Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 31/01/2014 : Dix conseils pour bien gérer les relations parents-enseignants
Comment recevoir des parents d'élèves ? Jean-Louis Auduc, ancien directeur d'IUFM, analyse toutes les situations et donne des conseils concrets. Une fiche à ne pas égarer...
Des parents angoissés pour le futur
Nous sommes aujourd’hui dans une situation où aucun parent n’est assuré que son enfant vivra dans le futur mieux que lui. C’est une rupture profonde avec ce qui a existé depuis deux siècles où la notion mythifiée, fantasmée, de l’ascension sociale a été un moteur puissant de l’espoir dans le futur. Hier, on pouvait investir sur l’enfant, se projeter dans le futur en pensant que ses enfants allaient vivre toujours mieux que leurs parents.
Cette perspective était un élément fondateur d’un projet collectif, d’une confiance dans l’école. L’école n’apparaît plus comme l’élément structurant d’un futur réussi quand ceux qui sont exclus précocement comme ceux qui ont mené leurs études jusqu’au bout se trouvent discriminés dans l’accès à l’emploi.
Les parents sont souvent plus désemparés que démissionnaires. Aujourd’hui, beaucoup de familles s’interrogent sur la poursuite d’études de leurs enfants : est-ce que cela ne va pas les conduire au chômage, est-ce qu’ils ne vont pas rester de plus en plus tard au domicile familial en situation de précarité ?
Nous sommes passés :
- d’une société fondée sur des PROMESSES matérielles dans lesquelles l’école jouait un rôle clé en délivrant des diplômes reconnus sur le marché du travail
- à une société pleine de MENACES matérielles où l’école joue souvent le rôle de bouc-émissaire.
Une incompréhension du système éducatif qui pourrait devenir désaffection
Pendant des dizaines d’années restées dans les mémoires, l’école a été un symbole de continuité et de permanence bien évoqué dans de nombreux romans ou des films. Depuis plus d’une génération, l’école apparaît en crise permanente de plus en plus incompréhensible. Qu’on se rappelle que depuis l’année 1974, il n’y a pas eu une année dans le système scolaire français où il n’y ait pas eu un ou deux niveaux connaissant une réforme des structures ou des programmes.
Améliorer la compréhension de l’école par les familles est un enjeu décisif
Trop souvent, encore, c’est aux familles de tenter de décrypter les changements... Si les familles et notamment celles les plus éloignées de l’école ne sont pas accompagnées dans leur découverte du système scolaire actuel, il y a véritablement un risque que ces populations rejettent une école qu’elles ne comprennent pas et soient sensibles à toutes les campagnes visant à disqualifier l’école publique.
Cette perspective est d’autant plus crédible que la France est un des rares pays d’Europe où n’existe sur aucune chaîne à diffusion nationale une émission d’information concernant l’école, ses programmes et son fonctionnement. Il y a en France des émissions « grand public » sur tous les sujets concernant le quotidien : la santé, la cuisine, les loisirs, l’automobile, la consommation… ; il n’y en a aucune sur l’école, qui n’est évoquée que dans les faits divers des journaux télévisés, ce qui contribue à faire de la connaissance de l’école un "délit d’initiés".
Il est exact qu’en vingt ans, les programmes scolaires du primaire ont été modifiés trois ou quatre fois, alors qu’ils avaient duré plus de vingt ans dans les générations précédentes. Trop souvent les documents présentant l’école primaire et ses programmes sont présentés de manière intemporelle comme s’ils avaient toujours existé. On fait rarement l’effort de dire aux parents d’élèves : voilà ce qu’étaient les programmes il y a vingt ans, voilà ce qu’ils sont aujourd’hui et voici pour quelles raisons précises, ils ont été changés.
En ne mettant pas au premier rang l’information et les explications sur le fonctionnement du système éducatif, les enseignants du public risquent d’abandonner à la rumeur les jugements des familles sur l’efficacité de leurs établissements et à amplifier les critiques sur l’école publique.
Lors de la première rentrée à certains niveaux (début école élémentaire, 6e de collège, 4e de collège, 2de…), il apparaît nécessaire de commencer la première réunion en faisant parler les parents présents sur leur souvenir de ce niveau scolaire. Cela permettra de leur montrer les différences de programmes, les nouvelles disciplines, les nouveaux moments d’orientation. Il faut se rappeler que jusque dans les années 1990, « l’écrémage » en collège se produisait entre la 5e et la 4e. Beaucoup de parents se rappelant de cette orientation en fin de 5e pense que leur enfant est « sauvé » à partir du moment où il est en 4e, alors que la situation est aujourd’hui fondamentalement différente avec le cycle « 5e/4e » … On a pu qualifier la classe de 4eme « classe de tous les dangers », car se cumulent dans cette classe, la crise d’adolescence, le changement de statut de la classe par rapport à celle connue par les parents, l’enseignement de nouvelles disciplines…
Il faut également que l’école s’interroge sur une certaine prudence dans l’abandon de symboles ou de rites qui peuvent faire sens aux yeux des familles : les manuels, les fêtes de fin d’année, voire les bulletins scolaires…..
1) Comment combattre et vaincre les peurs réciproques ?
