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Revue de presse : Article dans Les Echos du 17/11/2011 : Chatel juge « possible » avec des réformes de réduire encore le nombre de postes dans l'Education

En pleine polémique sur l'évaluation des enseignants et une semaine après la convention UMP sur l'éducation, Luc Chatel, le ministre de l'Education nationale, s'explique dans « Les Echos » sur le cap envisagé pour 2012.

Pourquoi voulez-vous faire évaluer les enseignants du secondaire par le chef d'établissement ?

C'est un chantier que j'ai ouvert en 2009 dans le cadre du pacte de carrière. L'idée est que le système d'évaluation des enseignants soit plus performant, plus juste et qu'il permette de valoriser la qualité du travail et l'engagement de chaque enseignant et de le faire progresser dans sa carrière. Rien n'est décidé, nous sommes au stade de la concertation, aucun décret ne sera signé en catimini. Mais notre philosophie est que le chef d'établissement soit plus impliqué dans l'évaluation de son équipe pédagogique. N'oublions pas qu'il préside aussi le conseil pédagogique.

Vous venez de relancer les concertations sur les rythmes scolaires. Pourquoi ne pas aller plus vite alors que les termes du débat sont bien connus ?

C'est la méthode que j'avais annoncée en mettant en place la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Des propositions m'ont été faites. Je demande maintenant à chacun, organisations syndicales, parents d'élèves, de prendre position et de dire ce qu'il est prêt à faire maintenant. Moi, je n'ai pas changé d'avis.

La France est le pays qui a le plus grand nombre d'heures de cours des pays développés, répartis sur le plus petit nombre de journées de travail... Mais toutes ces heures en plus ne donnent pas la meilleure efficacité à notre système éducatif. Il faut revoir l'organisation des rythmes scolaires, c'est une priorité. Mais on ne peut décider seul car cela a des conséquences sur l'organisation de la société. Des décisions seront-elles prises avant l'élection présidentielle ? S'il y a un consensus, oui. Sinon, cela sera un très bon sujet de débat.

Que pensez-vous des 60.000 postes que veut recréer François Hollande dans l'éducation nationale ?

Cette proposition est triplement révélatrice. D'abord de l'irresponsabilité du Parti socialiste sur la question des finances publiques, au moment où le Portugal licencie les enseignants, l'Espagne baisse leur rémunération. Elle est ensuite révélatrice du décalage entre les besoins réels de l'école aujourd'hui et les propositions du PS.

Les problèmes de l'école ne sont pas des problèmes de moyens. La France investit 7% de son PIB dans l'éducation (selon l'Insee), c'est plus que la moyenne des pays de l'OCDE et de l'Union européenne. Le sujet, c'est la capacité d'affecter ces moyens là où il y en a le plus besoin, de personnaliser. C'est cela le défi majeur.

Elle est enfin révélatrice de la duplicité du PS. François Hollande ne dit pas la réalité aux enseignants. Ils savent que s'ils sont à l'avenir plus nombreux, ils seront moins bien payés. Or on a besoin de revaloriser les enseignants. C'est le choix que nous avons fait, en ne remplaçant pas la moitié des enseignants partant en retraite mais en augmentant de 10 % leur salaire en début de carrière.

Mais faut-il selon vous continuer de supprimer des postes ?

Ma conviction, c'est qu'il faudra continuer à baisser la part des dépenses publiques. Ce sera au candidat soutenu par l'UMP à la présidentielle de choisir la méthode. Je pense que si l'on fait des réformes d'organisation et de structures du système éducatif, oui, il sera possible de réduire encore le nombre de postes en ne remplaçant pas un certain nombre de départs en retraite.

De quelle façon, voulez-vous faire évoluer le statut de l'enseignant ?

