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Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 07/09/2011 : Rentrée : Pour les parents de la FCPE, "ce qui est le plus irritant c'est l'immobilisme"

A la tête de la première association de parents d'élèves, la FCPE, Jean-Jacques Hazan donne sa vision de la rentrée. Ce qui irrite la FCPE ce n'est pas tant les points les plus négatifs du bilan de l'action ministérielle. C'est l'inaction sur deux dossiers qui tiennent à coeur l'association de parents : les remplacements et les rythmes scolaires.

 

Luc Chatel a présenté son action au ministère comme une véritable révolution, celle de la personnalisation à l'école. Partagez vous le bilan et l'objectif ?

 

La FCPE veut une école de la réussite de tous. Pour se faire il faut une pédagogie beaucoup plus individualisée, centrée sur chaque élève et qui prenne en compte ses besoins. Cependant nous pensons que cette réussite démarre en classe et non dans des pseudo solutions de soutien individuel. C'est pourquoi si l'objectif annoncé peut attirer il faut le décrypter et bien savoir ce qu'il recouvre : une attention individuelle dans le cadre de la classe ou un renvoi à un suivi individuel en dehors. Pour nous il faut que les élèves travaillent en classe et non se bornent à écouter un cours et rentrent chez eux bourrés de devoir pour travailler chez eux. Rendre les élèves acteurs voire auteurs de leurs savoirs sera toujours beaucoup plus efficace que s'ils ne sont qu'auditeurs.

 

Après cela, croire qu'on a solutionné leurs difficultés et les besoins d'approche plus personnalisée par des "soutiens individuels" qu'on organise en dehors du temps scolaire reste plus un leurre avec lequel on s'achète une bonne conscience alors que c'est le système pédagogique qui doit être revu en faisant travailler les élèves en groupe par exemple. Comme depuis sa nomination le ministre manie les avantages d'une pédagogie différenciée et plus personnalisée mais cela reste malheureusement des paroles et la réalité du terrain nous laisse amers. En effet comment personnaliser mieux avec des effectifs plus lourds, des coups de rabots sur les heures dédoublées ou pire encore sur les suppressions des itinéraires de découverte en collège par exemple ?

 

Et comment personnaliser, faire plus oeuvre de pédagogie sans cap proposé dans cet esprit et en disloquant la formation des enseignants tant initiale avec la mise en oeuvre de la masterisation que continue avec la réduction drastique des moyens qui y sont consacrés. Le bilan de l'action ministérielle est donc franchement négatif.

 

Pour nous continuer avec le triptyque devoirs, notes, redoublement empêche cette rénovation réelle des méthodes pédagogiques en renvoyant cette personnalisation sur la responsabilité de l'élève et de sa famille alors qu'une personnalisation de l'école devrait vouloir dire que l'obligation de résultats de l'école est pour chacun et que la pédagogie permet de s'adapter aux besoins et choix de chacun.

 

Dans les réformes et les projets ministériels, tout est-il à jeter ? Iriez-vous jusqu'à décerner un bon point à Luc Chatel ?

 

Il n'est pas dans nos habitudes de décerner des bons points ou des images pas plus que de faire des cours de morale d'ailleurs. Dans les réformes, décrets, arrêtes ou circulaires ministériels et on le voit pratiquement à chaque fois, deux lignes semblent cohabiter :

- une logique éducative, prônant la pédagogie et une autre rétrograde et parfois franchement répressive

- une logique de réforme et un manque d'ambition de mise en œuvre sans se donner les moyens de réussir.

 

C'est le cas aussi dans les programmes comme bien sur dans la reforme du lycée. Cette recherche de rendre compatibles deux orientations antagoniques bloquent aussi un vrai processus de transformation positive.

 

Accueillir les enseignants trois jours à leur prise de poste c'est bien, mais pas pour les lancer contre le mur de la découverte de ce qu'est un élève, un enfant, une classe le lendemain. Insister sur la pratique sportive c'est louable mais tout en supprimant des milliers de postes d'enseignants en EPS c'est voué à l'échec. Déclarer la guerre à la violence à l'école c'est bien mais ne rien faire pour stabiliser les équipes et le nombre d'adultes, ne pas relancer la formation des enseignants rend bien lointain le retour à la sérénité. Chercher à faire revenir les élèves "abandonnistes" en classe c'est indispensable mais plutôt que les intéresser au contenu de l'école les menacer et frapper au portefeuille leurs familles ca n'est que renforcer les difficultés sociales et éloigner les parents de l'école.