Les parents d’élèves ressentent souvent le jugement de l’enseignant sur leur enfant qu’ils percevront souvent comme un jugement sur eux-mêmes. Ils s’inquiètent également de ne pas être à la hauteur, de se ressentir comme incompétent en tant que parent, de ne pas pouvoir aider scolairement leur enfant.
Quelles sont les principaux obstacles qui peuvent exister chez les enseignants :
- Ne pas accepter dans une discussion, dans un débat toute critique vécue comme une mise en cause
- Considérer tout désaccord, tout point de vue différent comme un conflit impossible à résoudre ce qui engendre d’inévitables tensions
- Avoir des difficultés à prévoir dès le début de l’année dans son emploi du temps des plages possibles pour des réunions avec les parents
- Considérer avant tout les parents comme « utiles » pour les voyages scolaires, certaines activités, la fête de l’école, …
Du côté des parents, les obstacles existent également :
- Il n’est pas toujours sûr que le jeune donne des informations exactes sur ce qui se passe à l’école, d’où une certaine gène d’apprendre par l’enseignant des événements ayant eu lieu à l’école dont n’a pas parlé leur enfant
- Certains peuvent avoir une réticence à entrer en conflit avec l’enseignant surtout s’il peut apparaître que le jeune « joue » l’enseignant contre ses parents
- Enfin, des parents peuvent avoir des inquiétudes à être en désaccord avec l’enseignant
Dans l’ouvrage « Les relations parents-enseignants à l’école primaire », Mehdi Hatri nouvel enseignant en Seine Saint-Denis résume ainsi les peurs qu’il perçoit chez les parents : « Peur du jugement des enseignants sur leur capacité à être de bons parents, peur face au pouvoir tant des enseignants que de l’institution école, notamment en matière de redoublement, d’orientation ou de sanctions, peur de ce qu’ils vont entendre sur leur enfant, peur de l’avenir pour leur enfant car l’obligation de réussite est extrêmement forte et pèse sur les relations entre l’école et la famille, peur des « représailles » que leurs interventions pourraient entraîner envers leur enfant, peur d’être dépossédé de son rôle de parent en particulier lorsque l’entretien a lieu en présence de l’enfant… Il ressort de mes entretiens avec des parents, que la principale crainte est celle de la convocation. En effet, ils ont trop souvent l’habitude de ne voir les enseignants que lorsqu’il y a des problèmes et jamais pour s’entendre dire que tout va bien ou que leur enfant a progressé »
L’enseignant, mal préparé, a aussi peur à certains moments de rencontrer les parents. Il peut avoir la peur d’une surveillance, de l’ingérence des parents, d’avoir à se justifier constamment, des répercussions vis-à-vis du chef d’établissement et des collègues. Mais, il y aussi, compte tenu de l’absence dans la plupart des formations initiales actuelles d’une formation à la gestion d’un entretien et à l’annonce d’informations à des parents, la peur de parler devant un groupe, de perdre ses moyens, d’être déstabilisé devant la question d’un parent, de ne pas maîtriser la dynamique du groupe, d’être pris en défaut, compris de travers, de ne pas apparaître comme crédible dans le domaine pédagogique, d’avoir à répondre à un cas qui le dépasse.
Mehdi Hatri évoque ainsi dans l’ouvrage déjà cité la situation des enseignants : « Les enseignants sont partagés entre deux attitudes contradictoires : celle qui consiste à envisager les parents comme des partenaires potentiels et celle qui se limite à se méfier d’eux. Je pense que cette attitude paradoxale s’explique du fait qu’ils ont peur (…) peur d’être jugé sur ses méthodes et ses compétences, peur de se faire agresser tant physiquement que verbalement, peur d’être dépourvu face à des interrogations de parents, peur d’être interpellé sur des problèmes institutionnels non résolus, peur d’être pris à parti devant les collègues en conseils de classe ou lors des réunions de parents, peur de ne pas pouvoir se justifier face à des critiques sur les réformes pédagogiques, peur de laisser paraître ses propres interrogations, peur de ne pas conduire l’entretien en professionnel, peur de la contestation des parents face à une sanction, peur de blesser les parents en énonçant des choses difficiles à entendre sur leur enfant …"
Ces peurs mutuelles montrent l’importance de la communication dans les compétences nécessaires à l’exercice du métier enseignant : Travailler ces techniques, se former est aujourd’hui indispensable. Il est sur ce point regrettable que l’actuelle « réforme » de la formation des enseignants ait entraîné la suppression des modules existant depuis une dizaine d’années dans certains IUFM. Construits avec les associations de parents d’élèves, l’UNAF, ces modules abordaient notamment concrètement les démarches possibles concernant les entretiens individuels et collectifs avec les familles, les remarques sur les bulletins, les différents modes d’informations possibles des familles, le travail avec les diverses associations intervenant dans ce domaine, afin de permettre aux enseignants de se construire des gestes et des attitudes professionnelles sur ces champs de compétence.
Une mauvaise communication et une collaboration déplorable entre enseignants et parents peuvent avoir des conséquences redoutables pour les enfants :
• Les messages contradictoires venant des enseignants et des parents qui ne communiquent pas, peuvent nuire au développement de représentations mentales claires de l’enfant ainsi qu’au développement de compétences parentales.
