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Revue de presse : Article dans Le Monde du 02/04/2010 : De la difficulté de scolarisation des enfants autistes

A l'occasion de la Journée mondiale de l'autisme, le 2 avril, deux députés UMP ont déposé, jeudi 1er avril, une proposition de loi visant à faire de l'autisme une grande cause nationale en 2011, notamment pour permettre de "développer l'accompagnement des enfants autistes, et favoriser leur intégration et leur maintien en milieu scolaire ordinaire".

Selon Marcel Hérault, président de la fédération Sésame autisme et au vu des témoignages des parents d'enfants autistes recueillis par Le Monde.fr, la marge de progression est énorme. Et les perspectives de restriction budgétaire au sein de l'éducation nationale ne donnent pas matière à espérer.

Comme beaucoup de handicaps, l'autisme peut se présenter sous de multiples formes, et le problème de la scolarisation se pose surtout pour les enfants les plus gravement atteints, avec une déficience intellectuelle. L'éducation nationale a envers eux – comme envers tous les enfants – une obligation de scolarisation, qui passe en général par l'accueil de ces enfants en classe d'intégration scolaire (CLIS).

Mais, le plus souvent, explique Marcel Hérault, "les enfants sont scolarisés seulement une demi-journée ou une journée par semaine". Certains enfants bénéficient de service d'éducation spécialisée et de soins à domicile (Sessad) ou se rendent dans un institut médico-éducatif (IME), mais, leur nombre est insuffisant et la majorité du temps, les parents doivent s'occuper seuls de leurs enfants.

DES PARENTS ESSEULÉS

Dans un témoignage au Monde.fr, Christian, père célibataire d'un enfant autiste, raconte que "les principales difficultés rencontrées concernent sa garde une fois de retour de l'IME". "Les horaires sont difficilement conciliables avec mes propres horaires professionnels, ce qui génère un frein dans ma progression, mon épanouissement professionnel, d'autant plus que je m'occupe seul de mon fils", raconte-t-il.

A bout, certains parents vont jusqu'au procès contre l'éducation nationale pour défaut de scolarisation. "Ils les gagnent, raconte M. Hérault, et, en général, ils reçoivent une petite indemnisation, et l'Etat met alors à leur disposition des auxiliaires de vie scolaire, mais pendant quelques mois seulement." Restent les hôpitaux de jour pour les enfants les plus atteints, mais la qualité de leur prise en charge et de leur éducation varie d'un hôpital à l'autre.

Par ailleurs, selon les formes d'autisme, la scolarisation en classe ordinaire n'est pas toujours le meilleur pour l'enfant. Quand les enfants sont scolarisés dans des classes ordinaires (par faute de place dans les CLIS), outre le rejet des autres élèves, ils souffrent du manque de formation des professeurs. "Ces enfants peuvent avoir du mal à rester assis en classe, être hyperactifs, manquer de concentration ou ne pas comprendre ce qu'on leur demande. Au final, l'enfant se retrouve souvent seul, abandonné au fond de la classe", déplore Marcel Hérault.

DES PROFESSEURS PEU OU PAS FORMÉS

"Un enfant autiste diagnostiqué est pris pour un enfant 'bizarre', coléreux, capricieux, malpoli, idiot, naïf... puisque son cerveau a un fonctionnement légèrement différent, raconte Marianne, maman d'une fille autiste. Un enfant autiste-Asperger dit tout ce qu'il pense, n'a pas de sens social, prend chaque mot au premier degré, ne supporte pas qu'on le touche, ne supporte pas le bruit... Bref, l'école est un enfer, un stress permanent pour ces enfants."

Le fils de Véronique, âgé de 4 ans et demi, est aussi victime du manque de formation en milieu scolaire. Pourtant, explique-t-elle, "cette prise en charge est très importante pour ces enfants. Nous avons remarqué une évolution fulgurante d'Arthur depuis qu'il est scolarisé. Nous attendons de l'éducation nationale qu'elle forme le personnel scolaire, qu'elle rétablisse le nombre d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) dans les classes de maternelle pour qu'enfin nos enfants puissent manger à la cantine, et qu'elle augmente les sections de CLIS pour autistes".

La scolarisation en maternelle est déjà difficile, mais la suite l'est encore plus. "A chaque étape de la scolarisation, explique M. Hérault, le nombre d'enfants autistes scolarisés chute. A l'arrivée au collège, il y a un réel goulet d'étranglement. Les unités pédagogiques d'intégration (UPI) restent trop peu nombreuses."

"L'ÉDUCATION NATIONALE EST UNE FORTERESSE"

Abla, mère d'un garçon qui aura bientôt 16 ans, explique que son enfant a été scolarisé en CLIS puis en UPI. "Il va être déscolarisé, car aucune suite logique n'est prévue pour les autistes d'un niveau intermédiaire", s'inquiète-t-elle. "Soit on lui propose des formations pour être manutentionnaire, balayeur de feuilles mortes ou menuisier, soit il sort du système scolaire et vogue la galère !", raconte cette "maman fatiguée et très en colère". "Pour les jeunes autistes qui, comme mon fils, n'ont pas un niveau académique suffisant pour entrer dans une seconde générale ou technologique, mais qui n'ont aucun goût pour des emplois strictement manuels, l'éducation nationale ne prévoit rien et s'en lave les mains proprement", estime-t-elle.

"L'éducation nationale ne peut pas à la fois réduire son budget et prendre en charge les enfants autistes, poursuit M. Hérault. On ne peut pas attendre un meilleur accueil des enfants handicapés alors que des classes sont supprimées. L'accueil des enfants autistes demande un coût."

La solution est, selon lui, que l'éducation nationale reconnaisse qu'elle ne peut pas tout prendre en charge. "Il faut une convention entre les IME, les Sessad et l'éducation nationale pour mettre en place un système souple, avec une institution propre, détachée de l'éducation nationale", juge-t-il, avant d'ajouter que "l'éducation nationale est une forteresse qui s'imagine qu'elle peut régler les problèmes toute seule".

C'est justement ce que Jean, père d'une petite fille autiste, dénonce. Sa fille de 6 ans est suivie par un psychologue "cognitiviste". "Le bénéfice qu'elle en retire est évident, dit-il. Mais impossible pour le psy d'entrer à l'école, car il n'y a pas d'autorisation ou de convention signée avec le rectorat. Nous demandons simplement à l'éducation nationale de s'informer de ce qui se fait ailleurs (aux Etats-Unis ou au Canada, par exemple) et d'être plus à l'écoute des parents."

Alba, la "maman en colère", explique se battre "contre un mammouth transfuge de la préhistoire". "Et moi, ajoute-t-elle, mère d'un jeune autiste qui veut continuer à apprendre l'histoire de France, la forme narrative d'une phrase et comment résoudre des équations, dans une classe remplie de camarades. Moi, j'espère bien avoir sa peau à ce mammouth !"

Hélène Bekmezian



04/04/2010
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