Revue de presse : Article dans Le Figaro du 16/02/2011 : Le handicap caché des enfants
La dyspraxie, qui toucherait environ 250.000 enfants en France, commence à être étudiée par les chercheurs.
Ils renversent tout ce qu'ils touchent, ont besoin d'aide pour s'habiller, peinent à dessiner et écrire… Pourtant, malgré les apparences, ces enfants ne sont pas seulement maladroits ou distraits. Ils souffrent d'un véritable trouble de la coordination motrice, appelé «dyspraxie», qui peut fortement les handicaper dans leur vie quotidienne et à l'école.
À l'image de la dyslexie, la dyspraxie est une pathologie spécifique de l'apprentissage, qui touche des enfants d'intelligence normale. Mais contrairement aux difficultés de lecture de la dyslexie, qui sont de mieux en mieux repérées et étudiées, la dyspraxie reste encore méconnue, y compris des chercheurs. Peut-être plus pour longtemps. L'équipe du Dr Ghislaine Dehaene, qui dirige l'équipe de neuroimagerie du développement dans l'unité Inserm U562 (NeuroSpin/CEA, Saclay), se lance dans un ambitieux projet de recherche pour identifier les mécanismes en cause dans ce handicap, notamment grâce à l'imagerie par résonance magnétique (IRM). L'exploration du cerveau des nouveau-nés et des enfants est un champ relativement nouveau. «La neurologie s'est d'abord beaucoup développée chez l'adulte. Chez l'enfant, il a fallu attendre l'arrivée de techniques non invasives, comme l'imagerie en IRM, pour assister à une explosion des recherches», a expliqué le Dr Dehaene, lors d'une visite de son laboratoire organisée par la Fondation pour la recherche médicale, qui a accordé un budget de 240.000 euros au projet de recherche sur la dyspraxie.
Détectée le plus souvent à l'école primaire, cette pathologie du développement cérébral est fréquente : 5 à 7% des 5-11 ans sont concernés, selon des études épidémiologiques. Soit potentiellement «250.000 enfants en France, un par classe», traduit le Dr Caroline Huron, chercheuse dans la même équipe Inserm/CEA. Les troubles de coordination, qui peuvent aussi toucher le système oculaire, deviennent particulièrement gênants au moment de l'apprentissage de l'écriture, au CP. Et pour faire comprendre ce qu'endurent ces enfants, la chercheuse propose à son auditoire de participer à une petite expérience en visionnant une vidéo de quelques minutes, où deux équipes de joueurs (les uns en dossard blanc, les autres en noir) se font des passes de basket. Dans un premier temps, Caroline Huron demande aux participants de compter les passes des blancs, et tous trouvent la bonne réponse. Mais quand elle fait regarder le même film une deuxième fois, sans rien compter, tout l'auditoire réalise qu'un sportif déguisé en gorille a traversé le terrain de jeu. Alors qu'il crève l'écran, presque personne ne l'avait remarqué lors de la première projection. La démonstration est limpide. «Toute leur vie, les dyspraxiques doivent prêter une attention démesurée à ce qu'ils font, d'où les difficultés lors d'une double tâche, par exemple écouter la maîtresse et écrire en même temps», insiste Caroline Huron.
Pour aider ces enfants dans leur parcours scolaire, Caroline Huron a, avec d'autres, créé une association qui met à disposition du matériel pédagogique en ligne. Le défi pour l'équipe du Dr Dehaene est maintenant d'identifier les mécanismes cérébraux à l'origine de ces troubles de la coordination, pour proposer des rééducations appropriées. Dans une première phase, les chercheuses vont évaluer précisément les compétences numériques (calcul, comparaison de quantité) d'enfants dyspraxiques, comparativement à celles de témoins du même âge. Seront ensuite étudiées leurs capacités d'écriture, et leurs performances visuelles. Parallèlement, des examens d'IRM devraient permettre de localiser les anomalies cérébrales associées à la dyspraxie. Les résultats sont attendus dans les trois prochaines années.
«Le cartable fantastique» pour les enfants du primaire
par Antoine Auzoux
«Le cartable fantastique» est une association vouée à l'insertion scolaire d'enfants en situation de handicap, et particulièrement ceux atteints de dyspraxie. Son action se concentre sur les élèves d'école primaire car, malheureusement pour eux, ils ne disposent pas de manuels scolaires adaptés à leur handicap. Le décret de 2008 précise, en effet, que l'exception aux droits d'auteur accordée par la loi de 2006 permettant la modification du contenu des livres scolaires ne concerne que les élèves dont le taux d'incapacité est supérieur à 80%.Or ceux qui sont atteints de dyspraxie n'atteignent jamais ce seuil alors qu'ils sont pourtant inaptes à travailler sur les manuels classiques.
Le site cartablefantastique.fr propose donc des ressources pour palier ce manque, des exercices en ligne, des lectures ou encore du matériel pour les mathématiques. Il est par exemple possible de télécharger des tableaux de calcul en couleur adaptés au handicap dyspraxique.
À l'origine, l'association a aidé une fillette de CE1 à contourner son handicap en modifiant manuels et exercices pour lui permettre de progresser et a partagé en ligne l'expérience de la petite fille durant deux ans. Depuis, l'équipe s'efforce de développer des logiciels informatiques et d'adapter des livres de cours et même des œuvres littéraires libres de droits.
Par Sandrine Cabut
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