• La médiocrité de la relation parents-enseignants peut placer l’enfant dans une incohérence lourde de conséquence ; celle-ci peut entraîner un déficit de stimulation et empêcher l’enfant de comprendre les valeurs essentielles régissant une vie harmonieuse en société.
Une communication réussie peut permettre à chacun d’avancer au service des enfants qui sont les premiers bénéficiaires de cette compréhension mutuelle.
• Elle peut mettre les parents en situation :
- d’une attitude plus positive par rapport à l’école et aux enseignants et moins de stress lorsqu’il y a une réunion avec les enseignants ;
- d’une meilleure compréhension des modalités pédagogiques suivies par l’enseignant, des nouvelles compétences demandées aux enfants ce qui ne peut qu’avoir un retentissement positif pour l’enfant ;
- de se sentir valorisés dans leur fonction et dans leurs responsabilités
- de développer chez eux un sentiment d’appartenance à un collectif, à la communauté éducative de l’établissement.
• Elle peut également apporter aux enfants :
- une meilleure aptitude à gérer la transition entre le milieu familial et le milieu scolaire ;
- une meilleure confiance dans leurs capacités à intégrer les apprentissages ;
- moins d’émotion au vu des résultats scolaires, moins de stress à venir à l’école même s’ils la ressentent comme difficile
2) Comment gérer l’accueil des parents d’élèves ?
Souvent, l’enseignant peut considérer que des parents trop éloignés de la culture scolaire et ayant des réticences à venir à l’école sont « démissionnaires », ce qui est rarement le cas.
Le monde est marqué par l’éclatement des temps. Auparavant, une grande partie de la population revenait chez elle vers 18/19 heures, s’endormait vers 22/23 heures, et se réveillait vers 6/7 heures. Aujourd’hui, avec des horaires de plus en plus éclatés, avec des entreprises qui fonctionnent très tard dans la journée, voire 24 heures sur 24 il y a de moins en moins d’horaires communs… Selon une enquête de l’Institut CSA d’avril 2008, 65% des parents dans les « zones sensibles » travaillent le matin avant 8h30 et 47% après 19h30.
Pas étonnant donc, que les adolescents se plaignent que leurs pères et leurs mères ne soient pas très disponibles.
Les demandes de ces parents, qui vont avoir souvent des horaires de travail de 6 à 8 heures ou de 17 à 22 heures est que les institutions publiques puissent accueillir leurs enfants. Est-ce que les horaires des services correspondent à ces demandes ? Quelles peuvent être les conséquences de ces situations sur les enfants ? Autant de questions lourdes par rapport aux rythmes de vie de la famille et des enfants……
Il faut donc se renseigner sur ce qu’est le rythme de vie de la majorité des parents des élèves fréquentant l’établissement scolaire pour décider des horaires des réunions. La création de lieux d’accueil et d’écoute doit partir des besoins des familles et pas seulement d’un souhait de l’institution. Ils doivent être des lieux où les parents puissent partager leurs préoccupations, s’épauler les uns les autres. Les lieux d'accueil et d'écoute se construisent avec ou par les parents et non pour les parents. Les familles doivent en être partie prenante à tous les stades du projet : diagnostic, mise en œuvre et évaluation. La question des lieux d’accueil des parents dans l’école, l’établissement scolaire doit être posée. Un des premiers lieux d’accueil possible, c’est la classe.
Faire asseoir les parents dans la salle de classe de leurs enfants peut se révéler problématique. Cela pourra leur rappeler les mauvais souvenirs de leur scolarité ou notamment quand ils sont « mal assis » à l’école primaire sur les chaises de leur enfant, ils peuvent se sentir infantilisés face aux enseignants. Autant de mauvaises conditions pour engager le dialogue. Par contre la salle de classe peut être utilisée pour informer les familles des apprentissages et des réalisations de leurs enfants.
3) Comment construire des relations de confiance entre parents et enseignants ?
La question de la construction de relations de confiance entre les parents et les enseignants est aujourd’hui une question centrale pour tous les établissements scolaires pour donner plus de sens à l’école. Toutes les recherches menées en France et à l’étranger montrent qu’un dialogue constant entre parents et enseignants, ce qui implique de ne pas « convoquer » les parents que lorsqu’il y a une difficulté », mais de les « inviter à venir parler de leur enfant », qu’une véritable coopération, les uns s’appuyant sur les autres, entre les familles et l’école, permet un meilleur apprentissage des jeunes et amplifie leur réussite.
Dialogue entre adultes ne veut pas dire consensus « mou » permanent, mais peut vouloir dire confrontation exigeante de points de vue contradictoires, frictions qu’il faut dépasser pour qu’elles ne deviennent pas un conflit permanent. Il faut passer d’une situation de défiance à une relation de confiance.
Les tensions entre parents et enseignants sont normales. Elles font partie d’un processus normal compte tenu de leur différence de positionnement. L’enseignant a en charge la totalité d’une classe, donc doit prendre en compte l’intérêt général de tous les élèves. Le ou les parents ont en charge l’intérêt particulier de leur enfant.
