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Une circulaire qui invite les enseignants à cerner les élèves à problèmes suscite des remous.

Repérer les enfants en difficulté dès le plus jeune âge pour ne pas laisser les problèmes s'installer : c'est un des objectifs que s'est fixés la direction de l'enseignement scolaire. Elle le réaffirme à travers la circulaire de rentrée 2012, qui adresse aux enseignants les priorités pour l'année scolaire à venir.

«Pour prévenir les difficultés (des élèves), il faut intervenir, dès le début de la grande section, par des aides différenciées ciblées», explique la circulaire. «Pour mettre en œuvre les programmes de l'école élémentaire, ces domaines sont désormais dotés de repères de progression. L'ensemble constitue une base indispensable à l'accompagnement et à la formation des maîtres.» Autrement dit, le ministère propose aux professeurs des outils concrets pour repérer dès le premier trimestre de grande section de maternelle les élèves qui, déjà, seraient à la peine dans une dizaine de domaines listés par la circulaire : reconnaître à l'oral les mots, les syllabes, les phonèmes (segmenter, discriminer) et connaître les lettres de l'alphabet», «avoir une conscience syntaxique (qui fait quoi, où, quand, comment ?)», ou même «s'organiser dans les tâches, planifier».

En octobre 2011, une polémique avait enflammé le monde enseignant après la présentation par le ministère d'un dispositif de repérage des élèves de grande section de maternelle distinguant des élèves «à risques». «Évaluations», «fichage»… les mêmes mots reviennent aujourd'hui dans la bouche de certains pour qualifier les recommandations de la circulaire. Au Snuipp, principal syndicat de professeurs des écoles, on dénonce une «primarisation» de l'école maternelle à travers la préparation à l'apprentissage de la lecture, quand cette école devrait mettre l'accent sur la «socialisation».

«Beaucoup de collègues sont terriblement hypocrites, déplore Claire, institutrice dans le Val-d'Oise. Dans notre école, où certains élèves ont beaucoup de mal non seulement pour les apprentissages mais même pour les règles de base de la vie en groupe, nous savons très bien dès la maternelle quels sont ceux qui auront des difficultés plus tard. Alors, autant le dire et agir. Or, il y a des jeunes collègues qui sont totalement démunis, et qui se disent que le gamin qui ne reconnaît pas les sons en grande section s'améliorera l'année suivante au CP. Le gamin prend du retard, et ne rattrape jamais.»

Comprendre le principe de l'écriture alphabétique

Le repérage des élèves en difficulté semble en fait l'exemple même du faux problème. Le premier argument des opposants consiste à dire que les enseignants le font déjà. Le deuxième porte sur la nature même du travail à effectuer en école maternelle. Pour l'heure, la grande majorité des enseignants y pratique une initiation à l'écrit qui s'appuie sur un départ global. Apprendre dès la moyenne section de maternelle à reconnaître «oiseau» ou «papillon» dans une série de mots écrits risque surtout d'embrouiller des enfants qui n'ont pas encore compris le principe de l'écriture alphabétique. «L'institutrice de ma fille leur demande de reconnaître le mot “skateboard”, témoigne ainsi Christophe, jeune chef d'entreprise lorrain. Franchement, en grande section, alors qu'ils ne connaissent pas toutes les lettres, quel est l'intérêt ?»

Des outils devraient être proposés aux enseignants avant la rentrée pour compléter la circulaire. Ils contiendront des exercices de manipulation des phonèmes, pour que les enfants identifient les sons qui construisent chaque mot, constituent une base pour une approche progressive du code alphabétique. Les élèves en difficulté doivent ensuite être suivis soit en petit groupe, soit en «aide personnalisée». Rien là qui puisse ressembler au «fichage» d'enfants qu'on enfermerait dans leur échec.

Par Natacha Polony