Vincent Peillon va-t-il tenir le rythme ? Serait-il las de ce feuilleton qu'il a lui-même initié lors de son arrivée rue de Grenelle ? Alors que l'UMP est entrée dans l'arène en demandant officiellement le report de la réforme des rythmes scolaires, le ministre de l'Éducation a changé de registre. «Si les enfants sont fatigués, ce n'est sans doute pas dû à la réforme des rythmes scolaires, c'est qu'elle a été mal comprise ou qu'il y a trop de pression sur les enfants», a-t-il lâché vendredi, lors d'un déplacement à Toulouse. «Je dis à tous les parents et aux collectivités territoriales : ne tombez pas dans la frénésie des activités périscolaires. Nos enfants ont un temps qui est trop saccadé, trop brutal, trop intense», a-t-il répondu aux journalistes rapportant des propos de parents.
Entre une rentrée 2013 marquée par une application plus ou moins chaotique de la réforme dans 20 % des communes, Paris en tête, la préparation au basculement pour les 80 % restants et la perspective des élections municipales, le dossier reste brûlant.
Le 26 septembre, à l'issue d'une réunion du bureau politique de l'UMP, Jean-François Copé a demandé un report de la réforme, «intenable», selon lui, «sur le plan financier, sauf à augmenter les impôts». Ici et là, la fronde des élus de droite s'organise. Maire d'Élancourt dans les Yvelines, Jean-Michel Fourgous vient de lancer une pétition sur le sujet. À Levallois, dans les Hauts-de-Seine - département le plus riche de France où aucune des communes n'a mis en œuvre la réforme en 2013 -, Isabelle Balkany, première adjointe au maire, a fait savoir qu'elle allait demander une «dérogation». Inacceptable pour elle de se voir dicter une ligne de conduite et le retour de la semaine de quatre jours et demi alors que sa commune va déjà «beaucoup plus loin» que la réforme Peillon, avec 97 % des enfants pris en charge dans le cadre du temps périscolaire à des tarifs «parmi les plus bas du département».
Une grogne transcourant
À Compiègne, le maire UMP, Philippe Marini, explique que parmi ses dix-huit écoles, certaines souhaitent instaurer la demi-journée supplémentaire le mercredi, quand d'autres optent le samedi. Il en a fait la demande au recteur resté quelque peu perplexe et jusqu'alors muet… «Je n'ai nulle intention de faciliter la tâche à Vincent Peillon», lâche clairement l'élu.
Les maires élus ont-ils les moyens de se dérober au décret des rythmes scolaires ? «Nous aimerions ne pas l'appliquer», résume Camille Bedin, secrétaire générale adjointe à l'UMP et candidate à la mairie de Nanterre, qui veut croire à un report. Du côté du ministère, il n'est évidemment pas question. Mais on se souvient que, l'an dernier, François Hollande avait surpris en annonçant lors du Congrès des maires de France un étalement de la réforme sur deux ans,
«Pour le moment, nous n'en sommes pas encore au report demandé par M. Copé», réagit pour sa part Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF). Le député maire UMP de Lons-le-Saunier parle d'«une grogne transcourant, chez les maires de droite comme de gauche». En ligne de mire, l'éternelle problématique du financement de la réforme, estimée à 150 euros par élève et par an. Le président de l'AMF explique avoir adressé une lettre en ce sens au premier ministre le 1er août, sans réponse à ce jour.
Car les élus estiment que des questions restent en suspens. Le fonds d'amorçage de 250 millions d'euros, moins consommé que prévu en 2013 - étant donné la faible proportion de communes ayant mis en place la réforme -, sera-t-il de fait plus conséquent en 2014 ? Non, répondent d'une même voix la Rue de Grenelle et Matignon. «L'enveloppe n'a pas vocation à être consommée dans son intégralité», explique-t-on. Comme prévu, seules les communes en difficulté bénéficieront en 2014 d'une aide de 45 euros par élève (en plus du financement de la CAF de 53 euros). Ce fond sera-t-il pérennisé ? Silence radio sur le sujet. Mais les élus attendent bien «un geste» de François Hollande. Peut-être au prochain Congrès des maires de France.
Par Caroline Beyer