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Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 23/11/2011 : Qu'est ce qu'un manuel numérique ?

Il y a presque 10 ans, en janvier 2002, les premiers manuels scolaires numériques arrivaient dans les collèges des Landes. Dix ans plus tard, malgré l'informatisation complète des établissements, des enseignants, de notre société, malgré la fameuse génération Y, force est de constater que le manuel numérique peine à progresser et est très loin de s'imposer. Force est de constater aussi qu'il n'a pas répondu aux rêves des pionniers.

 

Généralement on met en avant les obstacles techniques. Savoir Livre ne manque pas à la règle. Son enquête montre que la moitié des enseignants se plaignent de l'équipement informatique de l'établissement pour les usages professoraux et 7 sur 10 pour les usages des élèves. On remarque aussi que 80% des accès professoraux ne passent pas par les ENT ou Internet. Disons tout de suite que ces problèmes sont tout sauf techniques. Ils sont avant tout institutionnels. La promesse de Luc Chatel d'arriver à un partage de compétences avec les collectivités territoriales sur la maintenance et l'équipement s'est échouée sur les rochers de la politique politicienne. L'obstination présidentielle à soumettre et asphyxier des collectivités qui sont autant de contre-pouvoirs a prévalu sur l'intérêt du système éducatif.

 

Mais on aurait tort de sous-estimer les obstacles pédagogiques. Ce que montre l'enquête de Savoir Livre, c'est que le manuel numérique n'a très généralement en rien remis en question les pratiques pédagogiques les plus traditionnelles. Il est très curieux de voir que les enseignants jugent que le manuel numérique n'est pas un bon outil pour travailler sur des textes ou même pour faire des exercices ou des expériences. Cela tient au fait que les deux tiers des manuels numériques sont de simples fichiers projetables (non "enrichis") utilisés pour accompagner le discours professoral. On leur reconnait une capacité à réveiller l'attention de l'élève que la parole du maître a perdu depuis longtemps...

 

Evidemment un autre usage du manuel numérique serait possible. Le manuel enrichi permet de travailler l'image en petit groupe, de passer les textes dans des filtres lexicomètriques, d'accéder à des ressources sélectionnées ou pas, de communiquer, bref de libérer la créativité. L'outil le permet mais pas la forme scolaire. Et c'est elle qui prévaut appuyée sur ses espaces, ses rythmes, ses valeurs, sa relative efficacité par rapport à des examens traditionnels. Parce que l'enseignant est responsable il ne fait pas prendre de risques à ses élèves. Il va vers ce qui est efficace dans un système donné. Ajoutons que l'évolution de tous les programmes depuis 5 ans, l'incitation incessante à se conformer aux formes traditionnelles dans une machine de plus en plus bureaucratisée renforce cela.

 

Le manuel numérique souffre du même mal que le TBI : être un "manuel" (comme le TBI est un "tableau"). C'est à dire un outil du maître. Selon Savoir Livre, seulement 7% des élèves sont équipés d'un manuel numérique. Et c'est sans doute la plus forte différence avec le manuel papier. Paradoxalement, le manuel numérique est totalement absent de l'univers des jeunes, dont on sait bien qu'ils appartiennent à une génération fortement attirée par le numérique. "Ce sont des manuels à l'usage des enseignants", nous disait Pierre Hagnerelle, en charge d'une mission de réflexion sur ces manuels, l'été dernier. Avant d'ajouter : "Mais quid de manuels à l'usage des élèves ?"

 

Cette situation peut sembler renversante. Dans un rapport paru il y a environ un an, Alain Séré et Alain Marie Bassy réfléchissaient à ce que devrait être un manuel numérique. "Il ne s’agit plus seulement d’une mutation de support que le numérique rendrait adaptable, modulable, transportable, jusque « dans les nuages ». Mais en devenant « numérique », le manuel scolaire accède au statut de système informationnel ouvert, offrant, par sa logique applicative, de vastes possibilités de composition, de sélection, d’organisation de contenus et d’activités pour l’enseignement. Intégré à l’espace de travail du professeur, de l’élève, des parents, il décline, pour chaque profil d’utilisateur, des fonctions et des ressources adaptées". Pour cette révolution éducative il faudra évidemment davantage qu'un plan numérique au rabais ou qu'une baisse de taux de TVA. Le chemin peut encore être très long.

 

François Jarraud



23/11/2011
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