Ce qui est inquiétant, c’est lorsque la tension débouche sur le conflit persistant, le refus de tout dialogue, ce qui est une situation, hélas plus souvent rencontrée aujourd’hui qu’auparavant compte tenu de l’angoisse de la très grande majorité des familles concernant l’avenir de leurs enfants.
Aucun des partenaires ne doit avoir peur de la confrontation nécessaire. Se confronter, ce n’est se mettre dans une situation où il y aurait des contentieux impossible à régler, c’est avoir sur les jeunes des regards différents compte tenu de son rôle différent vis-à-vis du jeune, c’est se connaître et se reconnaître dans sa fonction particulière.
Pour bien communiquer avec les familles, il faut bien être conscient que le jeune doit toujours être au cœur de la rencontre, et qu’il faut toujours au préalable préciser les règles de l’échange en termes de temps, de contenus et d’objectifs.
4) Comment aborder les différentes rencontres avec les familles ?
Plusieurs types de rencontres avec les parents d’élèves peuvent se présenter pour l’enseignant. Il y a les rencontres circonstancielles : à l’entrée ou à la sortie de l’école ou du collège, lors d’une sorties éducatives. A côté, il existe des rencontres obligatoires à la rentrée et pendant l’année concernant le parcours scolaire du jeune. Il y a également les rencontres sollicitées par l’enseignant pour évoquer le comportement et/ou les résultats du jeune ou celles sollicitées par les parents.
A l’occasion de chaque rencontre, il y a un certain nombre de conseils qu’il peut être utile pour un enseignant d’essayer de partager avec les parents d’élèves :
- Prendre le jeune tel qu’il est et non pas tel qu’on voudrait qu’il soit
- Encourager, valoriser les réussites même si elles sont minimes du jeune, ne pas être dans une critique permanente
- Etre attentifs aux réussites qui se construisent en dehors du temps scolaire afin de s’appuyer sur elles pour faire progresser les apprentissages.
Pour communiquer avec les familles, il faut bien être conscient que le jeune doit toujours être au cœur de la rencontre, et qu’il faut toujours au préalable préciser les règles de l’échange en termes de temps, de contenus et d’objectifs.
Ce qu’il faut surtout ne pas faire lors d’une rencontre parents/enseignants
• Se laisser accaparer, déborder lors de la rencontre et ne pas pouvoir développer les éléments essentiels à communiquer
• Adopter une attitude fataliste vis-à-vis du jeune : « il n’y a plus rien à faire…. » « Son frère (sa sœur) était déjà comme ça… »
• Se mettre en situation de se justifier systématiquement pour prouver que sur tous les points évoqués, on est le seul à avoir raison et les parents ont tort.
• Blâmer en permanence l’attitude de la famille vis-à-vis de l’école
• Penser que l’on sera seul en capacité de résoudre tous les problèmes. Il ne faut jamais hésiter de conseiller aux parents de consulter d’autres professionnels.
• Ne jamais faire appel à des « médiateurs » possibles : délégués des parents de la classe, responsables de l’association de parents d’élèves de l’établissement.
• Si les parents deviennent plus agressifs, il ne faut surtout pas répondre sur le même ton, il faut maîtriser son comportement face à des débordements
• Ne pas apparaître comme très « ouvert » aux parents lorsqu’il s’agit de l’accompagnement de sorties ou des voyages scolaires et « fermé » lorsque sont abordées les questions concernant l’apprentissage des élèves.
Enfin, toute demande de rencontre individuelle ne doit pas prendre la forme d’une convocation, mais être présenté par l’enseignant comme un rendez-vous.
Il vaut mieux parfois se parler que d’écrire « à chaud », sous le coup de la colère après une situation difficile. Le mot écrit laisse une trace ineffaçable. Il faut donc être extrêmement prudent dans son utilisation.
Fatiha Ziane et Mehdi Hatri, deux professeurs des écoles débutants du département de Seine Saint-Denis insistent sur la nécessité de ne pas rencontrer les familles que pour évoquer avec elles des difficultés. Ils soulignent combien les parents ont peur d’être jugés par l’école et combien ils ressentent le fait qu’on ne les convoque jamais pour leur dire « que tout va bien »… « Une personne m’a dit « lorsqu’un enseignant veut nous rencontrer, c’est pour nous parler des problèmes, c’est jamais pour nous dire que tout va bien ! » « Les parents ont trop souvent l’habitude de ne voir les enseignants que lorsqu’il y a des problèmes et jamais pour s’entendre dire que tout va bien ou que leur enfant a progressé. Lors de ces convocations, l’enseignant liste les problèmes ou encore les multiples impertinences de l’élève. Il est alors bien difficile pour le parent de se sentir à l’aise dans cette situation ! Ils avouent ressortir dépités de ces convocations et il leur paraît plus simple d’éviter dorénavant l’enseignant en attendant que le temps améliore les choses. De plus, ils redoutent d’être perçus comme de « mauvais parents » et préfèrent rester dans l’ombre. »
Tenir un historique des rencontres avec la famille. Les rencontres avec les familles sont organisées en vue d’une meilleure réussite du jeune. Il est donc important pour l’enseignant de tenir un cahier des rencontres pour ne pas être pris au dépourvu par rapport à un questionnement précis de la famille faisant écho à une situation évoquée dans un rendez-vous précédent.
