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Revue de presse : Article dans Le Figaro du 14/12/2011 : «Nous, parents, devons expliquer le monde aux ados»

INTERVIEW - Xavier Pommereau, psychiatre, chef du Centre Abadie du CHU de Bordeaux, vient de publier Nos ados.com en images (Odile Jacob).

 

LE FIGARO.- Vous relevez dans votre ouvrage que les ados d'aujourd'hui sont d'abord et avant tout des «enfants de l'image». Qu'est-ce que cela implique pour les parents ?

 

Xavier POMMEREAU.- D'abord, nous devons tenter de comprendre ce que ces enfants disent à travers leur image. Un gamin qui porte des jeans rapiécés, déchirés, surmontés d'un sweat-shirt bariolé, exprime simplement combien il se sent comme un patchwork, ignorant la direction à suivre... Pas question de faire du mot à mot, bien sûr, mais il est important que les adultes décodent l'allure générale de l'ado, les postures affichées, et surtout qu'ils ne s'en moquent pas ! L'apparence est devenue fondamentale. Désormais, filles et garçons passent un temps sans cesse rallongé à se pomponner. Et ce n'est pas pour se faire plaisir : c'est une obligation ! Ainsi, au centre pour adolescents que je dirige, nous avons reculé le début des consultations de 9 heures à 10 heures le matin : il devenait impossible d'avoir nos patients à l'heure ! Pour les parents, cela implique de faire une vraie réunion de famille pour caler le tour de chacun dans la salle de bains familiale...

 

Les parents doivent-ils donc persévérer pour donner un cadre ?

 

Oui, plus que jamais. À une gamine de 15 ans qui part en décolleté plongeant au collège, il faut imposer le port d'un gilet en expliquant que l'on ne s'habille pas comme ça pour aller en classe. Éventuellement, si elle souhaite se vêtir ainsi pour la fête anniversaire de sa copine, pourquoi pas ? Les adolescentes sont convaincues que, pour se faire aimer, elles doivent séduire. À nous de leur expliquer qu'elles risquent de trop s'exposer. Ainsi, nous, adultes, devons définir des espaces d'évolution à ces jeunes. Car Internet, cet univers dans lequel ils circulent si bien, c'est l'espace de tous les possibles, avec le meilleur et le pire : aux parents et aux opérateurs de «légiférer» sur la déambulation dans cet espace sauvage qu'est la Toile. Car, s'ils sont en avance sur les outils numériques, nos enfants sont encore immatures émotionnellement.

 

Comment s'exprime cette immaturité ?

 

Par exemple, pour eux, les informations, ce sont des «images Claire Chazal». Ils savent bien qu'il y a un conflit israélo-palestinien, par exemple, mais ils ne savent pas où est Israël ! Ils sont eux-mêmes géolocalisables grâce à leur portable mais ignorent la géographie ! En ce sens, je les appelle des «savants ignorants» : s'ils savent naviguer dans le monde numérique, ils ont surtout besoin que nous leur expliquions le monde, la réalité. Je crois qu'il y a actuellement un défaut de transmission : on confond télécommunication et transmission. Nos enfants n'ont pas besoin que nous communiquions avec eux, mais plutôt que nous échangions vraiment sur ce qui les entoure en leur transmettant du sens et des valeurs.

 

Comment s'adapter à une telle évolution ?

 

Tout est allé très vite, en effet, et les mondes entre adultes et ados se sont opacifiés. J'invite les parents à ne pas rester drapés dans leur dignité mais à accepter de se faire enseigner. Par leurs enfants d'abord : ceux-ci ont un vrai savoir issu de la technologie, même s'il ne faut pas croire qu'ils peuvent se débrouiller tout seuls. Et je pense qu'il faudrait créer des groupes pour les parents. On leur expliquerait tous les derniers progrès technologiques, car ceux-ci ne cessent de subir une accélération exponentielle.

 

Par Pascale Senk



15/12/2011
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