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Revue de presse : Article dans L'Expansion du 25/02/2011 : Rythmes scolaires : les antiréforme craignent une addition salée

Moins d'heures réparties sur plus de jours dans l'année : le coût des projets d'aménagement de l'emploi du temps des écoliers provoque déjà l'inquiétude du lobby touristique et des collectivités locales.

Elèves stressés, performances scolaires en chute libre, 100 000 jeunes qui sortent chaque année du système sans aucun diplôme... L'école de la République va mal. En cause, notamment, une organisation scolaire totalement déséquilibrée. Les écoliers français passent en moyenne chaque année 1 048 heures dans les salles de classe (contre 896 en Allemagne) réparties sur 144 jours (contre 184 en Europe).
Des experts réunis par Luc Chatel, le ministre de l'Education, devraient rendre en juin leurs propositions pour réformer les rythmes scolaires : réduction du nombre d'heures de classe quotidien en échange d'une demi-journée, voire d'une journée en plus travaillée, raccourcissement des vacances d'été, remise à plat du zonage... au nom de l'intérêt des enfants. Mais en coulisse s'agitent les lobbys affolés par les conséquences de ces changements.
"Le calendrier scolaire a toujours été façonné en fonction d'intérêts économiques", dénonce François Testu, professeur de psychologie et spécialiste du dossier : de la création des grandes vacances d'été pendant la guerre de 1914-1918, afin de trouver des bras pour les récoltes, aux deux semaines d'hiver instaurées après les JO de Grenoble pour rentabiliser les stations de ski. Revue de détail des enjeux économiques qui pourraient faire capoter la réforme de l'école.
 
Hausse de la facture du transport réglée par les conseils généraux : +15%

Le constat est implacable ! Pourquoi donc des bambins de 4 ans passent-ils autant d'heures à l'école que des enfants de 10 ans, voire des collégiens ?

D'où l'idée de moduler la journée scolaire en fonction de l'âge des enfants. Une piste séduisante qui bute cependant sur la contrainte "technique" du transport, essentielle en province, notamment en milieu rural. Car, en étalant les sorties d'école dans la journée, on multiplie les voyages et le nombre d'autocars sur les routes. "Hors Ile-de-France, le coût du transport scolaire atteint déjà 3 milliards d'euros par an, soit une moyenne de 800 euros par élève", affirme Eric Favey, le secrétaire général de la Ligue de l'enseignement. Une facture à la charge des conseils généraux qui pourrait augmenter de près de 15 % si l'année scolaire est allongée.

 

Or ce poste représente déjà en moyenne près de 20 % du budget des départements.

Certaines collectivités pourraient demander aux familles de mettre davantage la main au porte-monnaie. Eric Ritter, de la Fédération nationale des transports de voyageurs, propose d'"ouvrir les lignes de transport scolaire au public afin d'en abaisser les coûts".

 

Surcoût du périscolaire à la charge des municipalités : +100%

Le modèle allemand est un vieux fantasme : cours magistraux le matin et activités sportives et culturelles l'après-midi. Sans aller jusqu'à le copier, de nombreux experts plaident pour un raccourcissement de la journée d'école. Mais impossible de laisser les enfants livrés à eux-mêmes dès 15 heures. "Il faut donc réorganiser les activités périscolaires avec une offre variée et du personnel qualifié", affirme François Bonneau, le président de la région Centre.

 

Une charge qui revient aux mairies. Les villes qui ont lancé des opérations pilotes depuis quelques années font aujourd'hui leurs comptes. A Epinal, un tiers des écoles ne travaillent que le matin, et la mairie assure les activités de l'après-midi. "Un surcoût de 400 euros par enfant et par an", détaille Michel Heinrich, le député et maire d'Epinal. "Difficile d'appliquer ce modèle à toutes les communes, alors que beaucoup sont au bord de l'asphyxie financière après la réforme de la taxe professionnelle", s'inquiète Pierre-Yves Jardel, responsable des questions d'éducation à l'Association des maires de France.

 

Baisse du chiffre d'affaires redoutée par l'industrie du tourisme :- 15%

"Il va falloir qu'il se calme", marmonne le recteur Christian Forestier, président de la commission sur les rythmes scolaires. Le "il" en question, c'est le puissant lobby touristique. Et notamment celui des stations de ski, qui redoute la suppression du zonage des vacances d'hiver. "40 % en moyenne du chiffre d'affaires des stations proviennent de ces quatre semaines de vacances", se défend Gilbert Blanc-Tailleur, maire de Courchevel et président de l'Association nationale des maires des stations de montagne.

Selon les chronobiologistes, le rythme idéal des bambins est celui du "7-2", sept semaines de travail et deux semaines de congés. Sauf que, pour les enfants partis les premiers en vacances d'hiver, le dernier trimestre d'école peut atteindre onze semaines. Exténuant, dénoncent les médecins, qui stigmatisent la longue coupure d'été. Les grandes vacances pourraient donc être raccourcies de deux semaines.

"Cela revient à concentrer les départs entre le 15 juillet et le 15 août, avec, à la clef, une augmentation d'au moins 15 % des prix et une baisse équivalente de notre chiffre d'affaires", s'inquiète Guylhem Féraud, le président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air. Les professionnels du tourisme proposent le maintien du zonage même pour les grandes vacances, qui s'étaleraient du 15 juin au 15 septembre. Mais il faudrait étaler les épreuves du bac, et donc fini les mêmes sujets pour tous. Et aller au-delà de deux zones compliquerait l'été des familles recomposées... Pas gagné ! 

 

Postes d'enseignants à créer, selon les syndicats : + 37 000

Décidé à faire des économies, Luc Chatel a annoncé une réduction de 16 000 postes pour la rentrée 2011. Une décision qui touchera le collège et le primaire. Cette cure d'austérité pourrait être contrecarrée par les syndicats d'enseignants, qui vont profiter de la réforme des rythmes scolaires pour monter au créneau sur la question des effectifs. "Si on réfléchit à l'organisation de l'année scolaire, on ne peut passer à côté de la question de la qualité de ce temps et de l'évolution du travail des enseignants", lance Sébastien Sihr, le secrétaire général du SNUipp-FSU, principal syndicat du primaire. Ce professeur des écoles note que l'investissement de la France dans le primaire est inférieur de 15 % à la moyenne des pays de l'OCDE.

 

"Réévaluer cette dépense revient à financer 37 000 postes supplémentaires, ce qui permettrait enfin de travailler en petits effectifs à des moments choisis de la journée ou d'intégrer les devoirs dans le temps scolaire." Alors que le coût moyen d'un enseignant débutant atteint 25 000 euros par an, la facture pour l'Etat atteindrait 925 millions d'euros. A défaut de faire maigrir le "mammouth", peut-être faut-il chercher à le rendre plus agile ?

  

Par Béatrice Mathieu - publié le 25/02/2011 



28/02/2011
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