Dans cet historique, il apparaît indispensable d’indiquer pour chaque rendez-vous :
a) Qui a provoqué le rendez-vous ?
b) Quelles informations ont été données par l’enseignant, par la famille ?
c) Quelles questions ont été laissées en suspens et doivent faire l’objet d’un entretien ultérieur ?
d) Quelles décisions ont été prises et comment s’est déroulé le suivi ?
e) Quelles sont les potentialités de travail en commun avec la famille ou quels sont les problèmes posés par cet entretien ?
5) Le jeune doit-il être présent lors des réunions parents-enseignants ?
La question de la présence du jeune pendant l’entretien parents/enseignants doit être posée.
Il ne peut y avoir de réponses générales, mais on peut cependant tracer un certain nombre de pistes. La rencontre entre l’enseignant et les parents du jeune est un entretien entre adultes. Pour clairement légitimer l’un et l’autre dans leurs fonctions, il peut être utile que le jeune n’assiste pas à la première partie de la discussion, mais peut, par exemple, être appelé pour la fin de la rencontre pour écouter les points sur lesquels se sont mis d’accord parents et enseignants. Mais dans des cas plus difficiles concernant notamment des problèmes de comportement du jeune, voire de l’absentéisme dont la famille n’a pas conscience, il peut s’avérer positif que le jeune n’assiste pas à la rencontre. Il y a plusieurs types de réunions parents/enseignant autour des apprentissages de l’enfant : les individuelles et les collectives, mais il peut s’avérer intéressant de prévoir des réunions thématiques autour de thèmes qui préoccupent les parents par rapport à l’éducation de leur enfant, en faisant venir des spécialistes extérieurs à l’école
6) Comment se donner les moyens de réussir les réunions parents-enseignants ?
Il est important que dans chacune des réunions, les parents se sentent réellement acteurs de celle-ci, car des parents pour qui l’école de leur enfant, ce n’est pas un simple nom, mais leur école, c’est un atout pour que leur enfants se sentent bien dans l’école.
La manière dont un (e) enseignant (e) s’habille pour une réunion ou un entretien n’est pas neutre. Souvent, plus les parents sont de milieux populaires, plus ils s’habillent « en dimanche » pour venir à l’école. Il faut donc que les vêtements de l’enseignant(e) n’apparaissent ni trop provocants, ni trop « désinvoltes ». C’est une marque de respect pour les parents qui se rendent à l’école de leur enfant.
Ce qu’il faut faire pour que la rencontre soit efficace :
• Préparer une liste des idées qu’on veut aborder
• Démarrer toujours la rencontre en mettant en avant une réalisation réussie du jeune
• Si la rencontre est susceptible d’entraîner un conflit, réfléchir à la possibilité d’un tiers présent lors de la rencontre (chef d’établissement, responsable association de parents d’élèves, personnels d’un centre social, animateurs de la municipalité…..)
• Etre toujours très précis sur le message destiné à la famille : au besoin, ne pas hésiter à faire des fiches pour étayer son constat
• Bien être attentif à écouter les inquiétudes, les préoccupations, le questionnement des familles
• Expliquer calmement votre diagnostic sur la situation du jeune. Laisser votre interlocuteur présenter le sien et éviter de l’interrompre.
• Toujours faire reformuler certaines analyses ou propositions afin de s’assurer d’une bonne compréhension par les parents
• Ne pas adopter une attitude défensive par rapport à d’éventuelles manifestations de colère, rester le plus pondéré possible
• Ne pas rendre responsable le ou les parents des problèmes que peut rencontrer leur enfant
• Ne pas se précipiter sur l’énoncé de solutions, mais plutôt essayer avec la famille de découvrir ce qui a pu produire la difficulté dans les apprentissages ou le problème de comportement
Enfin, il est indispensable de travailler à l’occasion des rencontres avec les familles la fierté des enfants devant leur travail, de fierté des parents devant les activités de leur enfant.
Il faut également laisser dans la réunion du temps aux questions des parents en rappelant certains points :
- les problèmes personnels se traitent en tête à tête et non sur la place publique
- on a le droit d’être en désaccord entre parents et enseignants, mais il faut éviter d’en faire part devant l’enfant pour ne pas le déstabiliser
- parents et enseignants sont partenaires, mais chacun à ses missions, ses spécificités. Leur rôle n’est pas le même.
L’enseignant ne peut pas, bien évidemment répondre à toutes les questions. Ce n’est pas délégitimer sa professionnalité que d’adresser les parents à un personnel dont le cœur de métier répond mieux à leurs préoccupations. Dire aux parents que l’efficacité nécessite de s’adresser à un « spécialiste » implique pour l'enseignant de ne pas donner l’impression qu’il fuit le problème, mais que sa connaissance des ressources existantes lui montre qu’un professionnel d’un certain secteur particulier sera plus à même de résoudre la situation. Pour bien montrer aux parents que c’est en professionnel « généraliste » que l’enseignant adresse à un « spécialiste » les parents, il peut être utile de toujours prévoir lors d’une rencontre parents/enseignants quelques enveloppes et feuilles de papier. Pendant qu’il indique le spécialiste aux parents, l’enseignant rédige quelques lignes à destination de celui-ci pour lui indiquer pourquoi cette famille vient le voir.
