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Revue de presse : Article dans Le Monde du 11/03/2010 : Un projet de décret inquiète le monde de la petite enfance

La majorité des crèches françaises sont restées closes, jeudi 11 mars. Près de 71 % de grévistes étaient comptabilisés à Grenoble par le Centre communal d'action sociale et 44 % par la mairie de Bordeaux. A Paris, sur 439 établissements municipaux, 139 étaient fermés à midi et 97 partiellement ouverts, selon la mairie, qui avançait un chiffre de 16,69 % de grévistes.

Plusieurs milliers d'employés ont manifesté dans les rues des grandes villes françaises. A Paris, ils étaient plus de 10 000 selon les organisateurs, 4 500 selon la police. Dans la ligne de mire de ces professionnels réunis au sein du collectif "Pas de bébés à la consigne", un projet de décret gouvernemental sur l'accueil de la petite enfance rédigé par le secrétariat d'Etat à la famille de Nadine Morano. Selon le collectif, ce texte, actuellement examiné par le Conseil d'Etat, serait un pas "vers une dégradation des dispositifs existants, au détriment des attentes des familles et des besoins fondamentaux des enfants".

Ce projet a fait l'unanimité contre lui parmi les professionnels de la petite enfance – éducateurs de jeunes enfants, puéricultrices et auxiliaires de puériculture – pourtant peu enclins à manifester. "On n'est pas habituées à faire grève", explique Lydie Provost, auxiliaire de puériculture dans deux crèches municipales de Paris, qui précise qu'elle ne battrait sûrement pas le pavé "pour une augmentation de salaire ou pour des tickets restaurants".

La grogne se concentre sur deux points du texte. Premièrement, le collectif s'inquiète d'une possible augmentation du nombre d'enfants par encadrant. Actuellement, il est d'un adulte pour cinq bébés ou d'un adulte pour huit enfants si ces derniers sont en âge de marcher. Comme le recommandait le rapport de Michèle Tabarot, la députée-maire UMP du Cannet (Alpes-Maritimes), ce décret permettra aux crèches d'accueillir ponctuellement plus d'enfants. "Le nombre d'enfants en surnombre que pourront accueillir les crèches va passer de 10 à 20 %, mais uniquement de façon ponctuelle", explique-t-on au cabinet de la secrétaire d'Etat à la famille Nadine Morano. Cette disposition permettrait donc plus de souplesse, sans que les établissements soient épinglés par les services de l'Etat.

"PERSONNALISER L'ACCUEIL DES ENFANTS"

Mais pour les professionnels de la petite enfance, cette mesure est une augmentation déguisée du taux d'encadrement. "Nous avons un métier très difficile. Nous devons être dans l'affect et en même temps être très professionnelles pour accompagner les enfants vers l'éveil et l'autonomie", note Nadège Girard, auxiliaire de puériculture dans une crèche du XIIe arrondissement de Paris. Pour Myriam Mohande, qui travaille dans une crèche du nord de Paris, il ne sera plus question "d'individualiser et de personnaliser l'accueil des enfants". Comme nombre de ses consœurs – et quelques confrères – elle craint que les "crèches ne répondent plus aux exigences des familles qui font confiance aux établissements en leur confiant leurs jeunes ou très jeunes enfants".

Pis, pour certaines, leur travail ne consistera plus qu'à surveiller les enfants et les faire manger. Et ce au détriment de son accompagnement vers la vie en société, comme l'explique Isabelle, directrice d'une crèche dans les Hauts-de-Seine, qui ne souhaite pas dévoiler son nom.

Deuxième pierre d'achoppement entre les professionnels de la petite enfance et le secrétariat d'Etat à la famille : la formation des encadrants. A l'heure actuelle, 50 % d'entre eux doivent être titulaires d'un diplôme de puériculture, d'auxiliaire de puériculture ou d'éducateurs de jeunes enfants. Le décret prévoit de faire baisser ce taux à 40 %. Du côté des services de Mme Morano, on explique que cette disposition permettrait de valoriser les personnes titulaires d'un CAP petite enfance ou ou d'un BEP carrières sanitaires et sociales qui justifient de trois années d'expérience.

IL FAUT "ABSOLUMENT GARDER LA PROFESSIONNALISATION"

Marie-Pierre Jeannin, permanente à la CFDT-Interco des service publics parisiens, reconnaît que "ce n'est pas inné de s'occuper des enfants, et qu'il faut une vraie formation". Pourtant, elle n'est pas choquée à l'idée de reconnaître les qualifications et l'expérience de ces titulaires de CAP ou de BEP. A l'inverse, ses collègues qui défilent dans les rues de Paris voient cette disposition d'un œil inquiet. Pour Noëlle Buton, présidente de la Fédération nationale des associations pour la petite enfance (FNAPPE), il faut "'absolument garder la professionnalisation", au risque de créer un déséquilibre qui serait synonyme de dysfonctionnement.

Selon le cabinet de Nadine Morano, il n'est nullement question de retirer ce décret puisque le conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales l'a validé le 2 février dernier. Pourtant, le collectif "Pas de bébés à la consigne" ne compte pas baisser les bras, soutenu, à quelques jours du premier tour des élections régionales, par certains politiques. Dans le cortège parisien, Eric Coquerel, tête de liste du Front de gauche à Paris, voit dans ce projet "une attaque contre les services publics, contre les lieux d'accueil de la petite enfance et contre le fait que les femmes aient le droit de travailler".

Jonathan Parienté


12/03/2010
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