 

Il faut noter cependant la nette différence de style et de relation de travail ; C'est vrai pour les consultations, le dialogue en général, la reconnaissance de notre fédération et les déclarations sur le rôle des parents jusqu'à la campagne trop courte mais existante pour les élections de parents. Mais ceci ne pourrait suffire car c'est parfois beaucoup d'espoir perdu face à l'ampleur de la discussion quand on regarde le résultat

 

Inversement, sur quel point Luc Chatel vous irrite-il le plus ? La question des remplacements ? Les rythmes scolaires ? La place des parents à l'école ? Les sanctions à l'école ?

 

Ce qui est le plus irritant c'est le peu de mouvement fait sur ces dossiers. Pourtant dans la gestion du dossier sur le remplacement que nous avons initié avec force avec notre site Ouyapacours, la réponse de l'institution existait même si elle ne suffisait pas mais elle a été anéantie. D'une promesse de gestion avec transparence on est arrivé non pas à une évaluation des besoins et une mise en adéquation des moyens mais à une aberration de suppression encore de plusieurs milliers de postes de remplacements et cette fois dans le premier degré. Pour faire face aux augmentations de population scolaire, on utilise les remplaçants et on épuise la ressource pour ensuite partir vers pôle emploi pour recruter est inefficace et aberrant. On reste donc avec le problème entier : une obligation de l'Etat non remplie et des milliers de plaintes largement justifiées de parents.

 

Le second dossier est celui des rythmes scolaires. Remis sur le devant de la scène en février 2009 par la FCPE avant la prise de fonction du ministre en prouvant la fatigue des enfants et l'inadéquation de la semaine de quatre jours mais aussi du rythme annuel et surtout de la durée de la journée, nous attendions que le ministre avance concrètement. Il est vrai qu'il s'est saisi du thème mais ... Si la conférence que nous avons obtenue ne peut que nous donner satisfaction, là encore il manque de l'action, de l'arbitrage. Nous demandons encore depuis 14 mois des mesures simples qui ne nécessitent que bien peu d'arbitrages tant l'unanimité s'est faire mais un peu d'organisation : la seconde semaine complète à la Toussaint et 90 minutes pas moins garanties a chaque élève dans le secondaire pour la pause méridienne. Et que dire du silence sur l'organisation de la semaine qui va encore faire subir aux élèves de France le plus mauvais emploi du temps d'Europe ?

 

Sur la place des parents on a pu croire a des avancées lors du lancement de la mallette des parents, des déclarations à l'approche des élections mais là encore on a vu le projet se limiter trop fortement. Mais comment pourrait il en être autrement lorsqu'on doit composer aussi avec cette orientation répressive dénonçant des parents laxistes ? On pourrait aussi se demander pourquoi après tant de déclarations et un décret, aucune garantie d'horaire n'est donnée pour les conseils de classe permettant la présence des parents.

 

Il y a fort à parier que ce décret est loin d'être suffisant pour garantir quoi que ce soit. D'un point de vue plus général, nous considérons que la reconnaissance réelle des parents et de leurs enfants ne sera effective que lorsqu'on cessera de s'opposer à leur liberté de choix d'orientation. La mise en oeuvre d'une véritable coéducation passe par là comme elle passe par l'arrêt de la sous-traitance pédagogique que représentent les devoirs alors que l'action éducative des parents ne doit pas se borner à une "mauvaise imitation" de l'enseignant.

 

Vous avez dénoncé l'automaticité des sanctions dans la dernière circulaire et le conseil d'Etat a rejeté votre requête. Qu'allez vous faire ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une automaticité des procédures ?

 

Le problème de ce décret est qu'il manie les deux armes. L'une plutôt éducative qui reprend d'ailleurs certaines de nos demandes communes FCPE-UNL en créant une réelle hiérarchie de sanctions et des mesures de responsabilisation alternatives aux sanctions, en acceptant notre demande de droit au contradictoire, en empêchant les exclusions de longue durée, en instituant une espace éducatif.

