Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 07/06/2011 : Chatel avance ses idées en matière d'évaluation des enseignants
Que prépare le ministère en matière d'évaluation des enseignants ? Le 6 janvier Luc Chatel a présenté aux syndicats les résultats d'une étude réalisée sur un panel d'enseignants. Le Café s'est procuré ce document et vous propose de le découvrir. On en retiendra deux conclusions. Les enseignants estiment que leur travail n'est pas reconnu, particulièrement financièrement. Ils restent malgré tout attachés à une évaluation qui prend en compte l'ancienneté et l'évaluation professionnelle. Est-ce un problème pour le ministère ?
Une remise en cause du système actuel d'évaluation. Depuis février 2011, le ministère a entamé une procédure qui devrait aboutir à une redéfinition de l'évaluation des enseignants à la rentrée 2011. En février 2011, Josette Théophile, directrice générale des ressources humaines, avait surpris les syndicats en lançant le principe d'entretiens professionnels (ou entretiens de carrière) à 2 et 20 ans d'exercice du métier. Le 8 février elle nous déclarait : "on en a bien sûr parlé avec les organisations syndicales. Tout le monde est d'accord pour dire que le métier d'enseignant a évolué et que l'évaluation actuelle ne reflète qu'une partie des tâches qu'effectuent les enseignants, celles qui ont lieu en classe. Et cet effet est renforcé par la notation administrative qui a un impact très mécanique. Le ministre veut changer cela". Elle nous annonçait "plusieurs scénarios" pour la rentrée 2011, étant posé qu'il y a "une forte convergence pour dire que la notation doit intégrer un entretien d'appréciation et pour prendre comme guide le référentiel des compétences des enseignants élaboré en 2006. Il y a aussi accord sur l'idée qu'il faut un regard croisé et pas celui du seul chef d'établissement ou de l'IPR".
L'étude ministérielle. Réalisée par le cabinet Alixio, elle s'appuie sur le sondage de 4500 personnels de l'éducation, essentiellement professeurs du secondaires (60%), du primaire (30%) et personnels de direction (8%). Les grands absents sont les inspecteurs, et ce n'est certainement pas par hasard. L'étude trace les points faibles de l'évaluation actuelle : trop espacée, ne prenant pas en compte le travail réellement accompli, une véritable mise en scène, et finalement source d'inégalités. Les enseignants jugent qu'il faut évaluer "la capacité à faire progresser les élèves" mais aussi à s'adapter, faire aimer sa discipline, encadrer les élèves, travailler en équipe, toutes choses qui ne peuvent pas ressortir de l'inspection classique.
Quelles perspectives ? Que proposent les enseignants ? Plusieurs formules : une évaluation fréquente par l'inspecteur qui deviendrait un accompagnateur, des regards croisés inspecteur et chef d'établissement, une évaluation par rapport à une lettre de mission claire. En réalité les enseignants savent à peu près ce qu'ils veulent. D'un côté la note actuelle est largement rejetée (13% de satisfaits). De l'autre ils veulent une prise en compte à la fois de l'évaluation professionnelle et de la bonne vieille ancienneté. Quant au référentiel des compétences des enseignants de 2006, que J Théophile présentait comme allant de soi, seul un professeur sur trois lui trouve de l'intérêt (mais il est vrai que les autres l'ignorent peut-être...).
Evaluer les enseignants ou supprimer l'avancement ? L'étude demande aux enseignants pourquoi il faut évaluer ? Il est clair que pour les enseignants c'est pour que soit reconnu le travail effectué et cela passe par une augmentation de salaire. Or le contexte ne s'y prête franchement pas. Le ministre lui-même ne cesse de dire qu'en Europe les salaires des enseignants ont baissé. Effectivement la crise a abouti dans de nombreux pays à la remise en cause des salaires et des modalités d'évaluation et d'avancement. C'est le cas par exemple aux Etats-Unis. Aussi la remise en cause de l'ancienneté comme critère d'évaluation pourrait bien être l'objectif principal de la démarche ministérielle. Ecoutons J. Théophile en février 21011 : "l'évaluation actuelle ne reflète qu'une partie des tâches qu'effectuent les enseignants, celles qui ont lieu en classe. Et cet effet est renforcé par la notation administrative qui a un impact très mécanique". Ce même impact mécanique était dénoncé à l'assemblée par Gilles Carrez, rapporteur du budget, en juillet 2010 : "En ce qui concerne la masse salariale, nous avons tous pensé qu’avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite la masse salariale était stabilisée en valeur. Pas du tout ! Si l’on regarde l’exécution 2009, la masse salariale, malgré cette règle du « un sur deux », a progressé par rapport à 2008 de 800 millions d’euros. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous étudiiez un objectif de stabilisation en valeur de la masse salariale, si ce n’est en 2011, en tout cas en 2012". Cela passe évidemment par la remise en question du "glissement vieillesse technicité".
Prudences syndicales. Le Snuipp et le Se-Unsa réagissent avec prudence à l'étude présentée par le ministère. "La synthèse des résultats livre un constat sans surprise : le système actuel d’évaluation des enseignants est à bout de souffle. Les enseignants le jugent inefficace et injuste", écrit le Snuipp. Si le syndicat accepte de participer à un nouveau système d'évaluation, "il veillera à ce que l’évaluation ne se réduise pas à un contrôle administratif et à une opération de classement des enseignants selon un mérite largement arbitraire. A contrario, l’évaluation des enseignants doit redonner de la valeur au travail des professionnels pour que celui-ci soit toujours et encore un levier d’amélioration des apprentissages des élèves".
Pour le SE-Unsa, "les propositions retenues par le prestataire ne sauraient être prises au pied de la lettre car elles reposent sur des interprétations largement discutables". Le syndicat est d'accord pour discuter de nouvelles formules d'évaluation. Mais "le SE-Unsa n’acceptera pas une fragmentation des rémunérations qui dispenserait le gouvernement de la revalorisation financière pour tous, promise par le Président de la République".
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