Revue de presse : Article dans Le Monde du 27/09/2011 : Laissez-nous former les enseignants !
En 1991, les Ecoles normales d'instituteurs deviennent des IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres). En 2010, ceux-ci disparaissent et sont rattachés aux universités, en même temps qu'est créé un master "métiers de l'enseignement" (intitulé variable suivant les universités) qui porte le concours de PE (professeur des écoles, anciens instituteurs) et PCL (professeurs certifiés de collège et lycée) à bac+5.
Jusque-là, la formation didactique et pédagogique était assurée par des formateurs, anciens instituteurs et professeurs du secondaire, personnel très impliqué dans la transmission de savoirs théoriques et détenteurs, de par leur expérience, d'un contenu pédagogique fort. Les stages des étudiants en établissement scolaire étaient suivis par ces formateurs. Les échanges entre les étudiants et les formateurs étaient très intenses, chacun étant conscient de la valeur de cette transmission de savoirs.
Depuis 2010, avec la création du master "métiers de l'enseignement" le rôle de ces formateurs a changé. Les IUFM étant maintenant attachés à l'université, le suivi des stages leur a été retiré.
Nous, formateurs, sommes tenus d'assurer un service annuel de 384 heures effectives de cours (hors préparations, corrections, suivis de mémoires, réunions de coordination...). Depuis la création du master, nous nous retrouvons en sous-service, les cours étant de plus en plus assurés par des enseignants-chercheurs.
Charge à nous de faire valoir nos compétences pour trouver des compléments d'heure en formation (continue, formations diverses).
Chaque jour, nous vivons le malaise de nos étudiants qui ne savent pas trop où les mènera ce master, s'ils ne réussissent pas le concours de professeur qu'ils passent tous à l'issue du master.
Jusqu'en 2010, les lauréats du concours avaient droit à une année de formation didactique et pédagogique à l'IUFM, associée à une prise en charge partielle de cours en établissement scolaire (6 heures par semaine devant les élèves pour les PCL) encadrée par un maître de stage pour la partie pratique.
Cette année de formation pratique a été supprimée à la rentrée 2010. Armés d'un bagage théorique élevé (master, voire thèse), ils se retrouvent, dès l'obtention du concours, propulsés à temps plein dans une classe sans d'autre connaissance pédagogique et didactique que le souvenir qu'ils ont de l'école en tant qu'élèves.
Nous sommes tous des anciens élèves. Mais le métier d'enseignant ne s'improvise pas. Il s'apprend, comme on apprend à être ingénieur, plombier ou avocat. La pédagogie et la didactique sont des sciences qui s'acquièrent.
Certes, nous avons tous souvenir de professeurs incroyables, à la pédagogie innée, qui réussissaient à nous faire aimer les matières les plus rébarbatives. Combien sont-ils ces professeurs ? Est-ce à dire que les autres sont mauvais ?
Nous ne sommes pas tous et toutes des supermen ou women. Faire la classe devant trente élèves demande de l'énergie. Etre professeur s'apparente au métier d'acteur. A la différence que le public n'est pas acquis au départ. Un public qu'il faut captiver, motiver pour que les apprentissages soient assimilés et réinvestis. Il faut toujours être en forme, laisser ses problèmes personnels au vestiaire, se concentrer (comme dans une loge avant d'entrer sur scène).
Il existe des techniques pédagogiques pour cela, pour avoir un regard distancié sur les choses, gérer son sang-froid, un imprévu, une situation difficile. Il est important, par exemple, d'être conscient que le corps et la voix de l'enseignant sont des outils de travail qu'il est important de maîtriser, par des techniques d'acteur par exemple. Ces techniques s'apprennent, on ne "joue" pas au professeur. A moins de s'appler Coluche (Le Maitre d'école) ou Gérard Depardieu (Le plus beau métier du monde).
Les apports en didactique, réduits à la préparation du concours, sont essentiels. Ils permettent un enseignement plus efficace et aident les jeunes collègues à dépasser la reproduction de ce qu'ils ont eux-mêmes connus en tant qu'élèves.
Rendez-nous nos stagiaires, utilisez nos heures non effectuées pour compléter notre déficit de service. Laissez-nous partager notre expérience avec les jeunes enseignants. Laissez-nous leur donner des éléments concrets pour enseigner efficacement. Utilisez nos heures dues à l'Etat pour remotiver les enseignants expérimentés, qui, de plus en plus, cherchent à se reconvertir.
Aidez-nous à accompagner ces enseignants, novices ou expérimentés, dans le plus beau métier du monde. Il y va de l'avenir de nos enfants, de l'école de demain, de l'équilibre de notre société.
par Sophie Gindt, Jean-Michel Colombet, Chantal Magne-Ville, formateurs en lettres à l'IUFM de St-Etienne
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