Revue de presse : Article dans Le Figaro du 26/11/2015 : Enseignants et parents jugent l'enseignement des langues peu efficace
Seuls 17 % des enseignants et 43 % des parents d'élèves jugent «efficace» l'enseignement des langues étrangères en France, selon un sondage OpinionWay pour l'Association des parents de l'enseignement libre.
Les Français sont-ils vraiment nuls en langues ? «Je vous rassure, cela ne vous est pas exclusif», glisse Claude Lessard, professeur émérite à l'université de Montréal et président du Conseil supérieur de l'éducation du Québec. Et de citer Pauline Marois, premier ministre du Québec entre 2012 et 2014 qui, lors de sa première conférence de presse, avait révélé un anglais pitoyable… Ce 26 novembre, aux côtés d'autres témoins et experts, Claude Lessard est l'invité du débat organisé au Sénat par l'Association des parents de l'enseignement libre (Apel) autour de l'apprentissage des langues étrangères en France.
1200 heures nécessaires
«Globalement, dans tous les pays, le même constat s'impose: celui d'un écart important entre les attentes de la société et des parents et ce que propose l'école. On sous-estime ce que représente l'apprentissage des langues d'un point de vue pédagogique! Il y a toujours ce mythe selon lequel les enfants sont des éponges. Un mythe entretenu par les enfants de couples binationaux. Mais l'acquisition inconsciente d'un code linguistique, ce n'est pas la même chose que l'apprentissage scolaire d'une langue! Et surtout, ce n'est pas parce que l'on sait baragouiner dans deux langues à l'âge de 3 ans que l'on saura, plus tard, les parler et les écrire». Pour Claude Lessard, les lacunes linguistiques viennent avant tout du fait que l'on ne consacre pas à ces apprentissages les ressources nécessaires.
Les recherches nord-américaines montrent que pour qu'un élève soit «bilingue fonctionnel» (capable de soutenir une conversation dans une langue seconde), 1200 heures sont nécessaires. Sur la scolarité obligatoire, le Québec totalise 800 heures.
De son côté, la France y consacre 500 heures au collège. Pas question de prendre en compte l'école primaire. Car si les textes expliquent que les écoliers commencent à apprendre une langue vivante dès le CP, c'est loin d'être une réalité.
Mettre l'accent sur l'oral
Cet apprentissage commence réellement en 6e, à raison de 4h par semaine. Et il est loin de satisfaire les parents et les enseignants, si l'on en croit les résultats du sondage réalisé par OpinionWay pour l'Apel (*). Massivement, les parents estiment que la maîtrise d'une langue est un incontournable dans la société actuelle. Ils y voient un «atout pour la vie professionnelle», une «chance», un «plaisir». Mais ils ne sont que 43% à juger cet enseignement efficace. Une proportion qui tombe à 17% si l'on interroge les enseignants…
«Les professeurs sont extrêmement sévères, y compris envers eux-mêmes», observe Caroline Saliou, la présidente de l'Apel. Ce sondage confirme qu'il y a bien en France un problème avec les langues». L'association appelle de ses vœux un apprentissage de l'oral des langues dès la grande section de maternelle afin de «donner confiance».
«Mettre la capacité à communiquer oralement au cœur de l'enseignement des langues étrangères». C'est aussi ce que demandent les parents (90%) et les enseignants (93%) interrogés par OpinionWay. Ils suggèrent également d'organiser des séjours à l'étranger d'au moins 15 jours, d'orienter les évaluations sur la capacité à communiquer, et de dispenser certains cours en langues étrangères.
Fin des classes bilangues et des sections européennes
Les uns comme les autres considèrent par ailleurs que l'apprentissage des langues n'est pas une priorité éducative. Or, cette question nécessite précisément un engagement politique. Au Québec, il y a une dizaine d'années, c'est une décision politique qui a permis de valoriser un modèle d'enseignement intensif. «Au lieu de faire du saupoudrage, il s'agit de concentrer le programme sur le dernier cycle du primaire, entre 8 et 12 ans, lorsque les bases de la langue maternelle sont posées et que les élèves n'ont pas encore les réticences, les blocages ou les gênes de l'adolescent», explique le président du conseil supérieur de l'éducation du Québec.
«Aujourd'hui, on ne se donne pas les moyens», conclut la présidente de l'Apel. Si la réforme du collège, prévue pour la rentrée 2016, a instauré l'apprentissage d'une seconde langue dès la classe de 5e, elle a signé, en revanche, la fin des classes bilangues et des sections européennes. «Nous regrettons la suppression de ces dispositifs. En dépit de certains aspects positifs, cette réforme ne met pas suffisamment l'accent sur les langues, poursuit Caroline Saliou. Aujourd'hui, que l'on soit boulanger, ingénieur ou médecin, on sait qu'il faut parler anglais. Les parents ont pris conscience de ce besoin et des manquements de l'école. C'est la raison pour laquelle ils sont de plus en nombreux à envoyer leurs enfants faire des séjours à l'étranger».
*Sondage réalisé en octobre 2015 auprès de 597 parents d'élèves scolarisés de la maternelle au lycée et de 548 enseignants.
Caroline Beyer
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