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Revue de presse : Article dans Le Figaro du 03/03/2010 : Le grand gaspillage de la lutte contre l'échec scolaire

Selon le Sénat, le milliard d'euros consacré par l'État à cette tâche serait mal utilisé.

 
Près de trente ans après leur création, les zones d'éducation prioritaires, qui étaient destinées, selon Alain Savary, «à donner plus à ceux qui ont moins», sont, plus que jamais, critiquées. À juste titre, car malgré plusieurs toilettages successifs, les élèves qui y sont scolarisés, issus pour la plupart de milieux défavorisés, ne rattrapent pas les résultats enregistrés par l'ensemble des jeunes Français.

En fin de collège, un élève sur deux issu de l'éducation prioritaire ne maîtrise pas les compétences de base en français, contre un sur cinq en dehors de celle-ci. Les interventions éducatives en direction des quartiers sensibles sont par ailleurs difficiles à apprécier, notamment en raison de la faiblesse des évaluations engagées, qui ne permettent en aucun cas de prouver de manière sûre la valeur ajoutée des dispositifs», affirment le président du groupe UMP du Sénat, Gérard Longuet (Meuse), et Philippe Dallier (UMP, Seine-Saint-Denis) dans un rapport d'information du Sénat sur l'éducation en banlieue dévoilé cette semaine.

«Dilution des actions» 

Pourtant, les moyens publics engagés sont importants. L'État consacre plus d'un milliard d'euros à la lutte contre les difficultés scolaires et éducatives, un chiffre qui ne tient pas compte des collectivités territoriales, qui y consacrent, ­elles aussi, des moyens substantiels. Le rapport dénonce pourtant en premier lieu une répartition des moyens qui ne permet pas toujours d'améliorer significativement le taux d'encadrement dans l'éducation prioritaire : les élèves sont ainsi plus nombreux par classe (24 en moyenne) dans les écoles primaires classées en éducation prioritaire dans l'académie de Créteil qu'ils ne le sont dans la moyenne nationale des écoles primaires classées hors éducation prioritaire (23,5) ! Des aberrations semblables ont été relevées dans des collèges d'autres académies. La répartition des crédits par les académies tient en effet inégalement compte de l'appartenance de l'établissement à l'éducation prioritaire. Si cette situation est permise par la volonté de «déconcentration» de l'État, les acteurs de terrain devraient néanmoins expliquer «la pertinence de leurs politiques», critique le rapport.

Cette «approximation» dans le recensement des moyens publics consacrés aux interventions éducatives montre aussi que ces politiques recouvrent des dispositifs qui se juxtaposent plus qu'ils ne s'articulent entre eux. La prolifération de ces interventions pose des difficultés : méconnaissance des dispositifs, effets de concurrence ou de redondance, difficultés de coordination entre des intervenants nombreux. L'optimisation du hors temps scolaire est à ce titre une vraie question, observe le rapport, car on «aboutit parfois à une dilution des actions menées dans le secteur éducatif», estime le Sénat.

Des dizaines de dispositifs coexistent, au point qu'un responsable de terrain auditionné fait état du cas d'un enfant qui avait été inscrit dans six programmes différents ! L'éducation nationale a investi le «hors temps scolaire» avec la mise en place de l'accompagnement éducatif pour les élèves de l'éducation prioritaire et les collégiens, et les stages de remise à niveau. Existent aussi des équipes de réussite éducative, des contrats éducatifs locaux, des écoles ouvertes, des contrats locaux d'accompagnement à la scolarité, etc.

La mise en place d'une politique d'éducation personnalisée pour chaque enfant, voulue par l'État depuis 2005, est par ailleurs lente à se généraliser. Seulement 27 % des écoliers des établissements les plus sensibles participent à l'«accompagnement éducatif», à savoir une aide apportée par les enseignants. Et le soutien scolaire n'est choisi que par deux tiers des élèves. Les autres préfèrent faire du sport ou des activités culturelles. En clair, moins de 20 % de ces enfants, censés être parmi les plus en difficulté, bénéficient d'une aide aux devoirs.

«Il est frappant que cette approche ne débouche pas sur des obligations pour les enseignants ou pour les élèves mais repose sur le principe du volontariat», observe le rapporteur Philippe Dallier. En dépit de la volonté du législateur, l'accompagnement éducatif est «encore à la marge ou parfois même en dehors de l'école. Le sujet mérite que les meilleurs esprits s'en préoccupent».

Des enseignants se déchargeant de leurs missions sur les communes 

Parfois, les enseignants se déchargent de leurs «éléments à problèmes» sur les communes. Tel est le cas d'un collège de Chanteloup-les-Vignes étudié, avec d'autres, par le Sénat. Les équipes pédagogiques avaient dans un premier temps décidé de mettre en œuvre le programme personnalisé de réussite éducative pour une vingtaine d'élèves. Considérant que ce programme réussissait pour près des deux tiers mais ne convenait pas à ceux confrontés à des difficultés chroniques, ces équipes ont alors décidé d'affecter les plus en difficulté dans les tutorats organisés par la commune en dehors du temps scolaire par des personnes n'étant pas enseignants. Au final, dans ce même collège, le programme personnalisé de réussite éducative ne touche donc plus qu'une dizaine d'élèves, tandis que les plus en difficulté se sont retrouvés soit en tutorat extérieur, soit en accompagnement éducatif pour des activités culturelles et sportives ! Les enseignants devraient pourtant être en première ligne face à des difficultés scolaires lourdes et assurer une aide aux devoirs, s'étonne le Sénat qui dénonce «l'incohérence» de cette décision.



04/03/2010
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