Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 02/09/2011 : La fascinante rentrée de Luc Chatel
Tout va bien. Tout va même au mieux. C'est l'impression qu'a pu donner Luc Chatel en présentant la rentrée 2011 le 1er septembre. Pourquoi ? Comment ? Parce que tout pourrait être pire !
Chatel a révolutionné l'Ecole. L'affirmation ne fait pas peur au ministre qui présente sa politique comme "la troisième révolution" que connaît l'Ecole. Il y a eu Ferry. Il y a eu Haby. Voilà maintenant Luc Chatel qui introduit dans l'Ecole la personnalisation. C'est-à-dire une pédagogie personnalisée, des parcours différenciés selon les élèves, une gestion basée sur la confiance et le dialogue entre les acteurs. Cette année, la conférence de presse ministérielle est devenue un meeting de campagne électorale. Des preuves ?
Au pays de Luc Chatel, si on en croit son dossier de presse, tous les indicateurs sont au nirvana. Les enseignants, "le plus beau métier du monde" affirme le ministre, ont connu une revalorisation inouïe. "Quel autre pays a fait cela ?" demande Luc Chatel. Le métier "est mieux reconnu". Il y a "une meilleure prise en compte du bien-être au travail". Le fait que les salaires soient gelés depuis plusieurs années alors que les prélèvements ont augmenté et que le niveau de vie des enseignants a donc nettement baissé est superbement ignoré...
Au pays de Luc Chatel, on constate une nette amélioration des résultats scolaires. "L'amélioration en français est modeste mais existe. Elle est plus nette en maths... Le nombre d'élèves en difficulté diminue". C'est vraiment formidable ! Il y a moins de professeurs, plus d'élèves et de meilleurs résultats ! C'est encore plus formidable ! Le ministère vend aussi cela au détail. Au pays de Luc Chatel un gros effort est fait en langues vivantes au primaire alors même que les intervenants en langues sont supprimés...
Au pays de Luc Chatel, les élèves suivent un parcours personnalisé avec des accompagnements à tous les niveaux. Luc Chatel peut annoncer par exemple qu'à la rentrée le tutorat se met en place en première, quand on sait qu'il n'est toujours pas présent en seconde ! Le ministre peut vanter la qualité de l'accompagnement alors qu'aucun bilan n'en montre l'efficacité. Si l'on en croit les chefs d'établissement du Snpden, un an seulement après son déploiement officiel, sur le terrain l'accompagnement personnalisé en lycée serait déjà une variable d'ajustement...
Tout est donc au mieux. Eh oui tout est au mieux parce que cela pourrait être pire ! Quand on tente de ramener le ministre sur terre avec les suppressions de postes, Luc Chatel a un argument imparable. "Cette année il y a 35 000 professeurs de plus et 500 000 élèves de moins qu'il y a 20 ans. L'encadrement est meilleur". Peut-être même était-ce encore pire en 1950 ? D'ailleurs les salaires enseignants sont probablement meilleurs qu'en 1830... Luc Chatel est fort en histoire mais il connaît aussi sa géo. "Aux Etats-Unis, en Italie, en Angleterre, les élèves ont 11 à 13 ans d'école contre 15 en France". Inutile d'expliquer au ministre qu'aux Etats-Unis par exemple la durée réelle des études est plus longue qu'en France ne serait-ce que parce que le taux d'accès au supérieur est nettement plus important et que le pays étend sa scolarisation en maternelle. Suivons le principe : on pourrait retirer encore une ou deux années en maternelle... Une nouvelle "révolution" en perspective ?
Au final, une seule réalité se dégage de cette rentrée officielle : avec cette rentrée, le gouvernement s'attaque au socle commun avec pas moins de 4 dispositifs spéciaux. Il met en place des 3èmes pré professionnalisées avec des horaires spéciaux permettant de fréquentes visites en entreprise. Il ouvre aussi des 4èmes en alternance avec soit un "module d'alternance" où les enseignements sont amputés d'une demi-journée par semaine, soit un "atelier de découverte" où l'école est amputée de 7 semaines de stage. Le gouvernement revient aussi sur la scolarisation des jeunes de 15 ans avec le DIMA où les élèves sont mis en alternance complète à partir de 15 ans. Finalement la seule vraie "révolution" de cette rentrée ce sont les jeunes des classes populaires qui la vivent. C'est la sortie de classe avant 16 ans.
Le dossier de presse ministériel
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