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Revue de presse : Article dans Le Figaro du 01/04/2013 : Peillon : deuxième trimestre en baisse, des réformes à revoir

Embourbé dans les rythmes scolaires, le ministre de l'Éducation nationale a présenté une loi sur la refondation de l'école dans l'indifférence générale.

Un décret sur les rythmes scolaires, une loi adoptée en première lecture à l'Assemblée, une grève massive des enseignants, un livre écrit en quelques jours à Noël, toujours de belles envolées lyriques et une petite annonce intempestive sur le raccourcissement des vacances d'été… Pour son deuxième trimestre scolaire, et près d'un an après son arrivée Rue de Grenelle, le ministre reste fidèle à sa réputation.

Difficile pour lui de se défaire de ses deux sorties-bévues initiales : l'annonce du retour de la semaine de quatre jours et demi au lendemain de la formation du gouvernement et sa réflexion sur la dépénalisation du cannabis en octobre. Plus que pour n'importe quel autre ministre, les interventions de Vincent Peillon sont désormais scrutées avec attention.

Dans le même temps, le «mammouth» lui a infligé sa première grève, autour de la très sensible question des rythmes scolaires. Après un mouvement parisien massif le 22 janvier, les syndicats enseignants ont réitéré le 12 février, au niveau national. «On ne nous fera pas taire à coups de création de postes», pouvait-on entendre dans les rangs des professeurs en colère. Slogan des plus ironiques. «Je n'ai quand même pas mis 60.000 postes sur la table pour être emmerdé après», aurait lâché le ministre il y a quelques semaines. Précisément, le fait d'avoir lâché d'emblée ces postes, promis par François Hollande pendant la campagne présidentielle, limite sa marge de manœuvre. Le contexte budgétaire ne lui permet pas de donner davantage aux enseignants, qui attendent pourtant fermement une revalorisation.

 

On ne nous fera pas taire à coups de création de postes  !

Dans la capitale, où l'affaire des rythmes scolaires a pris une tournure politique, le divorce entre le ministre et ses enseignants semble consommé. Les syndicats, taxés de «conservatisme» et de «corporatisme» par Bruno Julliard, ex-conseiller de Vincent Peillon et actuel adjoint à la culture à Paris, ont dénoncé la méthode et le manque de concertation. Dans la mêlée, Bertrand Delanoë a organisé des réunions dites de «dialogue», qui ont viré à la foire d'empoigne. Le 25 mars, Paris a finalement voté le passage aux quatre jours et demi pour la rentrée 2013, sauvant symboliquement la réforme, après les décisions de report de Lyon et Lille, bastions de gauche.

Face à cette situation, le ministre a multiplié les déplacements sur le terrain, jouant les VRP de ville en ville pour «vendre» son projet. «Peut-être a-t-il manqué de pédagogie, sur un sujet qu'il pensait au départ trop terre à terre pour lui, philosophe de l'éducation, qui entend laisser une trace durable dans ce ministère», explique un membre de la majorité.

Reste que le sujet des rythmes a éludé sa grande loi sur «la refondation de l'école de la République». Le ministre appelait de ses vœux un «grand débat» à l'Assemblée. Son projet, adopté le 19 mars en première lecture, n'a guère passionné l'opinion publique. Il est vrai que, comme toute loi sur l'école, ce texte, apportant des modifications au Code de l'éducation, reste très technique. Priorité à l'école primaire, redéfinition du «socle commun de connaissances et de compétences» que tout jeune se doit de maîtriser en fin de scolarité obligatoire, «ambition numérique», création des «Espé» (Écoles supérieures du professorat et de l'éducation)… Une loi décrite par les députés de gauche comme «une véritable révolution pédagogique», là où la droite, représentée dans ce débat par les voix de Benoist Apparu ou Xavier Breton, dénonce un «projet fade».

De ce texte, qui devrait être adopté définitivement fin juin, Vincent Peillon aime à répéter qu'il n'est pas une fin en soi et que tout l'enjeu consiste à le faire vivre. Et, de ce point de vue, le ministre est particulièrement attendu sur les «Espé», qui formeront les jeunes professeurs dès septembre, mais également sur la révision des programmes et la question de l'éducation prioritaire.  «Il a une vraie vision de l'éducation, il est courageux», défend-on à l'Élysée, où le ministre est solidement soutenu.