En fin d’entretien, il remet l’enveloppe aux parents en lui indiquant de remettre cette enveloppe lors de leur rendez-vous avec la personne indiquée. L’expérience a montré qu’une telle procédure ne délégitimait pas l’enseignant en tant que professionnel et entrainait une plus fréquente consultation du professionnel « spécialiste » bien plus fréquente qu’à l’occasion d’une simple indication orale. De plus, puisqu’il a indiqué par un courrier pourquoi il adressait la famille concernée, l’enseignant a de fortes chances d’avoir une réponse de l’autre professionnel concernant la suite donnée.
A la fin de l’entretien, il est important pour l’enseignant comme pour les parents de faire le point sur ce qui s’est dit :
- Veiller à ce que la famille comprenne bien la participation qui est attendu d’elle et dans quel cadre.
- Les solutions, les pistes d’actions à mener ensemble ne doivent pas apparaître comme dictées aux familles, mais être le résultat d’un constat commun.
- Toujours avoir le soin de rassurer les parents, de positiver afin qu’ils ne partent pas découragés, démobilisés ou insécurisés sur le futur.
- Toujours proposer aux parents un point ultérieur d’ici quatre à cinq semaines pour voir les progrès réalisés.
C’est également à l’enseignant en fonction de la tournure de l’entretien de voir quels outils de correspondance avec la famille permettront le suivi le plus efficace des décisions prises : carnet de correspondance, courrier, SMS, coup de téléphone……
7) Comment accueillir les parents non-francophones ?
Il peut arriver qu’aucun de deux parents du jeune ne sache parler le français ou le parle très mal. Que faire ? Il est important de préparer soigneusement cet entretien afin que la barrière de la langue ne génère pas une situation d’incompréhension. Il peut être utile de regarder que n’existe pas dans une des collections de l’ONISEP, du SCEREN/CRDP ou dans un rectorat un DVD ou un CD présentant de manière simplifiée le système éducatif français et les objectifs de celui-ci : il en existe en bambara, arabe dialectal, berbère, soninke, woloff, tamoul, kurde, en romani, etc.
Le site internet du collège Jules Ferry de Villeneuve la garenne (92) présente ainsi des documents et vidéos présentant le fonctionnement du collège, les disciplines enseignées en arabe, bambara, chinois, espagnol, portugais, roumain, serbo-croate, turc... On peut également proposer aux parents de les inscrire à des cours d’alphabétisation, ce qui leur permettra dans l’avenir de mieux suivre la scolarité de leurs enfants.
Faire de l’élève un traducteur ne semble pas une solution envisageable, car cette pratique a deux inconvénients majeurs : elle ne place pas les parents de l’élève dans une situation d’adultes rencontrant un autre adulte et les met d’emblée dans une position délicate ; d’autre part, il n’y a aucune garantie que le jeune traduise correctement d’éventuelles critiques qui lui seraient faites.
Il est donc indispensable de trouver un traducteur qui sera présent pendant l’entretien. Ce peut-être un enseignant de l’école ou d’une école voisine, un AVS, un personnel de service, un animateur du quartier, un responsable associatif... Dans un des mémoires professionnels ayant servi de base à l’ouvrage du CRDP de Créteil : « Les relations parents-enseignants à l’école primaire » , Nicolas Lovera professeur-stagiaire évoque le choix fait sur cette question dans une école de Saint-Denis où il se trouvait en stage : « La plupart des mères de famille originaires d’Afrique ne maîtrisent pas la langue française (..) Les enseignants de la circonscription, avec l’aide d’associations d’étudiants originaires de ces pays et donc bilingues, organisent des cours destinés à apprendre la langue française aux adultes. Ces cours sont organisés dans l’école des enfants et les enfants, les étudiants, les parents d’élèves et les enseignants y participent. Cette pratique me parait intéressante car elle permet aux parents d’échapper au sentiment de culpabilité liée à l’incapacité qu’ils peuvent ressentir de ne pouvoir aider leur enfant dans sa scolarité. »
8) Comment permettre aux parents d’épauler, d’aider leurs enfants ?
Tout parent peut être en capacité d’aider son enfant. Il ne faut pas que l’enseignant hésite à valoriser certaines démarches susceptibles d’aider à ouvrir l’esprit de l’enfant. Les enquêtes montrent que les enfants à qui les parents racontent beaucoup d’histoires, ont ou feuillettent des livres, apprennent plus facilement à lire. Il faut indiquer aux parents que s’il n’y a pas beaucoup de livres à la maison, expliquer à l’enfant l’histoire familiale, des légendes orales, des contes, peut avoir le même rôle et avoir un impact positif fort pour l’avenir de l’enfant. La culture, c’est aussi la connaissance de sa propre histoire, c’est « savoir d’où l’on vient ». Donc, même sans livre, on peut rendre son enfant « cultivé ».
Il faut que régulièrement l’enseignant, l’équipe pédagogique se rappelle que toutes les familles peuvent soutenir la scolarité de leur enfant dans vie de chaque jour.
