Revue de presse : Article dans Les Echos du 24/01/2011 : Dossier : Rythmes scolaires : les éléments du débat
Une conférence nationale réfléchit à une réforme du temps passé à l'école, au collège et au lycée. Les pistes retenues sont attendues pour mai 2011.
LES ECHOS
Tout le monde le reconnaît, les rythmes scolaires en France sont trop lourds et néfastes à l'apprentissage des élèves. L'année y est l'une des plus courtes en Europe, avec 144 jours de cours alors que les écoliers passent 913 heures sur les bancs de l'école contre 634 en Allemagne. Luc Chatel, le ministre de l'Education, a décidé de s'attaquer au problème et a installé début juin 2010 une conférence qui se penchera pendant près d'un an et « sans tabou » sur l'organisation de la journée, la semaine et l'année scolaires. Un comité de pilotage de 18 personnalités est chargé d'animer cette conférence en auditionnant toutes les parties prenantes. Le ministre devrait présenté les pistes retenues à la mi-mai 2011, mais il n'y aura pas d'application concrète avant 2013, les calendriers des trois prochaines années étant déjà fixées.
En 2008, la fin de l'école le samedi matin
Depuis la rentrée 2008, les élèves des écoles maternelles et élémentaires ont classe 4 jours (lundi, mardi, jeudi et vendredi). Voulue par Xavier Darcos, alors ministre de l'Education, cette mesure répondait d'abord à un souci de clarification : le rythme scolaire était devenu de plus en plus confus, 40 % des écoles ayant mis en place un calendrier dérogatoire. Supprimer l'école le samedi matin permettait aussi d'accéder à une demande des parents désireux de passer l'ensemble du week-end en famille. Mais l'objectif était surtout d'alléger la charge du travail dans le 1er degré : 24 heures d'enseignement hebdomadaire contre 26 auparavant, soit environ 70 heures dégagées sur l'année. Pour compenser cette diminution, les élèves en difficulté bénéficient d'heures de soutien.
Mais la semaine de 4 jours est loin de faire l'unanimité. Selon les chronobiologistes, au-delà de 4 h 30 de cours par jour, un enfant n'est plus disponible pour les apprentissages. Et en janvier 2010, l'Académie de médecine s'est alarmée du « rôle néfaste » de cette formule « sur la vigilance et les performances des enfants les deux premiers jours de la semaine » du fait d'une « désynchronisation liée au week-end prolongé ».
Pour étaler le durée d'enseignement, certaines écoles ont opté pour la semaine de 4,5 jours, avec des cours le mercredi matin. Une formule plébiscitée par 67 % des Français, selon un sondage mené en août 2009 par l'institut CSA pour le SNUIpp-FSU, que le ministère encourage.
Un an de travaux pour la conférence sur les rythmes scolaires
Le comité de pilotage de la Conférence sur les rythmes scolaires, groupe de 18 personnalités coprésidé par Christian Forestier (administrateur général au Conservatoire des arts et métiers) et Odile Quintin (directrice générale de l'Education à la Commission européenne), a été chargé d'animer entre le 15 septembre et le 15 décembre 2010 un débat public sous trois formes : l'audition de l'ensemble des acteurs de la communauté éducative, l'organisation de débats décentralisés dans les académies et l'animation d'un forum sur Internet. Il doit consacrer aussi une partie de son travail aux comparaisons internationales. Après un premier rapport d'étape remis le 25 janvier 2011, des pistes de travail seront élaborées entre janvier et avril. Le comité remettra un rapport d'orientation à la mi-mai 2011, date à laquelle le ministre présentera les pistes retenues. Pour autant, l'organisation de l'année scolaire ne changera pas avant 2013. Les calendriers (qui comportent les zones de vacances A, B, C) ayant déjà été fixés pour les trois prochaines rentrées.
Le chronobiologiste Yvan Touitou, membre du comité de pilotage, recommande « 4 à 6 heures de travail par jour selon l'âge de l'élève », dans un rapport qu'il a coécrit pour l'Académie de médecine.
L'Institut Montaigne, dont le directeur des études, Laurent Bigorgne, est aussi membre du comité de pilotage, préconise dans un rapport publié en mai des « semaines de travail réparties sur 5 jours » .