 

L'autre qui en limite la portée, par exemple en permettant d'exclure les représentants des élèves de la commission éducative alors qu'ils ont leur place dans le conseil de discipline et surtout qui renforce des possibilités répressives en donnant droit à une automaticité de procédure dont on sait que pour l'instant elle n'est constituée que du conseil de discipline qui dans 75% des cas exclut l'élève. Le motif de cette automaticité est à chercher dans la logique répressive défendue, on l'a vu cette semaine, par SOS Education et le FN. Il inclue en effet les violences verbales. On voit bien là le danger d'un tout répressif et de l'injustice manifeste de la non définition de ce qu'elle représente car pour certains elle démarre au tutoiement.

 

Nous restons cependant confiant pour notre requête au fond. Avec l'UNL nous allons agir dans le sens du droit et chercher à faire reculer cet état d'esprit répressif et obtenir la présence des élèves dans les commissions. Le juge a indiqué en référé que les dispositions le permettaient. Bien sur nous ne pouvons que le souhaiter et savons que les juges du fond ne pourront que tenir compte de la réalité dans quelques mois.

 

On sent que des modèles divergents s'affrontent sur l'Ecole : pilotage par les évaluations, autonomie financière totale des établissements, mise en concurrence, retour à l'école sanctuaire de la IIIème, république, sélectivité accrue.. Pour vous l'Ecole peut-elle être plus productive ? Et comment faire ?

 

Il existe en effet des modèles très divergents. L'un de la continuité d'une école publique sur le modèle du plan Langevin Wallon, se fixant des objectifs très ambitieux pour chacun et un autre de l'efficacité de l'utilisation des coûts, une sorte d'optimisation qui ferait de l'école un "service" comme les autres qui n'aurait pas de perspective humaniste mais que productive en quelques sorte. En outre s'ajoute l'idée, comme pour la santé, qu'il y a un minimum qui doit être garanti et le reste en, option chacun se le paie. Certains libéraux verraient bien une plus grande fluidité dans l'école de tous et une école pour certains seulement avec les mêmes droits mais pas les mêmes obligations devant le citoyen.

 

L'administration part sur des évaluations tous azimuts, une évaluationnite qui n'a que peu d'intérêt. Elle ne sert en rien à mesurer l'efficacité d'un système ou des élèves. Je veux tordre le cou à une idée selon laquelle le ministère piloterait par les résultats. Son pilotage n'est pas fait par la mesure des écarts entre résultats et objectifs fixés pour mesurer le chemin a parcourir et mettre les moyens qu'il faut pour y parvenir. C'est ça le pilotage par les résultats. Le leur est un pilotage par les moyens: le résultat n'est pas atteint et on peut dépenser moins pour ne pas l'atteindre. Je vous laisse conclure...

 

Pourtant l'école doit produire plus de réussite, cesser de stresser et rebuter les élèves avec un système de pression dont j'ai déjà parlé : notes-devoirs-redoublement ; rompre aussi avec l'organisation figée trop souvent existante une heure une classe une cours un enseignant un devoir une note. C'est possible en se centrant sur les élèves et sur le travail à l'école et non à la maison, en prônant une pédagogie plus participative, plus active, en mettant en avant les expériences pédagogiques plutôt qu'en les cachant et en formant sans relâche les enseignants. Cela impose de se tourner vers le futur et non vers un sanctuaire d'une école égalitaire qui n'a jamais existé.  

 

Cela impose de permettre a chaque élève de progresser a son rythmes aussi et de rester maitre de ses choix. Une société plus juste n'a pas besoin de plus de sélection, elle a besoin de plus de jeunes formés, plus autonomes et capables de travailler en groupe.

 

L'école peut et doit se fixer cet enjeu, assurer une qualification à chacun, atteindre les 85% d'une génération au bac et 50% à bac+3. Ce n'est que comme cela que notre pays remplira son rôle et honorera la dette éducative qu'il a vis a vis de sa jeunesse. C'est certain cela coûtera mais s'il a été possible de baisser d'un point de PIB la part de richesse consacrée à l'éducation, un autre arbitrage saura rétablir ce dont les enfants ont besoin pour leur école.

 

Jean-Jacques Hazan



08/09/2011
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