Revue de presse : Article dans Le Point du 24/01/2012 : Harcelé à l'école, Théo a vécu deux ans de cauchemar
Scarification, agressivité, phobie de l'école et dépression : la mère de Théo raconte comment son fils a perdu pied pendant plus de deux ans, rejeté par ses camarades, victime de ce harcèlement scolaire qui touche un élève sur dix.
"Peu avant la fin de sa cinquième, j'ai réalisé que Théo avait une cicatrice au poignet", raconte Suzanne, une enseignante mère de trois enfants. "Je suis allée lui parler. Il n'a pas ouvert la bouche pendant trois quarts d'heure, puis il s'est mis à pleurer. Il m'a expliqué qu'il était rejeté par son meilleur copain, qui lui disait +Ta gueule, t'existes pas+".
Devenu une sorte de leader à l'entrée au collège, ce "meilleur ami" avait entraîné toute la classe dans son sillage, cas typique de ce harcèlement contre lequel le gouvernement a lancé mardi une campagne.
"On a sans doute découvert tout ça au moment où c'était le plus dramatique pour Théo", poursuit sa mère, qui réalise quelques jours plus tard que le jeune garçon, alors âgé de 12 ans, s'est entièrement scarifié le bras.
A son entrée en quatrième, Théo change totalement d'attitude. "Il s'est mis à porter des chaînes, des bracelets à clou et des jeans déchirés. Il sortait beaucoup. On voyait qu'il n'allait pas bien, mais on s'est dit que c'était une crise d'adolescence", explique Suzanne.
Jusqu'alors brillant élève, il perd son avance sur ses camarades et commence à dégager "beaucoup d'agressivité."
"Pâle comme un linge"
Mais ce nouvel état d'esprit prend brusquement fin en troisième. "Au moment du brevet blanc, il n'est pas arrivé à faire les épreuves : il ne pouvait plus rentrer dans le collège", poursuit sa mère. "Mon mari l'a accompagné devant l'entrée, il avait envie de vomir, il était pâle comme un linge".
Devenu subitement agoraphobe et claustrophobe, il ne peut plus aller en cours qu'épisodiquement. "On a demandé à ce qu'il puisse sortir de la salle en cas de crise, car il avait peur de vomir devant les gens. L'enseignement dans une pièce avec d'autres était devenu impossible", développe sa mère, qui met alors en place "un suivi psychologique".
A l'entrée en seconde, impossible pour Théo de rentrer dans sa salle de classe.
"Fin 2010, le médecin m'a dit que mon fils n'allait pas bien du tout et qu'il fallait lui donner des antidépresseurs. Le jour même, sa psy m'a dit exactement la même chose", raconte Suzanne.
L'état de Théo s'améliore un peu.
"Un jour, il est rentré de chez la psy en me disant : +On sait ce que c'est+. Selon sa psy, après avoir été rejeté en cinquième, il a changé de look pour se faire de nouveaux amis. Il a ensuite réalisé que ce n'était pas lui, mais il avait peur d'être encore rejeté s'il changeait à nouveau. La seule solution, c'était de ne plus retourner à l'école", détaille Suzanne.
Cet hiver, cette prise de conscience a permis à l'adolescent, aujourd'hui âgé de 16 ans, de reprendre le bus, le train et l'ascenseur, ce qui ne lui était plus arrivé depuis plusieurs mois.
"Pendant cette période, les gens l'ont épaulé : les professeurs, la psychologue, l'infirmière scolaire, le directeur de l'établissement", estime Suzanne. "Mais en tant qu'enseignante, je vois que beaucoup d'élèves souffrent. Et il y en a d'autres qui sont vraiment méchants. Théo, ça lui a bousillé deux ans de sa vie."
AFP
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