ALPE74140

ALPE74140

Revue de presse : Article dans Le Figaro du 03/01/2012 : Élèves surdoués : l'école peut mieux faire

Un symposium international insiste sur le parcours scolaire aléatoire de ces enfants.

«Mais, madame, ce n'est pas ici qu'il faut venir chercher des enfants comme ça», n'a pu s'empêcher de répondre un chef d'établissement d'un quartier difficile de Nice à la présidente d'honneur de l'Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces (Anpeip), Monique Binda, venue lui proposer une opération de sensibilisation. Anecdote révélatrice des fantasmes qui persistent autour des surdoués.

 

Pour faire avancer les choses, l'Anpeip a réuni récemment à Nice les meilleurs experts francophones, avec le soutien de la municipalité, très engagée dans ce dépistage, et l'intérêt manifeste de nombreux enseignants ou intervenants auprès des jeunes enfants. Car contrairement aux idées reçues, un enfant surdoué peut se trouver dans n'importe quel milieu.

Encore faut-il que ses parents ou un enseignant soient prêts à déceler le potentiel de l'enfant au-delà de ses seules performances. Car ses résultats scolaires peuvent vite s'effondrer si on le maintient dans un carcan éducatif qui ne correspond pas à son mode de fonctionnement.

 

Pour Françoise Astolfi, docteur en psychologie, enseignante et formatrice, cela va même plus loin puisqu'un enfant surdoué présente souvent des comportements qui contribuent à brouiller son image : «Sa capacité d'attention sur un sujet qui l'intéresse peut laisser penser qu'il ne fait que ce qui lui plaît ; une curiosité excessive donnera l'impression qu'il se disperse ou au contraire se fixe sur un seul sujet ; son imagination riche peut induire une sensation d'étrangeté ou d'incongruité chez l'enseignant ; son sens de l'humour être interprété comme de l'impertinence.»

 

Il y a de nombreuses raisons pour qu'un enfant surdoué se retrouve noyé dans la masse : «Certains enfants ont manqué d'opportunités développementales, d'autres ont connu des événements de vie qui n'ont pas permis à leur potentiel de se développer», remarque le Pr Jacques Grégoiren, de l'unité de psychologie de l'éducation et du développement à l'université de Louvain (Belgique). Le potentiel élevé de l'enfant peut même se trouver complètement étouffé par un «effet Pygmalion négatif», selon l'expression du psychologue français Jean-Charles Terrassier, fondateur de l'Anpeip. «L'effet Pygmalion négatif, explique-t-il, c'est lorsqu'un enfant précoce n'a pas été identifié par ses enseignants, et qu'on va lui demander de se comporter de façon conforme.» Conforme à quoi ? À un système qui ne correspond pas à son mode de fonctionnement optimal car trop rigide et trop lent. Selon Françoise Astolfi, la palette de réactions des enseignants varie considérablement : du déni à la volonté d'agir dans l'intérêt de l'enfant, en passant par l'incrédulité, la curiosité ou le refus de remettre en cause ses schémas éducatifs.

Motivation

La question de la motivation est essentielle et c'est elle qui peut si ­souvent manquer, pour des enfants surdoués, dans l'enseignement traditionnel. Pour le Pr Françoys Gagné (Université de Québec, Canada), la motivation de l'enfant est fondamentale pour que puissent s'épanouir les dons naturels : «Le talent, c'est le produit de l'intensité des dons par l'intensité des exercices», a-t-il rappelé à Nice. Le psychologue québécois a développé au début des années 1980 un modèle destiné à «construire les talents en s'appuyant sur les dons» (modèle différenciateur de la douance et du talent ou MDDT) qui fait aujourd'hui autorité.

 

Le danger qui menace ces petits surdoués, pétris de facilités, est qu'ils ne voient pas l'intérêt de faire des efforts puisqu'ils réussissent facilement à l'âge où leurs petits camarades peinent à apprendre. Faute d'acquérir tôt une méthodologie et une discipline de travail, ils se trouvent forts démunis lorsqu'ils rencontrent leurs premières difficultés. Leurs petits camarades savent comment faire. Pas eux. La démotivation menace. Ils deviennent les champions du «peut mieux faire». S'ils n'ont pas été dépistés, ils ne le seront peut-être jamais ! Une étude lancée en 1921 en Californie pour suivre 1500 enfants avait montré que près de 30% des enfants surdoués étaient passés complètement inaperçus à l'école primaire. C'était aux États-Unis, c'était au siècle dernier, mais qui peut parier que l'on fait mieux aujourd'hui en France ? L'Anpeip n'a pas fini d'arpenter les quartiers difficiles.

 

Par Damien Mascret



03/01/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 103 autres membres