Le décret qui régit le statut des enseignants date de 1950. En soixante ans, le métier a été révolutionné. La mission quasi unique de l'enseignant était alors d'instruire. On avait affaire à une élite, seuls 10 % d'une classe d'âge accédait au bac. Aujourd'hui, vous avez 100 % d'une génération au collège et 70 % au lycée. Les enjeux ont changé. Les missions aussi. Il faut s'interroger sur leur contenu et donc sur le statut. Sur le principe, les organisations syndicales ne sont pas opposées à une évolution. Le métier ne peut plus se résumer au seul temps de cours, 15 heures pour un agrégé et 18 heures pour un certifié. Il faut un temps global de présence réparti entre l'instruction, le soutien personnalisé, le travail pédagogique.

Faut-il généraliser, comme le veut l'UMP, l'expérimentation du recrutement par le chef d'établissement de son équipe ?

Nous avons déjà fait de grands pas vers l'autonomie. Avec la réforme du lycée puisque les proviseurs peuvent gérer selon les priorités de leur projet pédagogique entre 25 % et 30 % de leur dotation horaire globale. J'ai aussi demandé à l'administration centrale d'affecter aux académies leurs moyens sur la base de contrats de performance. Et puis, dans des établissements difficiles, avec l'expérimentation "Clair", devenue "Eclair", nous testons un recrutement par le chef d'établissement car c'est lui qui est capable d'apprécier ses besoins. Il sera difficile de généraliser cela du jour au lendemain. Mais c'est l'horizon. Il faut donner plus de marges de manoeuvre aux établissements.

Faut-il rendre publics les résultats des évaluations des élèves par établissement ?

A terme, c'est nécessaire. Les parents attendent de la transparence. Mais il faut pour cela mettre en place des outils totalement objectifs. J'ai été surpris par certaines critiques. Maintenant, je suis ouvert à toute discussion sur la méthodologie et je ne suis pas contre le recours à un organisme indépendant. Mais notre direction générale de l'enseignement scolaire n'est pas la moins bien placée pour contribuer à ces évaluations.

Etes-vous toujours favorable à la suppression totale de la carte scolaire ?

Ce sera sans doute le point final d'une réforme en profondeur du système éducatif. C'est la liberté de choix des parents. Cela ne peut se faire que le jour où l'on aura des indicateurs totalement transparents et objectifs. C'est le cap qu'il faudra poursuivre.

Vous avez recensé 223.000 "décrocheurs" entre juin et octobre 2011. N'est-ce pas un aveu d'échec ?

Un quart d'entre eux a déjà été pris en charge par les missions locales. J'ai transmis la liste des 160.000 restants aux préfets pour qu'ils prennent contact avec eux via les 400 plateformes de lutte contre le décrochage implantées sur l'ensemble du territoire national. Des expérimentations menées depuis deux ans dans près de treize régions (potentiellement 55.000 décrocheurs) et soutenues par le fonds d'expérimentation pour la jeunesse nous ont montré qu'une réponse rapide et adaptée dans un cadre coordonnée permettait un taux de remise dans un processus de formation, de réinsertion, de 60 %.

Ce nombre de décrocheurs veut bien dire que l'augmentation systématique des moyens depuis trente ans n'a pas permis d'obtenir les résultats attendus. Mais on lutte aussi contre le décrochage en amont, dans le cadre de la prévention grâce à la réforme de l'école primaire, au recentrage des programmes sur les fondamentaux, à l'aide personnalisée et aux évaluations.

Faut-il selon vous, revenir en profondeur sur la réforme de la formation des enseignants et aller plus loin que les masters en alternance ?

Non, car en confiant aux universités de former les enseignants au niveau bac+5, la France s'est mise au standard international. Et nous ne sommes qu'au début de la mise en oeuvre de cette importante réforme dite de la mastérisation portée par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et celui de l'Education nationale. La conduite d'un changement aussi important a nécessité une phase d'adaptation dans les universités d'une part, qui ont élaboré les cursus adaptés et de l'autre, dans les académies qui se sont vues confier l'accueil, l'accompagnement et la formation continuée des professeurs stagiaires.

