Revue de presse : Article dans Le Point du 24/03/2011 : Crise et chômage influent peu sur la fécondité
Avec 828 000 naissances en 2010, la France affiche un taux de fécondité de deux enfants par femme. Malgré un climat économique morose.
La crise économique peut parfois inciter les couples à reporter leur décision d'avoir un bébé, mais elle n'a au final presque pas d'influence sur le nombre total d'enfants, surtout en France, qui bénéficie d'une politique familiale et sociale plutôt favorable. Avec 828 000 naissances en 2010, la France affiche un taux de fécondité de deux enfants par femme, au plus haut depuis la fin du baby-boom et l'un des plus hauts en Europe, avec l'Irlande, selon les derniers chiffres de l'Insee.
Pourtant, note le démographe Gilles Pison, "cette hausse a surpris, car on attendait plutôt il y a un an, sur la base des analyses passées, une baisse de fécondité en 2010". "L'augmentation du chômage allait, pensait-on, faire reculer la fécondité, en raison des incertitudes sur l'avenir". Ainsi, aux États-Unis, l'indicateur de fécondité est passé de 2,12 enfants par femme en 2007 au début de la crise à 2,08 en 2008 et 2,01 en 2009. Et "il pourrait encore baisser en 2010".
Générosité des aides financières
Et pourtant, "il n'en est rien dans le cas de la France", relève M. Pison dans une étude publiée jeudi par l'Institut national des études démographiques (Ined). Certaines récessions - dans les années 30, mais aussi celles de 1975 ou de 1993 en France - avaient pourtant entraîné une légère baisse des naissances. Mais pas toutes les récessions et pas dans tous les pays, preuve que les relations entre économie et fécondité sont complexes. En effet, note le démographe, "les facteurs influençant la fécondité sont nombreux, peuvent interagir" et "jouer dans des sens opposés pour différents sous-groupes de la population, ce qui rend la prévision difficile".
Par exemple, certains couples confrontés au chômage peuvent reporter une naissance dans l'attente de jours meilleurs ou au contraire profiter d'une période sans travail pour pouponner. Le démographe observe néanmoins certaines constantes, qui montrent qu'au final les effets des indicateurs économiques (PIB, moral des ménages, chômage...) sur la fécondité "restent modestes." Les effets sont en outre particulièrement faibles dans les pays "ayant développé de longue date une politique familiale et un système de sécurité sociale assurant une certaine protection en matière d'emploi, de santé et de logement", comme la France.
Politique familiale stable
L'Hexagone se caractérise par "la générosité de ses aides financières et surtout fiscales" pour les parents, abondent l'économiste Olivier Thévenon et la sociologue Anne Gauthier dans une étude publiée en 2010 par la Caisse nationale des allocations familiales. Ces aides "semblent avoir un impact avéré" sur la fécondité, observent-ils, même si, là encore, l'effet est "limité". Mais leur rôle est aussi indirect. En France, la politique familiale est stable, ancienne et pratiquement jamais remise en cause : ce contexte de "confiance" est "certainement l'une des raisons de la relative stabilité des niveaux de fécondité".
Pour autant, pour Gilles Pison, les effets de la crise ne sont pas totalement nuls en France : "on peut penser que la fécondité a subi un certain ralentissement" à cause de la conjoncture. "Sans la crise, les naissances auraient sans doute pu être encore plus nombreuses en 2010", estime-t-il. Mais aucune raison de s'inquiéter. C'est une constante quand on observe les relations entre économie et fécondité : la crise "ne réduit pas les naissances, elle les retarde", souligne le démographe. Autrement dit, les enfants naîtront un peu plus tard. Au final, le nombre total d'enfants sera le même, malgré les aléas de la conjoncture.
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