ALPE74140

ALPE74140

Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 16/03/2015 : La chronique de Véronique Soulé : Martin X, instituteur viré

Il y a des cours de psychologie qui se perdent… Y compris dans l’Education nationale où les relations humaines manquent parfois du minimum d’humanité, pour ne pas parler de tact. Ainsi, lisez la triste et véridique histoire de Martin X., professeur des écoles stagiaire viré comme un malpropre il y a deux ans. Il s’en souvient comme si c’était hier. Dans un récent courrier adressé au Café pédagogique pour obtenir des renseignements, il n’avait pas pu s’empêcher de s’épancher. On l’a rappelé pour en savoir plus.

 

Tout à coup on se sent seul au monde

Deux jours avant la sortie des classes à Noël, en décembre 2012 donc, Martin, qui a voulu garder l’anonymat, avait reçu la visite, dans son école, de trois inspecteurs. Au menu : sa titularisation (comme fonctionnaire, ndlr) à l’issue de son année de prof stagiaire, qui avait été prolongée du fait d’un congé maladie. Un quart d’heure d’échanges assez généraux.

Martin part ensuite en vacances, plutôt serein. Le vendredi avant la rentrée, il revient chez lui  – il habite une ville du centre de la France -, ouvre sa boîte aux lettres et en sort un courrier tamponné du Rectorat. Un arrêté de licenciement. Le choc. Martin ne reprendra pas ses cours le lundi suivant. «J’avais travaillé pendant mes vacances, prévu ma progression, préparé des fiches, j’avais même correspondu par mail avec des parents dont les enfants étaient concernés par le Programme de réussite éducative». Il ira pointer au chômage.

«Il était 19 heures, raconte-t-il, j’étais devant ma boîte aux lettres, le courrier à la main. Tout à coup, on se sent seul au monde. Comme si on n’était plus bon à rien. Tout s’arrête, alors que j’avais toujours fait le maximum, ne comptant pas mon temps, allant là où on me disait d’aller pour boucher les trous. J’ai déchiré la lettre. Mais de mémoire, il était écrit : «capacité d’analyses insuffisante, difficultés à s’exprimer», et cela se terminait par : «une deuxième année de stage serait inopérante».

 

Ils auraient pu au moins me parler

Sur le fond, il n’est pas question de juger ici de la qualité du travail de Martin. En décembre, il avait eu la mention «Insuffisant» après la visite d’un inspecteur dans sa classe. Mais les deux inspections précédentes avaient été positives – avec les appréciations «Très satisfaisant» et  «Satisfaisant». Entre les deux, il y avait eu trois mois de congé maladie pour dépression, produit, selon Martin, de problèmes personnels et de stress au boulot – il assurait deux remplacements de directeurs d’école déchargés de cours.

C’est de la manière de faire, et de la brutalité, dont il est question. «Ces trois inspecteurs ont décidé de mon avenir alors qu’ils ne m’ont même jamais vu dans ma classe, accuse-t-il, ils auraient pu au moins me parler, m’expliquer en face leur décision. Le lundi matin, lorsque j’ai appelé mon école, ils n’étaient même pas au courant, c’est moi qui leur ai annoncé mon licenciement. Puis j’ai été très vite remplacé, par un pote avec qui on avait passé le concours… »

 

Une déconstruction

Epaulé par des syndicats, Martin a tenté un appel auprès du Rectorat, demandant dans une lettre manuscrite que l’on veuille bien réévaluer ses compétences. Mais il a très vite abandonné, dégoûté et désabusé. La remontée a été lente. «J’ai dû aller au Rectorat remplir toute une série de papiers, les mêmes où je m’étais inscrit pour la  Sécu, la Mutuelle, la retraite, mais en sens inverse. C’était comme une dé-construction. Là-bas, on m’a conseillé de repasser le concours dans une autre Académie…».

Il trouve ensuite des petits boulots – animateur, remplaçant dans le privé… Sa situation s’est stabilisée à la dernière rentrée. Titulaire d’une licence de biologie et d’un master Métiers de l’enseignement, il a été engagé comme vacataire, toute l’année scolaire, dans un lycée : il enseigne en Bac pro «Prévention, Santé, Environnement». «J’aime bien travailler avec des ados, ils posent des questions, on discute, j’enseigne des choses concrètes, confie-t-il, je dois reconnaître que parfois je me sentais démuni  face à des tout petits, notamment quand j’ai été en petite section de maternelle».

Tout va bien. Ou presque. Le 4 juillet, son contrat de vacataire expire avec la sortie des classes. Lorsqu’il y pense, l’angoisse remonte : et après ? Et puis lorsqu’il passe devant une école, ça lui fait toujours un pincement au coeur. Il se voyait instit. Il était convaincu d’être fait pour ça. Mais on n’a pas voulu de lui. Et il n’a toujours pas bien compris pourquoi.

 

Véronique Soulé



12/05/2015
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 103 autres membres