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Revue de presse : Article dans Le Monde du 08/07/2010 : Enfance, une éducation à partager !

Michel Bisson, maire de Lieusaint, vice-président du Syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) de Sénart

 

Service minimum d'accueil, devenir des Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), suppression de postes d'enseignants, lutte contre la déscolarisation, rythmes scolaires, etc. Les questions éducatives sont régulièrement sous le feu des projecteurs mais un sujet chasse l'autre, dans un morcellement qui ne permet pas une appréhension globale et cohérente du thème.

 

CINQ GRANDS CONSTATS

 

Fédération de parents d'élèves, Education nationale, universitaires, think tank, et même Cour des comptes : en l'espace de quelques mois, une somme d'expertises a été produite et permet d'affiner notre compréhension du sujet. Cinq grandes lignes directrices se dégagent.

L'école a perdu son monopole dans la distribution du savoir. Les connaissances évoluent rapidement et les sources d'information se sont multipliées et individualisées. Un élève peut ainsi recueillir davantage de renseignements via Internet que via ses enseignants.

L'éducation ne se limite pas à l'instruction. C'est aussi le développement d'une culture personnelle et collective, l'assimilation des usages de la société, le déploiement de ses aptitudes et de l'épanouissement de sa personnalité. Elle ne peut donc pas être l'affaire des seuls enseignants.

Chaque élève se définit par sa distance au champion. L'école devient un lieu où l'on est rarement bon. La compétition individuelle prédomine.

L'influence du milieu social et culturel est forte. L'école ne sait pas remédier aux inégalités, si bien qu'elles s'ajoutent d'année en année : vous naissez dans une famille pauvre, vous allez dans un établissement avec des enseignants moins expérimentés, vos parents sont moins ambitieux pour votre parcours, etc. Si des élèves possèdent la capacité de surmonter des difficultés, le défi devient insurmontable pour ceux qui doivent faire front à une accumulation pléthorique.

L'école n'est pas un îlot hors de la société. Impossible d'en faire un sanctuaire à l'abri du monde extérieur. Ainsi le problème de la violence scolaire renvoie aux violences urbaines, économiques, conjugales, télévisuelles, bref à celles d'un modèle de société qui exclut les plus faibles, encense la possession et délite les liens sociaux.

Echec de nos écoles, de nos enseignants, de l'éducation nationale ? Certainement pas, mais nécessité d'une adaptation de notre système d'éducation au monde d'aujourd'hui, assurément.

 

POUR UN RÉSEAU ÉDUCATIF

 

Que ce soit pour intégrer la surexposition des élèves à l'information, pour initier davantage de solidarité et de justice, ou tout simplement pour prendre en compte les interactions entre l'école et la société, l'éducation doit s'appuyer sur un véritable réseau éducatif.

Cela passe d'abord par un effort décisif d'articulation du tissu scolaire et des collectivités territoriales, et ce dans un tout national cohérent. Ensuite, par un désenclavement des questions proprement scolaires et une réflexion qui place l'éducation et la formation au cœur de notre vie collective. Il est nécessaire que toutes les parties prenantes partagent cette responsabilité morale et pédagogique.

Cette nouvelle politique éducative doit reposer sur une approche par territoire mêlant l'école, les initiatives éducatives, culturelles et sportives des collectivités, les actions du monde associatif, l'implication des familles. Avec trois idées essentielles : un projet global pour assurer une unité nationale, un pilotage territorial confié aux collectivités pour une responsabilité au plus proche du terrain, des expérimentations pour innover et valider les avancées avant de généraliser.

Une perspective consiste en la création d'un service public de l'enfance (0-12 ans) sous pilotage territorial.

 

QUELQUES PISTES

 

Les rythmes de l'enfant, les règles de savoir-vivre, le sentiment d'appartenir à une communauté, l'individualisation de la pédagogie sont autant d'enjeux à relever dans des projets éducatifs territoriaux conçus et animés par les réseaux éducatifs locaux.

La méthode consiste de partir des rythmes de l'enfant pour construire une journée, une semaine et une année équilibrées entre les enseignements des fondamentaux par l'Education nationale (programme national) et l'intervention des associations et des collectivités en matière de culture, sport, informatique, etc. La complémentarité et la "reliance des connaissances", pour reprendre un concept d'Edgar Morin, entre ces apports impliquent des objectifs partagés et évalués.

Une seconde clé est la capacité d'individualiser les approches. Nous vivons dans un monde où les parcours personnels sont de plus en plus accidentés : des nouvelles sécurités sont à imaginer. Cela commence dès l'enfance, en identifiant les inégalités et les sources d'échecs pour les prendre en compte et permettre à chacun de développer le maximum de ses capacités (par exemple en orientant et accompagnant l'enfant vers l'apprentissage de la musique ou en mettant en place des actions de soutien scolaire avec engagement de résultats).

La mise en œuvre nécessite une nouvelle organisation. Si la pédagogie est l'affaire des professionnels (des enseignants), le pilotage territorial doit être garant des résultats obtenus. Il ne faut pas hésiter à bousculer les fonctionnements actuels, par exemple en augmentant l'autonomie des établissements scolaires, en instaurant des véritables directeurs dans le primaire, et en plaçant leur recrutement sous la double responsabilité de l'Education nationale et des collectivités concernées.

Ce changement est à conduire de manière systémique en s'appuyant sur l'interconnexion des acteurs éducatifs, des parents et en cohérence avec le reste de la société.

Une interrogation pour terminer : le mode de gouvernance proposé peut, à l'évidence, générer des disparités entre les territoires ; le traitement de la question de l'inégalité financière des collectivités est donc incontournable. En la posant autour de l'éducation des plus jeunes, n'est-ce pas la meilleure manière de l'aborder ?

 

Michel Bisson, maire de Lieusaint, vice-président du Syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) de Sénart


17/07/2010
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