Vacances d'été : trop de bavardages

Alors que la France était plongée en plein débat - et doutes - sur la réforme des rythmes scolaires, cette annonce n'était pas des plus adroites : en février, le ministre préconise des congés d'été réduits à six semaines réparties en deux zones. «C'est suffisant», déclare-t-il. Certes, cette déclaration faisait suite à celle de septembre, dans laquelle il affirmait déjà qu'il «n'écartait pas la possibilité». La réduction des vacances est une pièce essentielle de la réforme des rythmes, puisqu'elle permettra d'alléger réellement les journées. Mais par sa déclaration, le ministre laisse entendre que la réforme est déjà prête… Il a beau jeu de souligner que la réflexion sur les vacances ne sera lancée qu'en 2015, il est trop tard. Les syndicats d'enseignants soulignent qu'ils ont leur mot à dire sur cette question touchant à leur temps de travail. Les associations de parents d'élèves s'interrogent. Les lycéens, sur Twitter, menacent déjà de descendre dans la rue. L'opposition crie à l'improvisation…

Morale laïque : doit faire ses preuves

Ce fut son coup d'éclat de l'été. Vincent Peillon annonçait la création d'un cours de morale «laïque» à part entière, du primaire au lycée. Une proposition plutôt bien accueillie. La sortie du ministre sur la dépénalisation du cannabis cet automne a toutefois vite brisé ce consensus… La mission chargée de réfléchir sur la morale laïque remettra ses conclusions d'ici à quinze jours. Le projet prendra-t-il de l'ampleur alors que François Hollande s'est prononcé jeudi en faveur d'une loi sur la laïcité après l'affaire de l'employée voilée à la crèche Baby-Loup ? En réalité, le résultat risque d'être moins flamboyant que prévu. La mission ne recommandera pas de créer un enseignement à part entière mais de le diluer au sein des différentes disciplines, selon une enquête de La Croix. Certains philosophes jugent l'idée démagogique, dont Ruwen Ogier, auteur d'un pamphlet sur le sujet : La guerre aux pauvres commence à l'école. Il rappelle que la morale a longtemps été justifiée par la nécessité de former de bons citoyens-soldats et fustige un enseignement «inadapté», s'inscrivant dans ce qui a été «depuis un siècle le projet pompeux de tous les ministres de l'Education nationale de faire revenir la morale à l'école». Pour Peillon, plus que de morale, il est question de laïcité. Il s'est inquiété des attaques dont fait l'objet l'école et de ces matières que les professeurs ne peuvent enseigner librement. Devant le Haut Conseil à l'intégration, il annonçait ainsi en décembre qu'une charte, explicitant «les notions de laïcité, de République, de citoyenneté de manière compréhensible pour les élèves», serait diffusée dans les établissements.

Rythmes scolaires : très en dessous de la moyenne

En novembre, alors que François Hollande avait choisi de lâcher du lest aux maires de France, en leur donnant la possibilité d'appliquer la réforme des rythmes en 2013 ou 2014, Vincent Peillon formulait un espoir. Celui de voir «au moins 50 % des écoliers» concernés dès la rentrée prochaine. Trois mois plus tard, les chiffres sont tombés (les communes avaient jusqu'au 31 mars pour faire connaître leur décision) : seulement 20 à 25 % des enfants prendront dès septembre le chemin de l'école le mercredi matin et auront droit à un temps scolaire raccourci - de 45 minutes par jour en moyenne - conformément au décret publié le 26 janvier. Comment ne pas y voir un camouflet pour cette réforme portée à bout de bras par le ministre ? «Le report à 2014, qui devait être un peu l'exception, devient la règle quasi générale», résume Sébastien Sihr, du SNUipp, premier syndicat du primaire, preuve pour lui que la réforme n'était pas «mûre». De leur côté, les maires, qui mettent en avant les difficultés budgétaires, bataillent toujours pour obtenir une pérennisation du fonds d'aide de 250 millions d'euros débloqué par l'État pour les accompagner en 2013 et 2014. Objet de toutes crispations, la semaine de quatre jours et demi va donc encore faire parler d'elle. Le ministère prévoit la mise en place d'un comité de suivi destiné à regarder de plus près le contenu des activités périscolaires pour évaluer les bonnes pratiques. Car il a bien promis, pour les écoliers, des activités «de qualité», non une simple garderie. Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, n'a-t-il pas indiqué que le périscolaire était «appelé à devenir un instrument essentiel pour promouvoir l'égalité réelle» ?