Une majorité de Français (58 %) serait favorable à la réduction des vacances d'été de 2 semaines, selon un sondage LH2 pour « Metro ». Mais dans ce cas, il faudrait instituer une période de repos en mai, estime Georges Fotinos, un autre membre du comité. Surtout, à l'échelle de l'année scolaire, il est envisagé de mieux respecter le fameux « 7/2 » (l'alternance de 7 semaines de cours et de 15 jours de repos). Mais cela impliquerait d'augmenter la durée des vacances de la Toussaint et de supprimer l'une des trois zones, qui datent du milieu des années 1960.
La FIDL, la deuxième organisation lycéenne, appelle à repenser la journée de classe : « les cours magistraux doivent avoir lieu le matin, l'après-midi se consacrant principalement aux travaux personnels, aux options à l'éducation civique, juridique et sociale, à la musique, aux sport et à la vie associative », défend-elle.
124 établissements (83 collèges et 41 lycées) ont été retenus pour expérimenter, à partir de la rentrée, de nouveaux rythmes avec « cours le matin et sport l'après-midi ». L'expérimentation, qui sera menée dans quelques classes de chacun de ces établissements, concernera au total « plus de 7.000 élèves » (sur 5,5 millions de collégiens et lycéens). Les établissements retenus sont répartis dans l'ensemble des académies, en métropole comme outre-mer. L'expérimentation doit permettre « un aménagement du temps scolaire pour la réussite des élèves », « une adaptation de la politique de santé aux besoins des élèves » et « une valorisation des acquis des élèves », selon le communiqué.
Des intérêts divergeants
Toute modification des rythmes scolaires implique des changements importants pour les familles, les collectivités locales, les associations culturelles et sportives et l'industrie du tourisme. « Il faut trouver un équilibre qui soit satisfaisant sans toutefois rêver à une solution qui plairait à tout le monde, car les int érêts sont très forts et peuvent être très divergents sur certains points », reconnaît Thierry Cadart, secrétaire général du SGEN-CFDT, deuxième syndicat enseignant dans les collèges et lycées. Ce ne sera pas facile tant les attentes et les craintes varient selon les interlocuteurs.
Les familles : Les fédérations de parents d'élèves se sont félicitées du lancement de la conférence tout en dénonçant leur absence du comité de pilotage. La FCPE prône des journées de 5 heures à l'école, 6 heures au collège et de 7 heures au lycée, une pause de midi d'au moins une heure et demie, le passage à 9 voire 10 demi-journées de cours et le respect du « 7/2 ». L'allégement du calendrier scolaire devra prendre en compte le cas des familles monoparentales (2 millions en France), afin qu'elles puissent concilier travail et enfants.
Les enseignants : Si les syndicats d'enseignants approuvent l'idée du débat, ils n'avancent pas encore de solutions attendant de « voir ce qui est sur la table ». Mais ils ne cachent pas leur inquiétude : « L'enjeu, c'est les rythmes de vie de l'enfant », pas la recherche de nouvelles économies budgétaires, insiste le SE-Unsa, qui par ailleurs prévient qu'il ne sera pas acceptable que « les enseignants soient les seuls à faire les efforts nécessaires ».
Les collectivités locales : Les communes et dans une moindre mesure les départements et les régions sont concernés au premier chef. En effet les communes gèrent une large partie des activités parascolaires : cantines, soutiens, équipements sportifs, centres de loisirs... Or si l'Education nationale allège les journées des écoliers, ceux-ci devront être davantage pris en charge dans des ateliers de soutien ou des activités culturelles et sportives. L'Association des maires de France, échaudée par l'expérience malheureuse de la suppression du samedi matin, pour laquelle les communes ont dû s'organiser à la dernière minute, plaide également pour que le ministère « se concerte davantage » avec les collectivités.
Le secteur du tourisme : Le raccourcissement des vacances d'été et la modification des zones sont les deux principales craintes de l'industrie touristique. « On se retrouverait concentré sur 4 à 6 semaines l'été, ce qui compliquerait les choses pour les opérateurs qui doivent faire tourner leurs hôtels ou remplir leurs charters sur l'ensemble d'une saison », explique le Syndicat national des agences de voyage, qui prévient que « les consommateurs seraient aussi perdants, car le raccourcissement de la haute saison ferait automatiquement monter les prix ». L'Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques rappelle son « attachement aux semaines pleines de vacances (de samedi à samedi) et au découpage en trois zones, qui permet d'étaler l'accueil des touristes sur plusieurs semaines ».
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