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Revue de presse : Article dans L'Express du 23/08/2011 : Le conservatisme frénétique

Pourquoi retarde-t-on toujours la réforme essentielle de l'école ? Jacques Attali livre son analyse.

Il n'est pas qu'en matière financière que cette présidence de la France se caractérise par une agitation extrême, suivie d'une longue période d'inaction, justifiée en permanence par la prétendue complexité de la situation, parachevée en fin de mandat par la redécouverte des problèmes du début et par une avalanche de discours sur l'urgence de faire quelque chose. 

Cette méthode, qui a l'avantage pour le politique de multiplier les occasions de faire parler de soi, de rassembler des experts, de réunir des sommets, de juger sur place des expériences étrangères, a été appliquée ailleurs que dans la gestion de la crise. On trouve le même conservatisme frénétique en matière de sécurité, de santé, de politique de l'énergie et, plus récemment, d'enseignement primaire.  

 

Pourtant, chacun sait, depuis bien avant le début de ce quinquennat, que l'école primaire est le point faible essentiel de notre pays. Plusieurs rapports, français et étrangers, préparés avec beaucoup de soin, ont confirmé à maintes reprises ce diagnostic et décrit les solutions qui s'imposent : donner plus de pouvoir aux directeurs d'école sur le recrutement des maîtres, adapter les programmes au public spécifique de chaque école avec un encadrement personnalisé, mieux payer des maîtres qui travailleraient plus longtemps en classe, donnant des cours particuliers à leurs élèves en difficulté. Pourtant, on en est encore à mettre en oeuvre les réformes décidées après les émeutes de 2005 et on commence à peine à contractualiser des projets d'école à portée plus statistique que pédagogique.  

 

Plusieurs institutions internationales (dont l'OCDE, dans son classement quinquennal dit Pisa) ont dénoncé le déclin de notre enseignement primaire et montré que, à budget égal par élève, 17 pays font désormais mieux que le nôtre ; elles ont expliqué que, depuis de longues années, la Finlande est un modèle d'efficacité pédagogique et sociale. Pourtant, malgré ces faits, établis depuis longtemps et sans discussion, le ministre de l'Education nationale français a cru bon de se rendre dans ce pays en ce beau mois d'août, pour annoncer à son retour que la France allait s'inspirer de ce modèle d'enseignement dès la rentrée... 2012 ! A-t-il oublié que son camp est aux affaires depuis bientôt dix ans ? N'a-t-il lu aucun rapport, n'a-t-il été informé d'aucun des résultats des programmes expérimentaux ? Ne sait-il pas qu'avant la rentrée de 2012 il y aura l'élection présidentielle et que son rôle se réduira dès lors, pour l'essentiel, à préparer le programme électoral de son candidat ? 

 

Rien n'est plus tragique que cette manière d'agir. C'est à se demander quel intérêt on peut trouver, humainement, à remplir cette belle mission de ministre, et en particulier de ministre de l'Education nationale, si c'est pour passer son temps à retarder l'application de réformes essentielles, dont dépend l'avenir du pays et que tout le monde approuve depuis longtemps. Est-ce seulement pour pouvoir se servir de telles idées, admises depuis belle lurette, afin de bâtir un programme pour une campagne présidentielle ?

 

Cela serait absurde, et d'aucune utilité : les électeurs se souviendront, je l'espère en tout cas, que la frénésie de l'inaction ne saurait tenir lieu de bilan, et encore moins de programme. 

Que cette rentrée soit vraiment, pour cette façon de faire de la politique, la dernière. 

 

Par Jacques Attali



25/08/2011
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