Revue de presse : Article dans Le Monde du 22/11/2011 : Point de vue - Il faut mettre un terme à la désinformation sur les vaccins !
Les vaccins représentent, sans conteste, l'une des plus grandes avancées de la médecine préventive. La vaccination est peu coûteuse et d'une efficacité remarquable. Pourtant, de nombreuses voix se sont élevées pour mettre en relief les effets secondaires présumés de certains vaccins au point de remettre en question leur utilisation au nom du principe de précaution. Les conséquences sont graves car beaucoup de nos concitoyens ont renoncé aux vaccinations les plus courantes, sans réaliser le risque auquel ils s'exposent de contracter des maladies éventuellement sévères.
L'Académie nationale de médecine et l'Académie des sciences jugent nécessaire, au moment où se met en place la campagne de vaccination annuelle contre la grippe, de rappeler leurs positions antérieures et de faire le point sur le sujet.
Il existe des preuves épidémiologiques scientifiquement indiscutables de l'efficacité des vaccins. La disparition de la variole, de la diphtérie et de la poliomyélite, trois maladies d'une extrême gravité en témoignent. A l'inverse, l'arrêt de la vaccination contre la coqueluche en Grande-Bretagne, faisant suite à des rumeurs d'effets secondaires, a immédiatement provoqué deux fortes épidémies de plusieurs dizaines de milliers de cas en 1978 et 1980. Des informations inexactes ou mal communiquées peuvent avoir de graves conséquences. Trois exemples l'illustrent :
- La grippe saisonnière : elle est une cause importante de mortalité chaque hiver (plusieurs milliers de cas) chez les personnes âgées de plus de 65 ans et chez les personnes affaiblies par d'autres maladies, surtout lorsqu'elles n'ont pas été vaccinées. On a trop insisté dans les médias sur la relative bénignité de la pandémie de 2009 et l'on a omis de rappeler les cas mortels pourtant parfaitement analysés et identifiés. Les recommandations de vaccination pour 2011-2012 sont justifiées par la gravité de la grippe, particulièrement chez les personnes à risque y compris les nourrissons, et la démobilisation, actuellement observée, expose au risque d'une remontée des hospitalisations et de la mortalité.
- La rougeole : une spectaculaire épidémie sévit depuis 2008 en Europe et en particulier en France, où la troisième vague épidémique a déjà atteint en 2011 plus de 14 600 personnes. On a déjà constaté plus de 10 décès par rougeole dont 6 en 2011. Or, c'est une des maladies infectieuses les plus contagieuses. Pour l'éliminer, il est important que 95 % de la population soit vaccinée.
- Les cancers du col de l'utérus : le vaccin contre le papillomavirus prévient la majorité des cas de ces cancers. Aucun lien de causalité n'est retrouvé entre la vaccination et les complications qui lui ont été imputées. Le faible nombre de maladies auto-immunes rapportées chez les jeunes filles vaccinées n'est pas différent de celui attendu dans cette classe d'âge. On ne peut ainsi que déplorer les alarmes médiatiques récentes sur les risques de ces vaccins.
Pour être efficace, un vaccin doit induire une réponse immunitaire protectrice contre l'agent infectieux dont il contient des éléments. Cette induction nécessite, dans la plupart des cas, l'introduction conjointe dans le vaccin de substances appelées "adjuvants" ; elles interviennent en stimulant les récepteurs TOLL dont la découverte vient de valoir à Jules Hoffmann, le prix Nobel de médecine. Les enfants, à qui on avait réservé le vaccin sans adjuvant, lors de la récente campagne de vaccination contre le virus grippal H1N1, avaient paradoxalement plus besoin de l'adjuvant que les adultes car ils n'avaient généralement pas été exposés à un virus proche du virus à l'origine de l'épidémie.
La question s'est posée de savoir si les adjuvants pouvaient avoir des effets secondaires indésirables. Ils peuvent, certes, provoquer une douleur au point d'injection et de la fièvre, toutes deux éphémères et sans gravité, liées à l'inflammation locale qui fait partie intégrante de leur mode d'action. Le risque d'induction d'une maladie auto-immune par les adjuvants comme la sclérose en plaques ou le syndrome de Guillain-Barré, n'a jamais été prouvé. En fait, le problème des vaccins n'est pas celui de leurs effets secondaires mais plutôt leur inexistence pour un grand nombre de maladies comme le SIDA ou le paludisme, ce qui doit inciter à de grands investissements de recherche tant dans le secteur public que dans l'industrie pharmaceutique.
Contre la résurgence de maladies infectieuses sévères, tout milite pour la poursuite et même le développement des campagnes de vaccination. Démotiver la population serait une lourde responsabilité. Le principe de précaution, comme l'indique son énoncé même, ne doit pas faire courir de risque supérieur à celui que l'on cherche à éviter. Accepter la vaccination confère un bénéfice personnel et contribue à un effort de solidarité en prévenant le risque d'épidémies.
Par Jean-François Bach, immunologiste, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, et Pierre Bégué, pédiatre.
Jean-François Bach et Pierre Bégué sont aussi membres de l'Académie nationale de médecine.
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