Le travail personnel est pourtant indispensable, car la régularité de l’entraînement permet de fixer les connaissances et de mémoriser.
Les parents ont un rôle décisif :
- pour organiser le cadre de travail, grâce à une heure régulière pour les révisions, radio et télévision éteintes, pour faciliter la concentration, en aidant à préparer le cartable en fonction de l’emploi du temps et en vérifiant les fournitures, en laissant l’enfant se reposer lors des petites vacances, en dehors de ce qu’a recommandé l’enseignant ;
- pour rassurer l’enfant en lui montrant la cohérence entre la famille et l’école, en demandant à l’enseignant de préciser le travail personnel attendu des enfants, en respectant les demandes en fournitures de l’enseignant, en évitant de critiquer devant l’enfant ce qui se fait en classe, ce qui peut le perturber. Les désaccords entre adultes se règlent entre adultes ;
- pour encourager, soutenir l’enfant, en ayant confiance dans ses capacités, en comprenant que se tromper n’est pas rédhibitoire, mais est partie prenante des apprentissages, en accueillant positivement toutes les questions de l’enfant, en parlant avec l’enfant, en rencontrant les responsables de l’association concernée si l’enfant est accompagné dans son travail personnel…..
9) Comment annoncer une nouvelle « difficile » aux parents ?
A certains moments, l’enseignant doit annoncer une « mauvaise nouvelle » aux parents. Cette annonce doit être préparée afin que les parents puissent garder espoir dans le futur de leur enfant et ne s’enferment pas dans une position de blocage et de refus. Pour faire comprendre les conséquences de la nouvelle situation et les possibilités laissées ouvertes à leur enfant, il n’est pas toujours sûr que la présence d’experts soit indispensable à tous les moments de l’annonce.
Un travail d’équipe : Annoncer une mauvaise nouvelle nécessite un travail d’équipe impliquant tous les enseignants et les personnels spécialisés intervenant dans l’établissement afin que tous les éléments concernant le jeune puissent être connus de toute l’équipe. C’est normalement à l’ensemble des membres de l’équipe de présenter une décision « difficile » à la famille.
Attention à bien gérer ce moment. La famille, déjà très inquiète, peut très mal ressentir de se trouver seule devant une assemblée de professionnels sûrs d’eux et de leur diagnostic. Il n’est pas certain que ces conditions favorisent une acceptation par les parents de la décision prise.
Apprendre en primaire que son enfant a de gros problèmes (dyslexie, découverte d’un handicap…) ou au collège qu’il ne va pas être orienté dans la voie désirée, est toujours un choc pour les parents concernés qui, souvent vont avoir des réactions oscillant du déni pur et simple ou de la culpabilisation, se sentant par rapport à leur enfant, ne plus avoir d’espoir.
Dans le cas d’une décision « difficile » et perçue comme une « mauvaise nouvelle » par les parents, il est important de juger de la temporalité d’une action. Les expériences menées sur le terrain montrent qu’il n’est pas toujours le plus efficace de prévoir dans un premier temps, la présence « d’experts » reconnus : médecins, psychologues scolaires, Inspecteurs spécialisés… et dans un second temps le travail avec la famille et des personnes ayant vécu la même situation. L’inversion des moments peut s’avérer plus motivant pour l’élève et sa famille.
Prévoir en premier temps la rencontre avec un parent d’élève, voire un ancien élève ayant vécu la même situation quelques années auparavant peut être un atout pour aider les parents à vivre la dure réalité et à découvrir qu’ils ne sont pas les seuls à vivre ou avoir vécu cette situation.
Prévoir la présence d’un « tiers » (parent, responsable associatif, médiateur, expert…). Dans le cas d’une décision « difficile » et perçue comme une « mauvaise nouvelle » par les parents, il n’est pas sûr que le « tiers » présent à la réunion pour aider la famille doive être un expert ou un professionnel de l’éducation nationale. Un parent d’élève, voire un ancien élève ayant vécu la même situation quelques années auparavant peut être un atout pour aider les parents à vivre la dure réalité. Le but de l’entretien d’annonce de la décision est de donner de l’espoir à la famille en lui indiquant les voies possibles pour la réussite de l’enfant. Ces personnes seront pour les parents des témoins d’espoir.
Elles permettent de mieux gérer le second temps de la rencontre avec les professionnels et les « experts » et de faciliter la prise de décision par la famille ainsi mobilisée vers les voies possibles facilitant la poursuite de scolarité de l’enfant.
Pour illustrer ce que peut apporter un parent ou un élève ayant vécu la même situation il ya un certain temps, prenons quelques exemples :
• A l’école maternelle, on découvre qu’un élève de trois ans en retard de langages est diagnostiqué comme ayant des troubles autistiques. Dans ce type de situations, il est généralement d’usage de faire venir pléthore d’experts qui vont expliquer ce qui arrive aux parents et ainsi porter un jugement sur l’enfant qui apparaît comme irrémédiable et est ressenti comme un coup de massue sur la tête des parents. Leur seul défense est souvent le déni de la part des parents ce qui bloque pour de longs mois les décisions à prendre concernant l’enfant.
