Revue de presse : Article dans Le Point du 30/12/2014 : Éducation nationale : 25 mesures urgentes qui ne seront pas prises en 2015
Jean-Paul Brighelli dresse la liste des vingt-cinq mesures urgentes que Najat Vallaud-Belkacem devrait prendre, et qu'elle ne prendra pas. Catalogue.
Le programme de Najat Vallaud-Belkacem pour l'année à venir est malheureusement connu : refonte des programmes dans le sens d'un allègement, redéfinition du "socle commun de compétences", recentrage des moyens sur les réseaux d'éducation prioritaire (Rep), initiation générale à l'informatique en parallèle à l'équipement dispendieux et inutile en gadgets électroniques indispensables, formation des enseignants dans les ESPE au mépris de toute logique disciplinaire, et aménagement d'une laïcité "ouverte" qui permettra à tous les extrémistes de venir faire leur marché dans l'École de la République.
On peut toutefois rêver : c'est bien tout ce qu'il nous reste. Les propositions qui suivent, seul un bon génie pourrait les souffler à un ministre qui, à bout d'incompétence, s'en remet à des conseillers ignorants des réalités du terrain, et à des syndicalistes pétris d'idéologie. Voici donc la liste de ce qui ne se passera pas, et qu'il serait pourtant urgent de mettre en place pour que la France scolaire se remette debout.
Primaire
1. La semaine ne repassera pas à quatre jours et demi de classe effectifs et peut-être même cinq dans les zones où les difficultés s'accumulent, tant il est vrai qu'il faut donner davantage à ceux qui ont le plus de mal.
2. On n'abolira pas, par voie de conséquence, la mesure stupide des "rythmes scolaires", alors qu'on a bien plus besoin d'apprendre à parler, lire (selon des méthodes approuvées, pas celles des apprentis sorciers), écrire et compter qu'à s'essayer au macramé.
3. On s'abstiendra donc de consacrer 50 % du temps scolaire, en primaire, à l'enseignement du français, en divisant le reste entre mathématiques, histoire et géographie.
4. On ne recrutera pas des étudiants motivés pour diriger les études, le soir, et donner des cours de soutien, particulièrement dans les quartiers populaires où les parents ne peuvent récupérer leurs enfants que fort tard parfois.
5. On s'obstinera d'ailleurs à former les futurs "professeurs des écoles" dans les ESPE après des parcours chaotiques et/ou pittoresques, au lieu de recréer les Écoles normales juste après le bac, et de former des étudiants, dès la première année de licence, à toutes les disciplines - en confiant cet enseignement à des agrégés du secondaire, au lieu de les confronter à des professeurs d'université qui ont leur propre champ de recherche, et qui répugnent à préparer aux concours de recrutement.
6. On ne supprimera pas tous les enseignements non indispensables et grands consommateurs de temps scolaire. Au contraire, on ajoutera une pseudo-initiation à l'informatique, et toujours une supposée préparation à l'anglais, alors même que les élèves ignorent leur propre langue.
Collège
7. La carte scolaire restera inchangée, ce qui évitera aux initiés et aux pistonnés le placement de leurs enfants dans des établissements difficiles où se concentreront tous ceux qui n'ont pas les moyens ni l'entregent de faire autrement. Alors que l'on pourrait redessiner une autre carte scolaire, en quartiers d'orange, où, quitte à obliger les enfants à prendre les transports en commun, ils iraient se mêler, dans des établissements de centre-ville, à leurs homologues culturellement plus favorisés. Ce qui permettrait, au passage, d'éliminer une fois pour toutes les Zep/Rep, désormais installés... en ville.
8. D'ailleurs, les collèges resteront distincts des lycées, alors que les meilleurs établissements vont de la sixième aux classes prépas, et s'en portent fort bien, chaque niveau supérieur tirant à lui le niveau d'en dessous.
9. On entérinera le "collège unique", que les établissements sont obligés de contourner en inventant des sections spéciales, des options de langues rares et autres inventions administratives. Alors que l'on pourrait inventer de vraies classes de niveau, avec des enseignements renforcés en fonction des besoins.
10. On ne révisera pas les programmes dans le sens d'une plus haute exigence. Au contraire, on les allégera.
11. Le "socle commun de compétences" devrait être défini par le haut, au lieu de l'être par des minima. Un programme sérieux doit proposer un idéal culturel dans tous les domaines, et non se réduire à des nécessités qui devraient aller de soi. Lire/écrire/compter sont des prérequis, pas des objectifs.
12. On ne multipliera pas les "internats d'excellence" où pourraient être mis dans une vraie ambiance d'études les enfants méritants des milieux défavorisés. Il serait pourtant souvent indispensable de couper le plus possible les jeunes des milieux familiaux lorsque ceux-ci les tirent vers le bas. Les familles seraient probablement d'accord - mais qui leur demande leur avis ?
