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Revue de presse : Article dans Le Messager du 23/08/2012 : Un "Malgré-nous" témoigne devant les écoliers

Alsacien d'origine, professeur d'histoire au Savoie-Léman, Gérard Capon travaille depuis vingt ans sur la Résistance. "De ce fait, je connais bien Elodie Mauger, la maîtresse de mon fils à l'école d'Anthy, qui travaille beaucoup sur la mémoire, raconte-t-il. Et un jour que mon père était venu nous voir, j'ai dit à Elodie qu'il avait fait partie des "Malgré-nous" pendant la guerre. Alors elle m'a demandé s'il ne voudrait pas venir témoigner devant les élèves".

 

Ces "Malgré-nous" (ou plus exactement "incorporés de force") sont des Alsaciens, Mosellans et Luxembourgeois enrôlés dans l'armée allemande, et envoyés combattre sur le front de l'Est. "Le décret d'incorporation date du 25 août 1942, il y a tout juste soixante-dix ans. S'ils désertaient, ils étaient considérés comme des traîtres, et leurs familles étaient déportées. Mon père a longtemps hésité, c'était un choix cornélien, mais il a cédé pour que sa famille n'ait pas à en souffrir".

 

Une situation d'autant plus cruelle que, une fois la guerre finie, la question de ces "Malgré-nous" est devenue taboue en France. "On les a considérés comme des traîtres, surtout après le massacre d'Oradour et le procès de Bordeaux, en 1953, où tous les "Malgré-nous ont été acquittés : cela a beaucoup choqué l'opinion".

 

Geoffroy Capon a aujourd'hui 87 ans. Ses souvenirs sont consignés dans un cahier, mais jamais encore il n'avait témoigné publiquement de son passé sous l'uniforme de la Wehrmacht. Le décider à parler devant les écoliers anthychois n'a pas été très facile. "Il se sentait un peu pris au piège. Mais comme son petit-fils faisait partie de la classe, il a finalement accepté".

 

C'est ainsi que, à la veille des vacances, M. Capon est allé parler aux élèves de CM2 d'Anthy. "Il n'était pas revenu dans une école depuis son enfance. C'était émouvant pour lui de revoir des tables, des écoliers... Mon fils, lui, avait un peu peur que ses camarades se moquent de lui, mon père ayant un fort accent alsacien".

 

Mais la rencontre s'est très bien passée. Pendant deux heures, Geoffroy Capon a raconté son arrivée sur le front d'Ukraine, ses blessures dues à des éclats d'obus, ses soins en Pologne puis son retour au combat en Moravie, à Ostrava, face à une Armée rouge qui venait de libérer Auschwitz, et donc particulièrement pugnace.

 

"Un jour, mon père a décidé de déserter à sa prochaine permission. Il avait le projet de se cacher dans une ferme en Alsace. Mais comme les Américains venaient de prendre Mulhouse, sa permission a été annulée, et il a été renvoyé sur le front". Cette fois, Geoffroy Capon était décidé à se rendre aux Russes. Se retrouvant isolé, il a jeté son fusil et s'est laissé capturé. "Mais allez expliquer à des soldats russes que vous êtes Français ! Un officier l'a abattu de trois balles, omettant de l'achever". C'est un paysan qui a finalement pris soin de lui, malgré son uniforme ennemi, et l'a envoyé à l'hôpital. Miraculé, Geoffroy Capon a finalement été libéré en juin 1945.

 

Les écoliers ont été impressionnés par cette histoire saisissante et ses traces encore visibles (une blessure à la main), tandis que Gérard Capon filmait ce qui constitue à ce jour une première en Haute-Savoie.

 

Yvan Strelzyk



23/08/2012
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