Revue de presse : Article dans Le Point du 02/09/2014 : Rentrée des classes 2014 : ils ont tous le blues !
Les élèves affichaient des mines réjouies ce mardi, devant les écoles. Mais pour les profs, les parents et les collectivités, la réalité est plus difficile.
Au petit déjeuner déjà, toutes les radios tournaient en boucle pour nous rappeler - au cas où cela nous aurait échappé - que ce mardi, c'est la rentrée scolaire. Aussi étonnant que cela puisse paraître, même si cela fait plusieurs jours ou semaines que les adultes ont repris le boulot, c'est bien ce matin qu'ils s'aperçoivent que les feuilles des arbres ont roussi, que des bogues de marron jonchent le sol des rues et qu'il fait un peu frisquet avant 9 heures. Ce mardi, cela saute aux yeux : les vacances sont terminées, et le signe le plus criant est la foultitude de messages qui ont remplacé dès lundi soir les photos du petit dernier en maillot sur les pages Facebook et les comptes Twitter des parents. Leur leitmotiv : la rentrée, c'est le retour au calme ("ça y est, on va enfin pouvoir se reposer", ou encore "j'avais éclusé toutes les idées pour occuper mes mioches pendant l'été").
Leur soulagement semble pourtant avoir été de courte durée. Dès mardi matin, devant les écoles, les élèves affichent des mines tantôt craintives, tantôt réjouies de retrouver leurs amis. Les "waouh, il est trop beau, ton cartable !" et les "on a Mme Ogresse, tu crois qu'elle est sympa ?" sont légion. Mais leurs parents, eux, sont plutôt stressés, même s'ils font tout pour feindre la détente : ce sont sans aucun doute ceux qui, dans la famille, auraient volontiers échappé au retour de la routine qu'ils avaient eu plaisir à délaisser.
À l'intérieur de l'école, le constat n'est pas plus reluisant. Certes, aujourd'hui, les profs sont impatients de découvrir leurs nouveaux élèves et concentrent toute leur énergie pour offrir un accueil rassurant et joyeux. Mais hier, à l'occasion de leur "prérentrée", ils ont eu l'occasion de discuter de l'Institution. Autour de la cafetière et avant d'entrer dans l'arène, les profs étaient résignés.
Sophie, enseignante en maternelle, est désabusée : "Franchement, Hamon, on n'a pas eu le temps de voir ce qu'il donnait ; il n'a même pas eu le temps de faire une rentrée. J'en suis restée à mes regrets sur son prédécesseur au ministère de l'Education : Peillon, j'y croyais vachement. Hollande aussi, remarque : il nous avait rebattu les oreilles avec sa priorité à l'Éducation et sa promesse de campagne qui a fait long feu : un seul ministre pendant le mandat permettra de conduire de vraies réformes. Résultat : en six mois, on a éclusé trois ministres. Alors Najat Vallaud-Belkacem, je n'ai rien contre elle... mais je n'ai rien pour non plus." Annie, une collègue qui enseigne depuis plus de vingt ans dans le primaire, intervient : "C'est sûr que sa seule expérience en matière d'Éducation a l'air de se borner à celle qu'elle a connu en tant qu'élève, et celle qu'elle découvre en tant que maman (Najat Vallaud-Belkacem a deux enfants nés en 2008, NDLR). Pourvu qu'elle se plonge un peu plus dans ses dossiers que Hamon, qui a réussi dès le début de son ministère à commettre des bourdes plus grosses que lui : changer la date de la rentrée des profs sans réaliser tout de suite qu'il faudrait aussi changer celle des élèves, il fallait le faire !"
Mathilde renchérit : "Le plus fort, c'est son décret, permettant soi-disant d'assouplir l'application de la réforme des rythmes scolaires. Il l'a tout simplement rendue définitivement contre-productive. Rendez-vous compte : dans certaines villes, comme Lyon par exemple, les élèves auront désormais cours le mercredi matin, mais cela n'aura pas pour but d'alléger leur semaine et de mieux répartir leur effort ! Non, car l'ensemble des heures dégagées a été placé de manière à libérer le vendredi après-midi ! En somme : un week-end prolongé, là où tous s'accordaient à dire que de trop longues coupures étaient néfastes au rythme des enfants. Les lobbies des parents et des collectivités ont encore gagné..." Et de conclure, dépitée : "Il serait tout de même temps qu'ils passent aux choses sérieuses, au ministère."
Éviter la catastrophe
Les collectivités ne sont pas heureuses pour autant. À voir fleurir sur le site du Bon Coin les annonces laissées afin de pourvoir les postes d'animateurs de "TAP", ces "temps d'activités périscolaires", les élus n'ont l'air ni satisfaits ni vraiment au point sur ce qu'ils doivent préparer. "Au moins, à Paris, on a rodé le dispositif l'année dernière", soupire un directeur d'école élémentaire parisienne. "On s'y est résigné : in fine, je reconnais que cela ne fonctionne pas si mal avec nos élèves. Mais des collègues de la maternelle vivent un cauchemar, avec des petits qui mettent la moitié de l'année à comprendre leur emploi du temps, l'autre moitié à observer le défilé d'animateurs référents à leurs côtés."
Les petits sont perdus... Mais les parents aussi. Ce mardi matin, ils sont perplexes, et même déconfits, devant les panneaux qui rappellent que l'école se termine à 15 heures cet après-midi. Alors comme à l'école, on tente de copier sur le voisin pour éviter la catastrophe : "Et toi, tu laisses tes enfants aux TAP ? Tu crois que cela fait beaucoup, si après je les laisse à l'étude jusqu'à 18 heures ? Cela fera tout de même trois heures qu'ils auront quitté leur maîtresse..." C'est indéniable : ils ont tout oublié du calvaire qu'ils ont vécu l'année dernière. La force de l'habitude de décennies passées à terminer à 16 h 30, sans doute. Pourtant, on ne pourra pas accuser le ministère d'avoir tout fait pour que l'Éducation nationale ne sombre pas dans la routine.
Par Louise CUNEO
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