Je note que la première année de mise en route s'est plutôt bien passée, malgré toutes les critiques que l'on a essuyées, et cette année, fort de l'expérience de l'année dernière, nous avons apporté quelques aménagements et surtout ouvert, à titre expérimental dans 15 académies, et pour plus de 1.000 étudiants, une voie de préparation aux concours de l'enseignement par alternance qui à la fois contribue à professionnaliser la formation et à encourager les étudiants de milieux modestes par la rémunération de leur période de stage (en moyenne 6h /semaine).

Je crois que nous sommes sur la bonne voie : un niveau de formation élevé correspondant aux enjeux de l'école, un métier qui commence à s'apprendre dès l'université, une première année d'exercice en vraie grandeur, mais accompagnée par des tuteurs confirmés et complétée par des temps de formation pédagogique. Un sondage : interrogés à la fin de leur première année d'exercice, les professeurs stagiaires de la première promotion dressent, à près de 70%,un bilan assez positif de leur 1ère année.

Nicolas Sarkozy vous a récemment demandé de réfléchir à la possibilité de rendre obligatoire l'alternance dans la préparation au bac professionnel. Où en êtes-vous ?

Nous développons les dispositifs d'alternance. Ils existent déjà dans nos lycées professionnels, pour 38.000 élèves sur 700.000. Et il y a 22 semaines de stage par an dans la voie professionnelle. Nous regardons si nous pouvons aller plus loin en la matière car plus on multiplie les passerelles entre l'entreprise, le monde de l'éducation et en particulier le bac professionnel, plus les résultats d'insertion s'améliorent. C'est pour cela que nous avons mis en place cette année la troisième "prépa-pro" pour des élèves qui ont en troisième un parcours différencié qui les prépare à l'enseignement professionnel.

Le programme de l'UMP va plus loin dans cette direction, avec l'idée de classes "métiers-études" dès la quatrième. L'idée n'est pas de supprimer le collège unique de la loi Haby. Le terme de "collège unique" est sûrement inadapté au moment de la personnalisation. C'est plutôt l'idée du collège pour tous, du collège pour chacun. Tout le monde, dans le cadre du socle commun, n'a pas forcément le même parcours, c'est cela le sujet.

Ces dispositifs n'enferment-ils pas les élèves dans une seule voie, sans possibilité d'en changer ?

Non, et c'est pour cela que je suis contre l'orientation précoce vers douze ou treize ans. Je crois plus à un parcours de préparation avec la notion de réversibilité. On a le droit à treize ans de ne pas être à l'aise dans sa classe dans le cadre d'un enseignement général, et le "pré-pro" peut vous aider à vous intéresser à l'école sans pour autant faire toute votre vie dans une voie spécialisée. Vous pouvez, à seize ans, vous orienter en fonction de vos aspirations et de vos capacités.

En France, on a trop souffert d'un système d'orientation vécu comme un couperet. Il faut différencier les parcours, mieux préparer à l'enseignement professionnel les élèves qui s'y destinent, mais cela doit être réversible.

Vous avez lancé une banque des stages sur Internet avec l'Onisep. Quel en est l'objectif ?

Le stage est dans l'enseignement professionnel absolument indispensable. Mais beaucoup de jeunes ont du mal à trouver leur stage d'application. Pire, certains renoncent à leur diplôme parce qu'ils n'ont pas de stage. Ceci, souvent parce que le système des stages en France repose encore trop sur le réseau de connaissances des parents.

Nous avons voulu aider ces élèves qui n'ont pas la chance d'avoir ce réseau et qui peuvent risquer d'interrompre leur scolarité. L'idée est d'avoir en ligne un système le plus simple possible, avec deux entrées identifiées pour l'élève, une pour lui et une pour ses professeurs afin de le mettre en relation avec les entreprises. Le but est de constituer dans chaque bassin de vie un pool d'entreprises qui proposent des stages, en partenariat avec les établissements, autour d'un projet pédagogique. Plus qu'une simple banque de stages, ce site offre un accompagnement personnalisé aux lycéens tout au long de leur recherche de stage, de son déroulement et de son suivi.

PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE DUPONT ET ISABELLE FICEK


18/11/2011
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