Revue de presse : Article dans Le Figaro du 07/11/2011 : Comment savoir si son enfant est surdoué
«Tu vois, c'est Dieu qui a créé la Terre, les montagnes, l'eau… Heureusement, sinon on serait dans le vide !» Cette réflexion faite par Sophie, 7 ans, à sa petite sœur traduit bien l'originalité de la pensée des enfants surdoués. Sophie a un quotient intellectuel (QI) de 152. On parle de surdoués à partir de 130 (voir encadré). «Ce sont des enfants dont l'intelligence n'est pas seulement différente en termes de QI, mais aussi en termes d'organisation et d'émotions», explique Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne et auteur de L'Enfant surdoué. L'aider à grandir, l'aider à réussir (Odile Jacob).
Architecture cérébrale
Les surdoués - préférez l'expression «enfants à haut potentiel» - sont comme dotés d'office d'un ordinateur de dernière génération et du haut débit, là où les autres disposent de connexions plus classiques et d'un matériel plus modeste. «Ils ont une architecture cérébrale différente, mais c'est surtout le fonctionnement qui est original, en raison de l'hyperconnectivité des réseaux neuronaux, ajoute la psychologue. La pensée est plus créatrice, plus complexe, plus intriquée avec l'affectif, mais elle est aussi plus difficile à organiser, à structurer», prévient Jeanne Siaud-Facchin.
Les parents ne s'en rendent pas toujours compte tout de suite et le diagnostic peut même tomber lorsqu'un enfant (surdoué méconnu) est en échec scolaire, ce qui arrive tout de même à un surdoué sur trois. «Le cliché auquel on se heurte le plus souvent, tant dans l'Éducation nationale que du côté des professionnels de santé, c'est de penser qu'un enfant à haut potentiel est forcément en réussite scolaire», insiste le Dr Sylvie Tordjman, pédopsychiatre (Centre national d'aide aux enfants et adolescents à haut potentiel, Rennes). L'auteur d'Aider les enfants à haut potentiel en difficulté (PU Rennes) interviendra d'ailleurs lors du symposium international que l'Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces (Anpeip) organise les 10 et 11 novembre prochain (renseignements sur anpeip.org), afin de balayer quelques idées reçues à la lumière des travaux de recherche les plus récents. Oui, des enfants surdoués peuvent être en difficulté scolaire. Non, tous les enfants en difficulté ne sont pas des surdoués.
Une empathie envahissante
L'enjeu, pour mieux aider et guider les enfants dans leurs potentialités, est de comprendre leur façon particulière de fonctionner. «Par exemple, ces enfants comprennent vite et vont donc avoir rapidement un avis, une pertinence de raisonnement, un sens critique très développé… Mais cela peut gêner, voire agacer l'entourage», explique le Pr Laurence Vaivre-Douret, neuropsychologue clinicienne (Université Paris Descartes) et elle aussi intervenante du symposium Anpeip.
Attention à ne pas les conforter dans leur position de surdoué, pour éviter qu'ils ne se croient reconnus que selon ce critère. «Leur haut potentiel ne doit pas devenir un handicap contribuant à les marginaliser», met en garde le Dr Tordjman. «La singularité de leur fonctionnement intellectuel et cognitif permet de comprendre pourquoi ils peuvent rencontrer des difficultés, notamment à l'école», renchérit Jeanne Siaud-Facchin.
Car, à côté de leurs aptitudes intellectuelles supérieures à la moyenne, il est une autre particularité de ces enfants souvent ignorée : leur hypersensibilité et leur réactivité émotionnelle. «Ceci était bien connu des spécialistes, mais c'est désormais validé par les neurosciences», s'enthousiasme Laurence Vaivre-Douret. «Ce sont des enfants chez qui une broutille peut déclencher un cataclysme émotionnel. Ils captent la moindre variation du monde qui les entoure et ont une empathie qui peut même être envahissante», souligne Jeanne Siaud-Facchin. D'autant qu'ils sont aussi très sensibles à l'injustice, d'une curiosité insatiable, aiment faire plusieurs choses à la fois, ont une mémoire exceptionnelle, débordent d'énergie et, souvent, n'ont pas besoin de beaucoup de sommeil. De quoi agacer, en effet. «Ces enfants questionnent toutes les règles», remarque aussi le Dr Tordjman. Autant par soif de comprendre que pour le plaisir intellectuel de l'échange.
Déjà visible chez les bébés
Plus étonnant, les bébés surdoués ont déjà un comportement singulier, comme le souligne le Pr Laurence Vaivre-Douret, forte de son expérience en néonatologie et maternité : «Les nourrissons ont d'emblée un regard percutant, scrutateur. À cette maturation oculomotrice précoce s'associe une certaine tenue sur le plan postural. Ils se tiennent assis, marchent plus tôt que les autres et, surtout, ils trouvent souvent seuls les moyens de le faire. Le câblage de leur cerveau semble se faire plus tôt.»
Mais le fait d'avoir des connexions plus rapides et plus diversifiées a aussi un revers : «Avoir un moteur de Ferrari et devoir rouler en ville à la vitesse des autres peut parfois être frustrant», conclut le Pr Vaivre-Douret.
Un QI, des intelligences
La moyenne statistique de l'intelligence mesurée par le quotient intellectuel (QI) est de 100. Un surdoué possède par définition un QI d'au moins 130. On estime que c'est le cas de 2,2 % de la population, mais les spécialistes préfèrent désormais parler d'un indice qui oriente le diagnostic. La détermination du QI est donc une étape incontournable mais insuffisante. Même si les échelles permettant de déterminer le QI des enfants évoluent régulièrement et explorent désormais différentes composantes de l'intelligence. Certains modèles détaillent jusqu'à sept types d'intelligence (langagière, logico-mathématique, spatiale, musicale, somato-kinesthésique, inter-individuelle, introspective) et chaque enfant présente à la fois des zones de compétence et des zones de fragilité. Impossible de réduire l'enfant à un chiffre. Même celui du QI.
Par Damien Mascret
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