nécessité d'en évaluer les résultats régulièrement.
Le rôle majeur du système éducatif dans le développement des économies de même que la corrélation entre le niveau intellectuel et l'aptitude au management (initiative, aisance à s'exprimer et à échanger, esprit critique) ne sont plus à démontrer. Le concept de mise en valeur du "capital humain" qui permet à l'individu de produire plus pour lui et pour la société montre bien l'importance des structures d'enseignement. Mais il est toujours aussi indispensable d'en évaluer les résultats.
Pour entrer par le haut dans une société de connaissance, d'innovation et de croissance, rien n'importe plus que des bases bien établies. L'école primaire est la première d'entre elles. Là, tout se joue très vite, spécialement le déterminisme de l'échec : un enfant qui redouble avant le collège voit fondre ses chances de sortir du secondaire avec une formation correcte. Chaque année, 800 000 élèves sont scolarisés, mais 130 000 à 150 000 d'entre eux entrent en sixième avec des déficiences graves en lecture, en écriture et en calcul. Lire consiste à savoir communiquer. Ecrire est un moyen de s'exprimer. Calculer permet d'apprendre à raisonner. Cela signifie que, pour près de 20 % d'une classe d'âge, trois des fondements de la démocratie ne sont pas assurés. Le sort de ces jeunes quasi illettrés - au total, 1,5 million en dix ans - est scellé : la précarité, le chômage, l'aide sociale ou, pis, la délinquance, s'ils ne suivent pas, comme au Royaume-Uni, une formation obligatoire.
En même temps, notre système éducatif échoue à faire progresser le grand nombre vers le haut du tableau. 7 à 8 % des élèves du secondaire appartiennent à l'élite scolaire en France, contre 20 % en Finlande ou en Corée du Sud. Par surcroît, comme en témoignent les classements de l'OCDE (tests Pisa), le niveau des jeunes Français recule depuis une quinzaine d'années.
Pourtant, les réformes n'ont pas manqué au cours des dernières décennies : limitation du nombre d'élèves par classe (de 34 à 28 au maximum) ; révisions régulières des programmes ; réduction du rythme hebdomadaire (de cinq à quatre jours), alors que la France demeure le pays où l'année scolaire est la plus courte (cent quarante jours, contre cent quatre-vingt-cinq à deux cent dix chez nos voisins comparables, Suède, Italie, Allemagne, Pays-Bas ou Royaume-Uni). Rien n'y a fait. La France n'a pu transformer son potentiel (55 000 écoles primaires et 300 000 professeurs des écoles) et ses dépenses en performance scolaire.
La finalité de l'éducation diffère selon les pays
Nous devrions peut-être commencer par nous interroger sur la finalité de l'éducation. Aux Etats-Unis, par exemple, il s'agit de préparer l'insertion des jeunes dans la société américaine. Que des enfants de 7 ans apprennent à livrer des journaux ou à réunir des dons pour des oeuvres humanitaires, la culture anglo-saxonne attend d'eux qu'ils montrent ce qu'ils sont capables de faire, avant même d'évaluer leur aptitude à mémoriser ou à restituer du savoir. En France, le système est peut-être l'un des meilleurs du monde, mais pour un élève sur deux seulement. Son but n'est pas la socialisation, mais la conquête de la tranquillité, attribuée au diplôme le plus élevé possible. On entend conduire les élèves, d'examens en concours, jusqu'à l'Ecole normale supérieure ou jusqu'à Polytechnique. En un mot, à la droite du Seigneur. D'autant que tout, dans la vie professionnelle, repose sur deux facteurs décisifs, hormis la compétence : l'aptitude au travail en équipe et l'atteinte d'objectifs. Or, pendant les dix-huit à vingt ans que durent les études, le travail est individuel, en fonction d'un programme. Qui n'a pas entendu un professeur avertir "Cela, voyez-le par vous-même, je n'ai pas le temps de finir le programme" ?
Comment s'étonner que les meilleurs élèves s'adaptent, et que les autres peinent à mesurer ce qu'on attend d'eux ?
De nombreux rapports (Cour des comptes, institut Montaigne) ont souligné ces points en 2010. Quelles mesures pourraient exercer un réel effet de levier ? J'en vois trois. D'abord, accorder un véritable pouvoir au directeur d'école, afin qu'il organise ses équipes et poursuive avec elles un projet pédagogique. Ensuite, proposer aux professeurs des écoles d'utiliser des moyens qui ont fait leurs preuves pour lutter contre l'échec scolaire (je pense aux travaux sur l'individualisation, à l'effet maître, et surtout aux résultats concrets obtenus par Michel Zorman à Grenoble avec les programmes Parler et Parler Bambin). Enfin, renforcer la présence et la disponibilité des maîtres (de l'école jusqu'à l'université), car la réunion des meilleurs et des plus fragiles est décisive pour que se développe une vraie communauté au sein de laquelle se diffuseront les bonnes pratiques. Pour le plus grand profit de tous.
Par François Rachline * - publié le 04/03/2011 à 11:10
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