Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 03/11/2015 : Rythmes scolaires : Les effets pervers des nouveaux rythmes scolaires sur les enseignements
"Il est à craindre que l'on glisse doucement vers un déséquilibre des domaines d'apprentissage". Ces propos d'un chef de bureau de la Dgesco, repris dans le rapport du Comité de suivi de la réforme des rythmes scolaires, marque la confusion introduite par la réforme. La Dgesco annonce deux évaluations différentes de la réforme. Elles seront publiées en 2017...
"Dans ce rapport, le comité observe qu’après une année de généralisation, les organisations du temps scolaire sont désormais stabilisées. Le comité recommande de renforcer le pilotage pédagogique et de renouveler une attention toute particulière à l’égard de la maternelle. Il souligne l’intérêt du projet éducatif territorial (PEDT) pour inscrire dans la durée les partenariats engagés et accroître une dynamique locale favorable au développement d’activités périscolaires de qualité". Un an après la généralisation des nouveaux rythmes scolaires, le communiqué ministériel met l'accent sur la "dynamique favorable engagée sur l'ensemble du territoire". Or même si le Comité ne compte que 4 enseignants (dont 2 syndicalistes) sur 19 membres, les difficultés rencontrés par l'application de la réforme sont bien présentes dans le rapport.
Une organisation du temps stabilisée
Le rapport souligne la stabilisation à cette rentrée de l'organisation du temps scolaire. On n'a pas vu la ruée vers les dérogations permises par le décret Hamon ni vers la libération du vendredi après midi. La cinquième matinée de cours le samedi matin reste très minoritaire (2% des écoles). Les nouveaux rythmes n'ont pas su convaincre le privé où seulement 5% des écoles les ont adoptés. Les PEDT, qui sont obligatoires pour bénéficier de l'aide financière de l'Etat, concernent 80% des communes. Une commune sur cinq préfère faire l'impasse du pactole public...
Un milliard pour les nouveaux rythmes
Le rapport confirme le coût de la réforme pour la collectivité nationale. L'Etat a déjà donné 463 millions d'euros aux communes pour les activités périscolaires. La CNAF prévoit 574 millions pour la seule année 2015. On n'a par contre pas d'évaluation sur le coût pour les familles. On ignore le pourcentage de communes qui proposent des activités payantes. Un seul chiffre est donné : parmi les 14 000 premières communes à mettre en place les PEDT, la moitié les propose gratuitement.
La désorganisation des enseignements
"Les enseignants comme les cadres de l’Education nationale jugent indispensable un renforcement du pilotage pédagogique", note le rapport. "Il est évident que la mise en place de la cinquième matinée n’a pas engendré seulement une réorganisation des emplois du temps mais bel et bien une réflexion sur la place des domaines d’apprentissage (non réduits au français ou aux mathématiques), sur les temps d’apprentissage, sur l’évolution des pratiques".
En fait, les annexes montrent surtout que le passage à 5 matinées a totalement changé les emplois du temps hebdomadaires et que souvent cela s'est traduit par un poids accru des fondamentaux au détriment de l'EPS, des sciences humaines ou des arts."
Le mercredi matin est utilisé soit pour des activités interdisciplinaires soit comme un temps de remédiation. Dans les écoles régies par le décret Hamon on est généralement resté à 8 demi journées de cours. Dans plusieurs académies, l'absentéisme qui pouvait exister le samedi matin s'est déplacé sur le mercredi matin.
Surtout, note Claire Mzali-Duprat, chef du bureau des Ecoles, DGESCO, "on constate une caractérisation accrue des demi-journées, les enseignements étant considérés « du matin » ou « de l’après-midi ». Il est à craindre que l’on glisse doucement vers un déséquilibre des domaines d’apprentissage. Le temps consacré aux enseignements du français et des mathématiques a tendance à dépasser le taux horaire alloué à ces enseignements, au détriment de matières comme l’éducation physique et sportive (EPS), les sciences humaines, les arts, la découverte du monde". Le rapport conclue à la nécessité de renforcer le pilotage.
Maternelle : un cas à part
Une enseignante, Claire Bordachar, estime qu'en maternelle " au final, les collègues ne savent pas comment appréhender ce mercredi matin. Doivent-ils en faire un jour comme les autres ou en faire un jour particulier ?" Le rapport attire à nouveau l'attention sur les maternelles. " Parce que l’enfant de maternelle se trouve au tout début de son développement, ses temps d’apprentissage ne peuvent être calqués exactement sur ceux de ses aînés".
Le cas des APC
Didier Jacquemain (Francas) montre la complexité introduite par les APC à coté des TAP. "Les APC ont constitué le moyen de ne pas abandonner l’aide personnalisée... Devons-nous transformer la réponse éducative par la réforme des rythmes scolaires ? Si oui, nous devons admettre qu’il sera difficile de mettre en cohérence une intervention éducative qui concerne tous les enfants, une autre intervention qui concerne certains enfants sur décision des enseignants et une autre intervention qui concerne certains enfants, sur décision des parents".
Deux études d'évaluation en 2017
Le rapport recommande d'évaluer les effets de la réforme. CE sera chose faite en 2017 puisque 4 études sont lancées par la Dgesco. " Une étude portera sur un panel de 15 000 élèves, en intégrant des évaluations cognitives en français et en mathématiques en fin de CM2 et un questionnaire adressé aux familles, aux maîtres, aux élèves portant sur les manières d’apprendre ou de faire classe. Une autre "portant sur un échantillon de 5 000 élèves répartis sur des modes d’organisation représentatifs permettra de comparer l’impact des différentes organisations des temps sur les apprentissages". Enfin une recherche sera menée dans une académie pour "identifier les organisations qui permettent le mieux de prendre en compte le temps global de l’enfant". Une dernière enquête étudiera l'effet de la réforme sur l"absentéisme.
Un rejet massif des enseignants
Le rapport met en annexe une déclaration du Snuipp qui montre, un an après la généralisation des rythmes, que l'hostilité des enseignants n'a pas baissé. Dans une enquête portée auprès de 16 764 enseignants, 74 % des répondants estiment que le temps périscolaire impacte négativement le temps scolaire en termes d'organisation, de fonctionnement de l'école mais aussi d'attention et de fatigue des élèves. Seuls 9% décèlent des effets positifs sur les apprentissages, notamment dus à l'étalement des 5 matinées notamment en cycle 3 et 8 % sur le climat de la classe. 73 % notent une baisse de concentration et d'attention chez certains de leurs élèves sur le temps de classe. 79% demandent une autre organisation horaire de l'école. La question des rythmes n'est pas enterrée...
François Jarraud
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