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Revue de presse : Article dans Le Monde du 07/03/2011 : A l'école, les filles refusent la compétition

Dans un récent sondage, les femmes s'estiment moins souvent "sûres d'elles" que les hommes (53% contre 68%). On peut se demander si ce manque d'assurance ne prend pas racine, très tôt, dès l'école.

 

Certes, les filles y réussissent en moyenne plutôt bien et les élèves n'y ont, en théorie, pas de sexe. Mais les recherches montrent que les interactions entre maîtres et élèves, et entre élèves, sont insidieusement affectées par les stéréotypes du masculin et du féminin. Les filles sont, a priori, jugées sérieuses mais pas forcément brillantes, dociles mais pas forcément créatives... De plus, les enseignants encouragent chez les élèves les performances conformes à leur sexe : en mathématiques, par exemple, une discipline connotée masculine, ils stimulent moins les filles et à l'heure des choix, à niveau égal, elles font preuve dans cette matière d'une confiance dans leurs possibilités plus faible que les garçons. D'où des orientations marquées par une grande autocensure face aux filières prestigieuses.

 

La "peur du succès"

De plus, nombre d'études montrent que les jeunes eux-mêmes diffusent les normes en matière de comportement approprié à leur sexe.

Pour les filles, ces normes portent sur l'obsession de l'apparence et le comportement avec les garçons : avec ces derniers, il faut être pleine d'attention, ménager leur susceptibilité, ne pas entrer en compétition ouverte...

Une "peur du succès" freine les filles dans leurs investissements scolaires, dès lors que les stéréotypes - largement repris par la presse pour adolescentes - les convainquent que pour séduire, il faut abandonner ou masquer toute velléité de compétition ou d'affirmation personnelle.

L'école pourrait sans doute aider les élèves à dépasser ces stéréotypes, mais elle est doublement cernée. En amont, les études montrent que les familles, aidées par le marché des médias et des jouets, développent chez leurs fils et leurs filles des qualités différentes et leur offrent le plus souvent des modèles de partage des rôles très différenciés. En aval, le marché du travail est lui-même très "sexué", et la "conciliation" avec les charges familiales revient encore souvent aux femmes.

Si bien qu'elles sont finalement réalistes quand elles se montrent moins "sûres d'elles", moins certaines de pouvoir se réaliser comme un individu, tout simplement.

 

Marie Duru-Bellat, est l'auteure de "L'Ecole des filles. Quelle formation, pour quels rôles sociaux ?" L'Harmattan, 2004

 

Marie Duru-Bellat, sociologue à Sciences Po



08/03/2011
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