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A la télévision ou sur Internet, les enfants sont exposés aux contenus choquants des actualités. Comment les protéger et les aider à décrypter ces informations destinées aux adultes ?

Eviter les journaux télévisés pour les plus jeunes

“La télévision, c'est mieux quand on en parle”, insiste le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans ses campagnes dédiées à la protection des plus jeunes. Le message vaut en particulier pour les flashs info ou les actualités de 13h et 20h, qui représentent… 43 des 100 programmes les plus regardés par les 4-10 ans !

“Le journal télévisé est conçu pour les adultes. Certaines images mobilisent des émotions que les enfants ne sont pas encore capables de digérer”, note le psychiatre Claude Allard.

Avant 7-8 ans, mieux vaut dont éviter d'y confronter les enfants. Passé cet âge, si on leur permet de le regarder, il est essentiel de rester auprès d'eux pour évaluer leurs réactions, répondre à leurs questions, les aider à identifier ce qui les a étonnés, intrigués, inquiétés…

Donner des points de repère aux enfants

Compte tenu du rythme et de la complexité des actualités, l'une des priorités consiste d'ailleurs à remettre les événements en perspective.

“La plupart des journaux télévisés sont factuels et jouent sur le registre émotionnel, sans inscrire les sujets dans leur contexte, notamment historique”, constate Christian Gautellier, directeur du département “Enfants, écrans, jeunes et médias” des Ceméa (Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active).

Sans se lancer dans des exposés de géopolitique, les parents peuvent déjà fixer des points de repère basiques, mais fort utiles pour recadrer les nouvelles qui défilent : situer un pays, une ville, rappeler une date, signaler les enchaînements d'archives ou d'interviews récentes dans des sujets, etc.

Un moyen de parer aux risques de “télescopage” entre le présent et “tout ce qui s'agite sur l'écran”, analyse Claude Allard. “C'est à partir de 7-8 ans seulement que sont acquises les notions d'espace et de temps. L'enfant vit dans l'instant et pense que l'information qu'il perçoit se passe là où il se trouve.”

Et le psychiatre de citer la réaction d'un petit garçon de 6 ans et demi qui avait entendu parler de l'occupation d'une école à Neuilly. Vivant dans l'Essonne, il pensait que le drame s'était déroulé dans une école voisine de la sienne. “Il savait le ‘maintenant’, mais ne réalisait pas les 50 km de distance.”

Expliquer l’actualité pour former des citoyens actifs

Comme l'estime Florence Thinard, coauteur de l'ouvrage Les 1000 mots de l'info, s'il importe de dire les émotions, du côté des parents, comme des enfants, il ne faut pas s'arrêter à ce stade : “Il n'y a rien de pire que d'être impuissant devant les malheurs du monde. Mais face à l'actualité, on peut être lucide, réfléchir, prendre position… Se prononcer pour ou contre, cela nourrit une aptitude à être acteur.”

Jusqu'où aller dans les explications ? Il s'agit en effet de donner des clés d'analyse aux plus jeunes, sans non plus soulever d'autres motifs de panique. “Tout en précisant le sens des mots, à chaque étape on doit s'assurer que l'auditoire suit bien”, poursuit la journaliste et écrivain.

D'autre part, si des enfants affirment d'emblée tout savoir de telle ou telle actualité, Claude Allard conseille de ne pas tenir cela pour acquis ! Derrière leurs mines décidées, il y a peut-être des malentendus à dissiper.

Développer le regard critique à l’école et à la maison

L'éducation aux médias relève pour une grande part de l'institution scolaire, et figure d'ailleurs dans le socle commun de compétences. Au fil du primaire et du collège, à travers par exemple la Semaine de la presse à l'école, les 8-12 ans découvrent les coulisses de l'information et se forgent des outils pour décrypter l'actualité.

Cependant, “la consommation de télévision ou d'Internet s'inscrit dans la sphère privée, il est donc difficile pour l'école de fonder son approche sur ce quotidien des écrans”, observe Christian Gautellier, directeur du département “Enfants, écrans, jeunes et médias” des Ceméa (Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active).

S'il ne s'agit pas de se transformer en experts des médias, les parents sont les mieux placés pour aider leurs enfants à développer un regard critique sur les programmes, au jour le jour.

Varier les programmes pour prendre du recul sur l’actualité

Les enfants n'acquièrent pas d'un coup le recul nécessaire à la lecture de l'actualité, il faut pour cela de la maturité, ainsi qu'une longue pratique, d'autant que les nouvelles technologies, ou des tendances comme le “journalisme citoyen” brouillent les repères.

“Lors des émeutes de rue à Londres, les journaux ont diffusé des images filmées par des amateurs avec leurs téléphones portables, relève ainsi le psychiatre Claude Allard. Elles semblent d'autant plus authentiques qu'elles n'ont pas été travaillées pour le petit écran. Mais les infos constituent toujours une part de réalité présentifiée.”

En variant notamment les programmes et les médias, on peut aider les enfants à découvrir l'actualité sous des angles variés, et donc à comprendre les notions de mise en scène des informations, de choix éditoriaux, etc.

Apprendre à décrypter des images d’actualité

En plus d'alterner radio, télé, Internet et presse papier, pourquoi ne pas faire une pause dans le tourbillon des images pour mieux les décoder ? Coauteur de l'ouvrage Les 1000 mots de l'info, Florence Thinard anime des ateliers pour les enfants autour de l'actualité, et souligne l'intérêt qu'il y a à prendre appui sur des visuels :

“Si l'on est arrêté par une photo d'actu, on peut la regarder et en parler, essayer de comprendre où ça se passe, etc. Cela ouvre aux enfants un espace de réflexion : en observant de plus près ce qu'ils avaient perçu de manière immédiate, les enfants réalisent que bien des éléments leur avaient échappé”, note-t-elle.

S’appuyer sur l’édition et la presse pour la jeunesse

De manière plus générale, il ne faut pas hésiter à se lancer dans une petite recherche en famille lorsque les enfants sont intrigués par un sujet d'actualité. Ainsi, on peut compter sur les multiples collections de documentaires “jeunesse” en bibliothèques, ainsi que les quotidiens, magazines ou sites d'actualité adaptés au jeune lectorat.

Enfin, les sujets fétiches des 7-10 ans comme la nature peuvent être de bonnes pistes pour ouvrir les enfants au monde qui les entoure. Car il ne faut pas oublier ce dernier point, comme l'indique Christian Gautellier : “L'actualité ne se limite pas à la mort et aux catastrophes. Les découvertes scientifiques et les progrès en font aussi partie.”

Le 31 août 2011 Aurélie Djavadi