Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 17/09/2012 : Violence scolaire : Quelles solutions ?
Les incidents à répétition survenus récemment poussent la question de la violence scolaire au premier plan médiatique. Pour spectaculaires qu'ils soient, sont-ils significatifs de ce phénomène ? Les solutions envisagées, comme les personnels de prévention, sont-elles efficaces ?
D'habitude c'est au printemps que le ministre de l'éducation nationale intervient sur le dossier de la violence scolaire. Rappelons-nous Xavier Darcos, auteur de pas moins de 3 plans tous censés stopper net la violence. Luc Chatel avait élevé le débat avec des "Etats-généraux de la sécurité à l'école" en avril 2010 et des Assises sur le harcèlement en mai 2011. Mais au printemps 2012, d'autres événements ont pris le devant de la scène médiatique. Et c'est à cette rentrée que trois incidents en une semaine inscrivent cette question de façon spectaculaire dans les priorités du nouveau ministre. Ce sont des coups portés à deux reprises sur deux enseignants différents dans le même établissement de la banlieue de Poitiers. Et surtout une agression à Bordeaux fortement médiatisée puisque rattachée à la question de la laïcité. Cette succession d'incidents donnent l'impression que la violence augmente et qu'elle est liée à une montée du sentiment religieux.
Que sait-on de la violence scolaire ?
La violence scolaire augmente-elle vraiment ? Malgré l'ancienneté du phénomène, les sources sérieuses sont rares. Une étude de la DEPP (ministère) en 2011 montre une hausse sensible des "actes de violence" recensés officiellement par l'enquête SIVIS. De 2008-2009 à 2010-2011, on serait passé de 10 incidents pour 1000 élèves à 13. C'est ce qui a fait dire à F. Hollande, en visite à Pierrefitte en janvier 2012 que "la violence à l'école augmente et s'intensifie. En deux ans le nombre d’incidents graves dans les établissements a progressé de 20%". Il avait à cette occasion promis de créer des emplois de prévention. Mais entre ces deux dates, SIVIS a été modifié ce qui entache les résultats. D'autre part, SIVIS n'enregistre que les actes connus et validés par les directions d'établissement. Et celles-ci s'intéressent à leur personnel qui compte pour la moitié des victimes et 0,3% des auteurs. Résultats qui sont contredits par les enquêtes d'Eric Debarbieux.
Que disent les enquêtes de victimation ? Universitaire, créateur de l'Observatoire international de violence scolaire, E. Debarbieux a dirigé deux études de victimation qui ont renouvelé les connaissances sur le sujet.
La première, en 2011, a porté sur 18 000 collégiens. Elle a établi que la première forme de violence scolaire est le harcèlement répété dont sont victimes 6% des collégiens. Les élèves sont bien les premières victimes de la violence : 72% disent encaisser des insultes par exemple. Elle a aussi mis en évidence un fort sentiment d'injustice ressenti par les collégiens, par exemple par 38% des élèves de 3ème.
L'autre enquête menée en Seine Saint-Denis en 2012 montre l'importance de la situation sociale dans le développement de la violence. Dans ce département, 17% des personnels, CPE en premier lieu, se plaignent de violences répétées. Celles-ci interviennent aussi entre adultes : 18% d'entre eux en souffrent. Ces enquêtes montrent donc que les élèves sont les premières victimes de la violence scolaire et que la violence contre les personnels vient aussi des personnels eux-mêmes. On mesure alors que les projecteurs médiatiques déforment la réalité de la violence scolaire en ne s'attachant qu'aux violences physiques commises par des élèves sur des enseignants, des actes très graves mais qui ne sont pas représentatifs de la réalité de la violence scolaire.
Que faire ?
