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Revue de presse : Article dans Les Echos du 03/12/2010 : Comment améliorer en peu de temps l'efficacité d'un système scolaire

Le cabinet McKinsey publie une étude sur les « pistes de progrès » pour les différents systèmes éducatifs. Elle montre notamment que des résultats significatifs peuvent être obtenus en l'espace de quelques années, à condition de lever certains blocages.

Difficile de parler de l'école et de ses performances sans susciter débats et polémiques. Car tout le monde a son avis sur la question. L'étude internationale que vient de publier le cabinet McKinseyn'échappera pas à la règle. D'autant que le sujet est plus que jamais au coeur des préoccupations, tant des pouvoirs publics que des responsables économiques, des enseignants, des parents… et des élèves eux-mêmes.

 

Comment améliorer l'efficacité du système éducatif ? Quelles réformes mettre en oeuvre ? Quels leviers utiliser ? Telles sont donc les questions que se sont posées les auteurs de cette étude.

Pour y répondre, ils ont adopté une démarche originale. Ils ont en effet agrégé différentes évaluations internationales telles que l'enquête Pisa (qui sera publiée le 7 décembre prochain) ou son équivalente américaine, l'étude Timss (Trends in International Mathematics and Science Study. Ce qui leur a permis de situer une vingtaine de systèmes éducatifs (nationaux ou de province, pour la tranche d'âge 6-15 ans, incluant enseignements primaire et secondaire) sur une échelle comportant 5 niveaux, de « faible » à « excellent » - mais aussi de voir comment avaient évolué ces systèmes sur plusieurs années. Le tout complété par quelque 200 entretiens avec des acteurs de tous horizons.

Progresser rapidement, c'est possible

On remarquera au passage qu'une grande part des pays européens (France, Allemagne, Suède, Pays-Bas, Danemark….) se retrouvent plus ou moins confrontés au même défi : passer d'un niveau d'ensemble « honorable » à celui de l'excellence.

 

Deux enseignements principaux ressortent de cette étude. D'abord, on observe des progressions significatives des résultats obtenus par certains systèmes éducatifs sur des durées relativement réduites - de l'ordre de quelques années. Un message d'espoir, donc : les difficultés ne sont pas insurmontables, et les progrès peuvent être rapides.

 

Mieux : ces pistes d'amélioration ne nécessitent pas forcément des moyens supplémentaires énormes. « Certains pays affichent des résultats supérieurs à ceux de la France, pour un coût équivalent, observe François Bouvard, associé senior en charge du secteur public chez McKinsey. Les moyens peuvent contribuer à l'efficacité d'un système éducatif, mais ils ne règlent pas tout. Il n'y a pas de corrélation évidente entre les moyens et les résultats obtenus. De même, les effectifs par classe ne sont pas un critère décisif. »

 

Second enseignement : les mêmes leviers peuvent donner des résultats très différents, selon le niveau où un pays se situe. « Plus un système éducatif progresse, plus il doit laisser de marges de manoeuvre et d'autonomie au niveau local, assure ainsi François Bouvard. A un certain niveau de performance, les mesures indifférenciées ne suffisent plus à faire progresser un système : il faut recourir à des mesures spécifiques. » Et de citer l'exemple de Singapour, pays très bien classé pour son niveau d'éducation, où les acteurs de terrain ont obtenu des marges d'autonomie supplémentaires au fur et à mesure des progrès accomplis.

Six mesures clés

Toutefois, à un premier stade, l'étude de McKinsey distingue un « tronc commun » de six points critiques, qui peuvent s'appliquer à toutes les situations :

- renforcer la qualité de la formation des enseignants. « Attirer et recruter des bac + 5, par exemple, serait un facteur clé de succès des systèmes éducatifs », relève François Bouvard.

- bien évaluer le niveau des élèves. « Pour piloter le système, il est indispensable de disposer d'une mesure objective des performances des élèves - même s'il est possible de rendre cette mesure anonyme », poursuit le consultant.

- mettre en place des indicateurs de performance de l'ensemble du système éducatif.

- renforcer la motivation des enseignants. Celle-ci peut passer par une politique de rémunération attractive, sans pour autant être déconnectée des rémunérations pratiquées dans le pays. « Etre enseignant ne doit pas devenir une profession de deuxième ordre », insiste François Bouvard. La « remotivation » des enseignants doit aussi passer par des perspectives claires d'évolution de carrière.

- développer les compétences des enseignants - en particulier par la formation continue - est également un point clé. Dans la même optique, l'accent doit être mis sur les capacités managériales des chefs d'établissement.

- enfin, « il faut assurer une certaine stabilité aux politiques éducatives », souligne François Bouvard. Mieux vaut donc éviter de multiplier les réformes, et opter pour des règles du jeu claires et stables.

Priorité à la pédagogie

On remarquera que la plupart de ces conditions sont loin d'être remplies dans le cas du système éducatif français. Que ce soit pour la qualité de la formation, pour l'évaluation des élèves, pour les indicateurs de performance, pour les outils de motivation des enseignants, ou la stabilité des politiques, l'Hexagone affiche un sérieux déficit…

 

Pour l'Europe et pour la France en particulier, McKinsey suggère deux priorités. D'abord, le renforcement des pratiques pédagogiques et des méthodes de travail dans la salle de classe. Seconde piste de progrès : favoriser la transmission des savoir-faire entre les enseignants. Les deux mesures devant être orchestrées par les chefs d'établissement.

 

McKinsey cite notamment l'exemple de l'Ontario, où deux mesures clés ont été adoptées : l'instauration de temps de préparation des cours en commun, et la possibilité pour les enseignants de venir assister au cours d'un(e) collègue - dans un esprit d'amélioration, et non de critique.

 

« Dans le monde contemporain, l'éducation devient un facteur clé de compétitivité pour un pays, rappelle François Bouvard. Les progrès réalisés dans ce domaine peuvent avoir un impact considérable. Mais agir sur dans ce domaine nécessite d'abord une prise de conscience collective. »

JEAN-CLAUDE LEWANDOWSKI


04/12/2010
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