Il pourrait être plus intéressant de faire venir aux cotés des parents, d’autres parents qui comme eux ont déjà vécu cette situation afin qu’ils leur expliquent avec leurs mots de parents que rien n’est irréversible, qu’après le choc de l’annonce du handicap, leur enfant, avec une aide appropriée, dans une structure spécialisée a acquis un certain nombre de compétences. Ils peuvent même invités les parents concernés à venir rencontrer leur enfant pour leur redonner de l’espoir dans le futur.
• En fin d’école primaire, il apparaît nécessaire d’annoncer aux parents d’un élève que compte tenu de sa scolarité, il y aurait intérêt à lui faire poursuivre son cursus scolaire dans le cadre d’une Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté (SEGPA) au collège. Avant de faire venir le directeur du collège, l’IEN ou des enseignants de SEGPA, la venue d’un ancien élève ayant suivi le même parcours peut s’avérer fondamentale pour montrer au jeune et à ses parents que la SEGPA n’est pas une voie en impasse. La réputation des SEGPA, notamment dans les milieux défavorisés, très sensibles aux désinformations médiatiques, fait que la première réaction de nombreuses familles est un refus qui pénalise le jeune concerné. Si aucun élève n’est connu de l’équipe pédagogique, il faut savoir que souvent des employés fonctionnaires territoriaux dans les cantines ou aux espaces verts sont d’anciens élèves de SEGPA qui peuvent porter témoignage.
• Un jeune en fin de 4e se voit proposer, compte tenu de ses résultats, une orientation vers la voie professionnelle pour la préparation d’un Certificat d’Aptitude Professionnel (CAP)
Là encore, trop souvent, le jeune et sa famille vont rencontrer le proviseur et des enseignants, mais mis à part dans certains établissements, qui ont vu l’intérêt de cette démarche, on ne pense pas toujours à faire venir un jeune ancien élève de l’établissement qui grâce à son CAP a trouvé du travail en contrat à durée indéterminée. Il faut dire qu’il n’y a pas suffisamment dans les écoles et les collèges d’associations d’anciens élèves qui peuvent venir témoigner de leur réussite par l’école et donner de l’espoir aux parents et aux élèves.
10) Comment montrer aux parents qu’il doit exister un « jardin secret » partagé dans la classe entre les enseignants et les élèves et que tout ne peut être dit aux familles ?
Est-ce que l’enseignant doit tout dire aux parents de ce que fait l’élève dans la classe ou lors d’une sortie scolaire ? Est-ce que les parents doivent tout dire aux enseignants de ce qui se passe à la maison ? Etre totalement transparent risque de ne préserver aucune intimité, aucun espace privé chez le jeune, ce qui est fortement préjudiciable dans la construction de sa personne et de son autonomie.
La question de la construction de l’espace privé du jeune pose aussi un certain nombre de questions :
- Comment aborder la majorité civique du jeune, sa responsabilité en même temps que le maintien d’un dialogue, d’une collaboration avec ses parents ?
- Comment aborder les questions concernant la santé, la sexualité des adolescents ?
- Comment gérer les contradictions entre les messages scolaires et les pratiques familiales tout en permettant à l’élève de construire librement ses choix ?
L’enseignant, le parent, l’enfant, chacun a sa part privée qu’il doit pouvoir préserver de toute intrusion même bien pensante. Des repères explicites doit permettre de baliser l’espace pour permettre au jeune de construire son propre espace. Il faut admettre que l’école accompagnant la nécessaire autonomie de l’enfant et de l’adolescent soit amenée parfois à protéger l’espace privé du jeune en opposition avec l’espace privé de la famille.
On ne peut pas tout dire à la famille concernant ce que fait un jeune dans la classe, notamment lorsqu’il s’agit d’un(e) adolescent(e). Le jeune, pour grandir, pour développer son « estime de soi » doit avoir confiance dans le monde des adultes et dans les institutions. Elle ou il a besoin de se sentir « libres » dans ses différents espaces et de pouvoir préserver son intimité.
Chacun doit voir respecter son intimité. Le jeune dans sa vie quotidienne qui ne doit pas se sentir sous surveillance vingt quatre heures sur vingt quatre sans aucun espace « intime ».
La famille qui doit pouvoir, dans le respect des lois républicaines, développer ses coutumes, ses habitudes, son intimité, sans se sentir en permanence jugée. L’enseignant qui doit refuser de répondre à toute question sur son « espace intime », sa vie privée, sa religion… La classe, l’établissement scolaire qui est aussi un espace d’intimité, de confidentialité pour le jeune comme pour l’enseignant. Il faut rejeter le modèle qu’on voit se développer dans certains pays où une caméra est branchée en permanence sur la classe qui peut par internet être consulté par les parents.
Un enseignant peut donc légitimement expliquer à des parents qu’il ne répondra pas à leur question concernant au côté de qui le jeune Y. était assis pendant le cours ou à côté de qui la jeune Z. s’est installée durant la sortie en car, de la même manière qu’il ne leur demandera pas quels sont les amis qui sont venus la voir durant le week-end à leur domicile. S’ils veulent en parler, c’est aux jeunes de le faire, mais il apparaît important de montrer que la confidentialité partagée sur certains sujets et certains moments est aussi un élément qui fait partie de la construction du futur ou de la future adulte.
Jean-Louis Auduc
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