En janvier 2012, F. Hollande avait promis le déploiement de personnels de prévention. "Il y a un nouveau métier qu’il conviendra d’introduire dans nos établissements. C’est le métier chargé de la prévention et de la sécurité dans les établissements qui sera affecté de façon permanente dans les lieux où il y a le plus de difficultés. Nous aurons dans les établissements un personnel formé, en lien avec les équipes pédagogiques qui pourra prévenir les phénomènes de violence", disait-il. 500 postes ont été débloqués à cet effet à la rentrée et les nouveaux agents, recrutés au niveau bac +2, devraient arriver dans les établissements début 2013. L'enseignant victime d'une agression à Bordeaux appelle au développement de la morale laïque. D'autres témoignages montrent qu'en effet dans certains quartiers l'intolérance religieuse progresse avec la ghettoïsation et pèse sur le climat scolaire. Mais que sait-on de ses fluctuations ?
Dévoilée par le Café pédagogique en aout 2012, une étude interne du ministère, dirigée par Eric Debarbieux, s'est justement penchée sur cette question. Le rapport montre qu’améliorer le climat des établissements passe par une refonte globale de leur fonctionnement. Il faut à la fois « améliorer l’environnement physique », par exemple en dotant les enseignants de bureaux, et inclure des temps de réception pour les enseignants. Il insiste sur la nécessité d’une vie d’équipe dans l’établissement et sur leur gouvernance démocratique. Il interroge aussi la formation des enseignants. « Il est nécessaire de donner une place beaucoup plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui dans la formation initiale des enseignants, à la relation à entretenir avec l’élève et avec les autres partenaires ». La composition des classes est aussi critiquée. « La constitution de classes regroupant les élèves les plus difficiles n’a aucun avantage pédagogique. Elle est un facteur majeur dans la constitution de « noyaux durs » impactant négativement le climat général de l’établissement ». L’évaluation et la justice scolaire aussi.
C'est aussi ce que disent Benoît Galand et Cécile Carra, auteurs d'un livre sur la violence scolaire au primaire. Pour eux, "l’évolution des comportements des élèves est inséparable des apprentissages, eux-mêmes étroitement liés à la conduite de classe par les enseignants. Cette conduite de classe ne peut se résumer à des « techniques de gestion des conflits », mais repose plus largement sur la construction de pratiques pédagogiques signifiantes et propices aux apprentissages des élèves. Le deuxième point de convergence est l’importance de la cohérence du travail éducatif ; celle-ci repose sur un travail d’équipe et un projet d’établissement capable de poser des jalons, non seulement en termes d’apprentissages sociaux mais aussi scolaires, les uns étant étroitement imbriqués aux autres".
Que fait et que peut faire Peillon ?
Le 16 septembre, le ministre de l'éducation nationale a annoncé la création d'un observatoire ministériel de la violence scolaire confié à Eric Debarbieux. En même temps, il a fait le lien avec les pratiques pédagogiques et particulièrement l'évaluation. "Dans notre pays, on a tendance à pratiquer une notation un peu brutale", a dit V. Peillon, "qui ne donne pas beaucoup confiance à l'enfant". Ainsi c'est aussi par la transformation des pratiques pédagogiques que V. Peillon pense lutter contre la violence scolaire. Améliorer le climat scolaire, lutter contre le harcèlement, sont aussi des moyens de favoriser la réussite scolaire. C'est aussi ce chemin que montrent B. Galand et C. Carra. "Les apprentissages (scolaires) contribuent à la socialisation des élèves. Ils donnent sens à leur présence à l'école. Les élèves les plus éloignés de la culture scolaire sont aussi ceux dont les parents pensent encore que l'école reste un moyen pour avancer dans l'échelle sociale. Reléguer au deuxième plan cette dimension du métier d'enseignant, c'est, de fait, abandonner à leur destin social des catégories entières de population.... C'est aussi sur cette dimension que se développe un sentiment d'injustice grandissant et une adhésion au système s'amenuisant, favorisant des manifestations de violence".
François Jarraud
Le rapport de la Dgesco sur le climat scolaire
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