Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 22/08/2011 : Pédagogie différenciée : Une bonne résolution ?
La pédagogie différenciée est devenue une exigence officielle du système éducatif. Pour autant elle est loin d’être banalisée et c’est encore une « bonne résolution » de rentrée. Pour Sabine Kahn, qui publie « Pédagogie différenciée » chez de Boeck, c’est sans doute parce qu’elle « reflète tous les problèmes du système éducatif et au-delà, ceux que pose la manière dont nos sociétés traitent les différences ».
L’ouvrage de S Kahn ne propose pas d’instruments pour pratiquer la pédagogie différenciée. Il la prend comme objet d’étude et nous invite à réfléchir à son apparition dans le système éducatif. « A quels problèmes tente-elle de répondre ?», demande S Kahn. « De quel type de différences entre les élèves se préoccupe-t-elle ? ». Cette réflexion n’est pas vaine car elle éclaire fortement les difficultés rencontrées sur le terrain.
Ainsi, dans les premiers chapitres, S Kahn montre que l’Ecole s’est construite sur l’idée de fournir le même enseignement à des élèves « aussi peu différents que possible ». C’est finalement toute l’histoire de l’invention de la classe. Or ce dispositif bien loin d’éradiquer la différence a fini par les engendrer… C’est aussi la théorisation par les Lumières, Condorcet par exemple, de l’indifférenciation comme valeur dominante du système éducatif. Chez ses successeurs, de Ferry à Pompidou, cette indifferenciation de principe se marie bien avec des systèmes socialement différenciés. Lycée et école primaire supérieure chez l’un, CES pour tous mais avec 4 types de classes chez l’autre…
Si la différenciation s’affirme maintenant c’est à la fois le résultat d’une nécessité, la scolarisation des « débiles » et du travail d’analyse des sociologues. S Kahn rappelle Bourdieu et l’idée que les inégalités scolaires ont à voir avec celles produites par la société. Elle montre aussi tout ce que la différenciation doit, concrètement, aux travaux des pédagogues en charge des enfants difficiles. C’est pointer aussi les difficultés des enseignants. Issus des couches sociales qui maitrisent bien les codes de l’Ecole il leur est difficile de percevoir la distance entre culture scolaire et populaire.
Finalement l’ouvrage nous ramène aux débats essentiels sur l’Ecole. Par exemple celui sur la masterisation qui a encore accru cette distance. Alors que la rentrée 2011 verra en France arriver directement dans les classes du primaire de jeunes enseignants forts savants mais peu ou pas du tut formés à cette rencontre avec l’élève, S Kahn invite à considérer la différenciation comme un exercice de décentrement. On est bien là au cœur des contradictions du système entre un contrôle national de plus en plus présent dans la classe avec ses évaluations et les exhortations à l’autonomie encore réitérée par L Chatel en Finlande, entre « égalité des chances » et aspirations à la concurrence. Puisqu’on est en année électorale, c’est l’occasion de dire que le chemin vers la pédagogie différenciée passe peut-être par un aggiornamento idéologique de l’Ecole et des choix de société.
Sabine Kahn, Pédagogie différenciée, de Boeck, Bruxelles, 2010.
A découvrir aussi
- Revue de presse : Article dans Le Parisien du 06/09/2011 : Essonne - Des petits font leur rentrée... à la cantine
- Revue de presse : Article dans Le Point du 24/01/2012 : L'enseignement privé veut plus d'autonomie des établissements scolaires
- Revue de presse : Article dans Le Figaro du 24/01/2012 : Handicap : la formation professionnelle est prioritaire
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 103 autres membres