Statut des enseignants : beaucoup d'attentes

Vincent Peillon ne manque jamais une occasion de rappeler tout le respect qu'il a pour le métier d'enseignant. C'est d'ailleurs le mieux qu'il puisse faire, car s'il est le ministre aux 60.000 postes, il n'a que peu de marge de manœuvre pour augmenter ses professeurs qui figurent parmi les moins bien payés selon les chiffres de l'OCDE. En ce mois d'avril, les négociations catégorielles aborderont la question d'une éventuelle indemnité à destination des professeurs du premier degré, à l'image des 1200 euros annuels que touchent ceux du second degré, pour les «heures invisibles». Les enseignants veulent croire à «un geste» de 400 euros, dans un premier temps. Au-delà, ils attendent une revalorisation générale du métier. Métier qui a largement perdu en attractivité, si l'on en croit le nombre de postes laissés vacants au Capes. «Je suis prêt à ouvrir la grande négociation qu'il n'y a jamais eue sur les contenus, les carrières, le temps de travail et la question d'une revalorisation», expliquait en décembre le ministre, évoquant la délicate question du statut des enseignants, défini par une loi remontant à 1950, et de leurs obligations de services. Quand sera-t-elle abordée ? En attendant cette révolution, le ministre renvoie à la création des «Écoles supérieures du professorat et de l'éducation». Elles formeront les futurs professeurs qui, dans le cadre de leur année de stage, seront payés à plein-temps pour faire un mi-temps. «C'est déjà un acquis salarial», a indiqué le ministre. Ces formations, dont les maquettes sont en cours d'élaboration dans les universités, doivent ouvrir leurs portes en septembre. Avant cela, les résultats aux concours diront si Vincent Peillon a pu tenir son objectif de 43.000 enseignants recrutés cette année.

Relations avec les syndicats : se laisse aller à la facilité

Le ministre aurait-il sous-estimé la force d'inertie du mammouth et les subtilités syndicales ? La grève du 12 février semble le prouver. Avec des organisations qui lui sont plutôt acquises, le danger pour le ministre de gauche tient aux pièges de la «cogestion». Le 6 avril, la FSU, première fédération syndicale, n'appelle-t-elle pas à une manifestation pour «une vraie refondation du système éducatif» ? «Il s'agit d'un rappel aux engagements. Nous avons été indulgents en septembre 2012, car il s'agissait de la rentrée de Chatel. En revanche, celle de 2013 sera imputable à Vincent Peillon», explique Frédérique Rolet, porte-parole du Snes-FSU. Dans ce mouvement, la fédération ne sera pas rejointe par d'autres syndicats. «La FSU, qui donnait jusqu'alors le la dans le paysage syndical, est isolée», souligne une mauvaise langue. Il n'empêche. Vincent Peillon est attendu au tournant par l'ensemble des syndicats. Dans le cadre des négociations catégorielles, qui vont redémarrer le 10 avril, il sera question d'une indemnité aux enseignants du premier degré. De la circulaire de rentrée, qui paraîtra début avril, les syndicats attendent un changement de cap pédagogique et une confiance restaurée aux enseignants. Le ministre sera aussi attendu sur l'éducation prioritaire, la formation continue des enseignants, le lycée… «Nous avons un Peillon philosophe. Nous voulons désormais un Peillon ministre, qui pilote la réforme», résume Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp. «Le ministre tient le cap», estime de son côté Christian Chevalier de l'Unsa, qui se défend de toute cogestion. «D'ailleurs, avec Peillon, la cogestion ne fonctionnerait pas. Il veut décider.»

 

Par Caroline Beyer, Marie-Estelle Pech



03/04/2013
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