13. On persistera à enseigner la tolérance et la "morale laïque" dans des cours spécifiques, quand l'une et l'autre ne devraient être que la résultante de savoirs généraux soigneusement dispensés.
Lycée
14. On ne revitalisera pas les lycées professionnels, qui resteront dans bien des cas les voies de garage de celles et ceux qui n'auront pas été admis en voie générale.
15. On ne mettra pas en place des classes de remédiation qui permettraient de récupérer en quelques mois les élèves en vraie difficulté.
16. On ne redressera pas la barre d'exigence en maths, de sorte que le fossé entre ce qui sera enseigné au lycée en section scientifique et ce qui est enseigné en prépa ou même en université s'élargira encore - un fossé que seuls les plus riches peuvent combler à grands coups de cours particuliers. Alors que les enseignants sont là, dans le cadre scolaire, pour amener chacun au plus haut de ses capacités, pourvu qu'on les mette dans des classes dont le nombre d'élèves sera inversement proportionnel aux difficultés qu'ils rencontrent. On peut enseigner efficacement à 15 élèves un peu perdus, pas à 25, encore moins à 35 - ce qui est de plus en plus la règle.
17. On ne revitalisera pas un bac devenu le symbole hors de prix de la faillite du système. Par exemple en en faisant un diplôme de fin d'études, ce qui laisserait les établissements d'enseignement supérieur libres (comme c'est déjà le cas à 45 %) de recruter leurs étudiants comme ils l'entendent.
18. Quitte à ne plus autoriser les redoublements, on n'aura pas l'idée d'inventer une année supplémentaire dans le second cycle qui permettrait d'étaler et de transmettre des programmes exigeants sur quatre ans au lieu de les saboter trois ans durant.
Supérieur
19. On n'inventera pas les dispositifs de remédiation immédiatement indispensables - CPES, propédeutiques diverses - qui seraient une vraie "année zéro" de remise à niveau, en particulier pour les étudiants déboulant de lycées professionnels (mais combien d'autres en auraient besoin !). On continuera à préférer l'entretien d'étudiants démotivés jusqu'à ce qu'ils s'écrasent contre le mur de la licence.
20. On ne laissera pas les profs de prépa se consacrer corps et âme à leurs étudiants. On alourdira leur charge de travail, sous prétexte d'égalitarisme imposé, afin que justement la transmission se fasse de plus en plus mal - les élites, ne l'oublions pas, c'est le mal.
21. On persistera, dès le niveau L1, à initier les étudiants à la recherche, alors que moins de 2 % en ont la vocation, au lieu de confier la totalité du cursus licence à des Prag (professeurs agrégés du secondaire détachés dans le supérieur) qui organiseraient une transition en douceur entre le lycée et l'université - sur un modèle pluridisciplinaire, au lieu d'orienter en force les étudiants des bac + 1 vers des cursus dont ils n'ont ni idée bien précise ni envie réelle. Les étudiants qui se destinent à l'enseignement devraient être pris en main dès la première année - voir la proposition ci-dessus de recréation des Écoles normales.
22. L'initiation réelle à la recherche devrait être lancée à partir du niveau M1, voire M2. Avant, cela ne sert qu'à des universitaires spécialisés de faire cours sur leur sujet de thèse, et rien d'autre, à des étudiants qui ne leur ont rien fait. C'est de généralistes que l'on a besoin en licence - pas de spécialistes. Ou alors, à doses homéopathiques.
23. On n'interdira pas les signes religieux ostentatoires à l'université, ce qui permettrait d'instiller une vraie laïcité, et d'éviter la contestation des enseignements les plus simples, mais qui contrarient les croyances de tel ou telle.
24. Le système des bourses ne sera pas révisé de fond en comble, de façon à privilégier les étudiants les plus méritants. Au contraire, les bourses au mérite, qui actuellement ne sont plus payées par le ministère, contre toute légalité, seront définitivement supprimées. Alors que l'on pourrait les affecter par exemple sur concours, au lieu de saupoudrer de subventions symboliques des étudiants qui parfois ne s'inscrivent que pour les toucher - et bénéficier de la Sécurité sociale étudiante.
25. La formation des enseignants du secondaire, collège et lycée, ne se fera pas plus qu'aujourd'hui sur la base d'une vraie maîtrise disciplinaire. On continuera, au contraire, à les accabler de principes pédagogiques assénés par des formateurs qui pour rien au monde n'iraient enseigner dans les niveaux pour lesquels ils distribuent leurs précieux conseils.
Voilà donc mes voeux pour l'année à venir, voilà tout ce qui ne se fera pas. J'invite les lecteurs à compléter cette liste de propositions, à les commenter, à les réfuter, afin que s'élaborent les vrais programmes qu'un vrai parti républicain - pas un rassemblement opportuniste prêchant des convictions à géométrie variable -, avec un point de vue éclairé sur les vraies réformes à appliquer d'urgence, pourrait proposer aux électeurs dans un avenir proche.
Par Jean-Paul BRIGHELLI
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